RDC : l’affaire Muyambo, arnaque ou manipulation politique ?

L’ex-bâtonnier du barreau de Lubumbashi Jean-Claude Muyambo est détenu depuis le 20 janvier à Kinshasa. La justice congolaise l’accuse d’avoir vendu un immeuble qui ne lui appartenait pas. L’intéressé et ses proches dénoncent une affaire politique. Qui dit vrai ?

Photo difusée sur le compte Twitter de Jean-Claude Muyambo. © D.R.

Photo difusée sur le compte Twitter de Jean-Claude Muyambo. © D.R.

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Publié le 17 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

L’arrestation

Tout commence à la mi-janvier. Nous sommes peu de temps avant les manifestations de Kinshasa contre le projet de réforme de la loi électorale. Le Katangais Jean-Claude Muyambo, ancien cadre de la majorité, le premier à s’être opposé publiquement à une possible candidature du président Joseph Kabila en 2016, se rend en avion à Kinshasa le 10 janvier. Il compte y lancer le Scode et alliés, un regroupement politique autour de la Solidarité congolaise pour la démocratie, qu’il dirige.

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À son arrivée dans la capitale congolaise, il est immédiatement contacté par Vital Kamerhe. Le leader de l’UNC (Union nationale congolaise) veut le voir d’urgence. Il lui annonce que depuis qu’il a quitté Lubumbashi, le Parlement tente de faire passer la loi électorale, que le texte "va entraîner le glissement vers le maintien de Kabila au pouvoir". Les deux hommes s’accordent sur la nécessité de mobiliser la rue et leurs partisans. Des manifestations sont annoncées pour le lundi 12 janvier. Kamerhe et Muyambo sont en tête de cortège, mais ce jour-là, l’engouement n’est pas à la hauteur de leurs espérances.

>> Lire l’interview de Muyambo : "Pourquoi nous disons non à la révision constitutionnelle" en RDC

Une nouvelle marche est annoncée pour le 19 janvier. La veille, Muyambo se sent suivi. Par précaution, il décide de passer la nuit au siège de l’UNC. Mais à 1 heure du matin, la police commence à encercler le bâtiment. Les heures passent, les manifestations ont lieu (avec les débordements que l’on connaît), mais ni Kamerhe ni Muyambo, coincés, ne peuvent y participer.

L’ancien bâtonnier est finalement autorisé à regagner son domicile à 17 heures. Il est arrêté le lendemain à 3 heures du matin et conduit dans une cellule de l’ANR. Vers 13h, il est présenté devant le procureur général de la République. Ce dernier lui présente un mandat d’amener datant du 15 janvier et signé par le procureur de Lubumbashi.

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Jean-Claude Muyambo est mis en examen pour abus de confiance et stellionat (vente d’un bien sans en être propriétaire) puis il est transféré à la prison de Makala. Officiellement, il n’y aurait aucun lien avec les manifestations de Kinshasa. Mais ses avocats dénoncent une "affaire politique".

L’affaire de l’immeuble

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Que lui reproche-t-on ? L’affaire remonte en 2002. Un citoyen grec, Emmanuel Alex Stoupic, exproprié lors de la zaïrianisation enclenchée sous l’ère Mobutu, tente de récupérer ses immeubles dans la province du Katanga, dans le sud de la RDC. Il entre alors en contact avec le cabinet de Me Muyambo. Ce dernier accepte de le représenter devant les instances judiciaires.

Une copie du document signé par Emmanuel Alex Stoupic en 2002 accordant au cabinet Muyambo les pouvoirs d’ester en justice en son nom

Seulement voilà, la procédure tire en longueur. Stoupic s’impatiente. En 2014, il décide de retirer sa confiance au cabinet de Muyambo, estimant que ce dernier l’a floué et qu’il aurait vendu un de ses immeubles à son insu. Muyambo est interpellé au parquet de Lubumbashi. Il explique alors au magistrat instructeur que le dossier sur les immeubles de son client était toujours pendant devant les juridictions congolaises. Pis, pendant 12 ans, son client n’aurait pas payé d’honoraires à ses défendeurs. Aucune poursuite ne sera finalement engagée contre Muyambo.

Et le 26 juin 2014, c’est Stoupic lui-même qui revient sur sa décision. Dans une lettre dont Jeune Afrique s’est procuré une copie, il présente même ses excuses à Muyambo pour la plainte déposée à son encontre et "réitère [son] engagement fait en 2002 pour que [le cabinet de Muyambo] puisse poursuivre les différentes procédures judiciaires et administratives" en son nom.

Le dossier est clos. Temporairement. Parce qu’il rebondit au lendemain des manifestations de Kinshasa du 19 janvier.

L’état de santé

Muyambo affirme avoir été torturé par les agents de l’ANR lors de son arrestation. Il en veut pour preuve l’état de son pied dont les orteils ont été broyés. Il a été transféré le 26 mars à l’hôpital SOS Médecin de Kinshasa où il a reçu la visite de nombreuses personnalités de l’opposition.

Craignant que l’on doivent l’amputer, ses avocats ont demandé le 16 avril a ce qu’il soit transféré dans un hôpital spécialisé à l’étranger. Ils attendent aujourd’hui la réponse des autorités.
 

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