Jean François Hénin : « Soit nous sommes rachetés, soit nous fusionnons »

Le patron de Maurel & Prom détaille sa stratégie en Afrique et dévoile ses ambitions pour l’avenir. L’occasion, aussi, de répondre aux rumeurs de vente du groupe français.

Jean-François Hénin, PDG de Maurel & Prom. © Hamilton/REA

Jean-François Hénin, PDG de Maurel & Prom. © Hamilton/REA

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Publié le 9 janvier 2013 Lecture : 4 minutes.

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Pétrole : quand les juniors taquinent les majors

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Avec un chiffre d’affaires de 374 millions d’euros en 2011 (et 322 millions sur les neuf premiers mois de 2012) et des réserves de 250 millions de barils équivalent pétrole dans onze pays, dont six africains (Congo, Gabon, Namibie, Nigeria, Mozambique et Tanzanie), Maurel & Prom (M&P) est une compagnie indépendante atypique. D’une société maritime spécialisée sur l’Afrique de l’Ouest créée en 1813, le groupe, coté à Paris et à Lagos, s’est progressivement transformé, pour démarrer la production de pétrole au Congo en 2000 avec quelque 188 barils par jour. Sa production quotidienne a dépassé les 22 000 barils en décembre.

Jeune Afrique : Quelles sont les perspectives financières et de production de M&P pour 2012 et 2013 ?

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Maurel & Prom n’est pas assez grand pour être autonome financièrement.

Jean-François Hénin : Nous espérons principalement augmenter notre production l’année prochaine au Gabon, grâce à l’utilisation d’un produit pour détruire la gangue qui se forme autour des puits et nous empêche d’atteindre nos prévisions. Le produit, élaboré avec Rhodia, sera testé début janvier 2013. Un autre produit devrait nous permettre de mieux contrôler l’injection d’eau [utilisée pour mettre le puits sous pression, NDLR]. Si tout fonctionne, nous espérons atteindre 33 000 barils par jour. Début 2013, au Congo, nous allons faire deux ou trois puits sur une zone identifiée par une entreprise qui recherchait de la potasse, et nous allons voir si le pétrole mis au jour est commercialisable. Enfin, en Namibie, nous avons quatre blocs avec Petroleum Geo-Services. Il devrait y avoir une bonne surprise de ce côté-là aussi. Financièrement, il n’y aura pas de révolution, car l’effondrement d’une plateforme au début de l’année a pesé sur nos volumes de production, mais l’exercice 2012 devrait néanmoins être meilleur que celui de 2011.

Vous êtes présents en Tanzanie et au Mozambique, zone hyperactive depuis les découvertes gigantesques de gaz par Anadarko et Eni… Quelle y est votre position ?

Notre objectif est de jouer un rôle sur les marchés locaux. Nous avons mis au jour 800 millions de pieds cubes de gaz [22,6 millions de m3], mais nous pensons multiplier par trois ces réserves dans les années à venir. Nous aurions ainsi de quoi satisfaire la demande locale pour plusieurs années.

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Depuis plusieurs mois, le doute persiste sur une éventuelle vente de M&P. Où en êtes-vous ?

Nous avons dit publiquement que M&P, qui prend des risques élevés au niveau technique en particulier, n’est pas assez grand pour être autonome financièrement. De plus, nous avons subi la crise financière. Il y a deux options aujourd’hui : soit nous sommes rachetés par des sociétés nationales, qui feront de nous leur fer de lance à l’étranger car elles manquent d’expérience, soit nous grandirons par fusions successives.

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Le nom de Sinopec a été avancé comme futur repreneur…

Sinopec est à l’affût de toutes les opportunités… Nous n’avons pas d’autres commentaires sur le sujet.

Il se dit aussi que vous souhaitez vous diversifier dans les biocarburants. Qu’en est-il exactement ?

C’est un domaine qui m’intéresse. J’ai investi à titre personnel dans une société française qui pourrait avoir trouvé le moyen de transformer la paille, le bois et l’herbe sèche en carburants et en produits pour l’industrie chimique. Nous sommes, j’en suis convaincu, à la veille d’une révolution dans ce domaine. J’attends néanmoins des résultats industriels concrets et la preuve de la rentabilité d’une telle technique pour proposer le projet au conseil d’administration de M&P. L’une des conditions de réussite est que le prix du baril reste élevé.

Cliquez sur l'image.Depuis une dizaine d’années, un certain nombre de juniors du secteur pétrolier marquent des points en Afrique. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Il existe aujourd’hui deux business models chez les indépendants. Il y a ceux qui reprennent en main de vieux gisements qui n’intéressent plus les majors, car leurs coûts de fonctionnement sont supérieurs à la rentabilité du champ. C’est un modèle éprouvé, qui fonctionne bien. L’autre option consiste à rechercher de nouveaux thèmes géologiques et à espérer tomber sur le bon gisement afin d’améliorer la valorisation de la société. M&P a ainsi démarré ses activités pétrolières en 2000 avec 30 millions d’euros de fonds propres. Puis nous avons découvert en 2001 le champ de M’Boundi, au Congo, qui recelait 250 millions de barils [il a été revendu en 2007 à Eni pour 1,1 milliard d’euros]. Même chose au Gabon… Depuis notre démarrage, notre valorisation a été multipliée par cent.

Les indépendants sont régulièrement attaqués pour leurs pratiques douteuses, leur manque de transparence et de responsabilité environnementale. Des accusations dont vous avez vous-mêmes fait l’objet…

Des gens nous ont effectivement accusés, au Congo, de ne pas avoir respecté les règles de bonne gouvernance. Mais nos meilleurs avocats, au final, étaient des ONG de terrain. Nous ne savons pas qui est à l’origine de ces attaques. Pour les autres sociétés, je ne peux pas parler à leur place. Mais les indépendants sont souvent dirigés par des anciens cadres du secteur, et leurs préoccupations écologiques sont importantes. Il y a forcément des bandits, et c’est vrai qu’il y a une vingtaine d’années des gens ont fait n’importe quoi. Mais vous le savez, désormais, une minifuite devient une affaire d’État…

Projetez-vous de vous développer dans d’autres pays ?

Oui. Nous espérons annoncer prochainement notre entrée dans au moins deux nouveaux pays, dont un en Afrique.

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