Cristina Duarte : « Je connais aussi bien la banque que le monde du développement »

Elle est la seule femme à briguer la présidence de la Banque africaine de développement. Mais c’est par son expérience que cette ex-dirigeante de Citibank, ministre depuis 2006, compte se distinguer.

Christina Duarte est ministres des Finances du Cap-Vert depuis 2006. © Vincent Fournier/JA

Christina Duarte est ministres des Finances du Cap-Vert depuis 2006. © Vincent Fournier/JA

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 30 avril 2015 Lecture : 4 minutes.

Il est 14 h 30 ce 13 avril. Cristina Duarte, 52 ans, est ponctuelle. À peine arrivée au 57 bis, rue d’Auteuil, la ministre des Finances, de la Planification et de l’Administration publique du Cap-Vert prévient : « Il faut que je sois partie à 16 heures au plus tard. » Agenda chargé.

Arrivée à Paris le matin même, elle enchaîne les rendez-vous avant de reprendre le lendemain un avion pour Washington, où elle doit participer du 17 au 19 avril aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Pendant cette escale de vingt-quatre heures, celle qui a été parmi les premiers à annoncer sa candidature à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) espère donner un coup d’accélérateur à sa campagne.

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Cristina Duarte Parcours BAD JA2832La capitale française est en effet un haut lieu du lobbying pour les prétendants à la succession du Rwandais Donald Kaberuka. « Notre travail commence à porter ses fruits. Il semble que la candidature cap-verdienne figure désormais dans une short list informelle, auprès de sources africaines et non africaines », affirme-t-elle, le sourire aux lèvres.

>>>>Voir aussi – Banque africaine de développement : huit prétendants pour un fauteuil

Favorite

Depuis quelques semaines, en effet, trois noms reviennent comme favoris dans une compétition qui s’annonce pourtant très ouverte : le sien ainsi que ceux du Nigérian Akinwumi Adesina et de l’Éthiopien Sufian Ahmed. Pourtant, il y a quelques mois encore, l’un de ses homologues ouest-africains glissait : « Cristina Duarte fait un travail remarquable dans son pays en menant des réformes difficiles. Mais elle n’est pas bien connue à l’international. »

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« Jusqu’à présent, les politiques économiques mises en oeuvre sur le continent ont favorisé la gestion de la pauvreté. Il faut adopter un nouveau paradigme : la gestion des richesses. »

A-t-elle rattrapé son retard dans ce domaine ? Aujourd’hui, elle assure avoir le soutien de plusieurs membres non régionaux de la banque panafricaine.

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À moins de deux mois de l’élection, elle se veut confiante : « La compétition va se renforcer dans les prochaines semaines, mais je reste sereine. »

En cet après-midi printanier, la Cap-Verdienne au verbe haut, formée à l’économie et à la gestion au Portugal puis aux États-Unis, semble n’avoir rien perdu de l’énergie qui caractérise son discours depuis son entrée dans la course : « Je suis disponible pour travailler pour l’Afrique. Je le fais déjà via le Cap-Vert, mais je peux le faire davantage à la présidence de la BAD. »

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Motivation

Parmi huit candidats, Cristina Duarte est la seule femme. Mais sur ce point, elle affirme sans détour : « Mon expérience, mon profil, ma motivation et ma vision pour l’Afrique me permettent de participer à cette compétition sans avoir besoin de jouer cette carte. » Ancienne vice-présidente de Citibank (elle a travaillé en Angola et au Kenya) et responsable de la Planification au sein du gouvernement cap-verdien depuis 2006, elle estime que son parcours combine parfaitement les deux domaines de compétence de la BAD : la banque et le développement. Son leitmotiv ? La transformation structurelle des économies africaines. Une expression qui, à force d’être répétée partout, peut paraître galvaudée.

Cristina Duarte BAD Programme JA2832sur l'image." class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid rgb(0, 0, 0); float: left;" />Mais elle insiste : « Après sept ans de crise internationale qui reconfigure la géopolitique mondiale, et après avoir connu quinze années de croissance économique, l’Afrique a une belle opportunité à saisir pour sortir de sa situation actuelle. » Et d’ajouter : « Jusqu’à présent, les politiques économiques mises en oeuvre sur le continent ont favorisé la gestion de la pauvreté. Il faut adopter un nouveau paradigme : la gestion des richesses. »

La clé

Évoquant les conclusions du dernier rapport sur les flux financiers illicites en provenance de l’Afrique, selon lequel 50 milliards de dollars quittent le continent tous les ans, elle compare cette somme au total des capitaux dont celui-ci a besoin pour développer ses infrastructures et les maintenir à niveau et en déduit le besoin impératif de renforcer la qualité des institutions africaines. « C’est là que se trouve la clé, avance-t-elle. Les Africains et leurs institutions doivent s’approprier le processus de développement de leurs économies. Et en prendre le leadership. »

Autre thème cher à celle qui a dirigé dans son pays le Programme de développement du secteur privé et de la compétitivité (financé par les Nations unies) : la création de valeurs dans les filières productives en Afrique. D’après Cristina Duarte, l’analyse de ce processus montre que 20 % des richesses se créent sur le continent et 80 % en dehors. « Les gouvernements et le secteur privé africains doivent agir pour changer cela. C’est le point de départ d’une transformation structurelle. »

Reste une question : quel rôle compte-t-elle faire jouer à la BAD dans cette stratégie ? « C’est une banque ressource du développement. Elle doit aider les gouvernements africains à mettre en place des politiques publiques efficaces, pour faire émerger des institutions de bonne qualité. Et ainsi permettre à ces dernières de promouvoir cette transformation structurelle. C’est une obligation, pas une option », lance-t-elle.

Tout en prônant des changements, l’unique candidate salue l’action de Donald Kaberuka. « Il a bien compris le point de départ de sa mission à la tête de l’institution. Il a réussi à diversifier les sources de financement, à élargir le réseau de partenariat et à entamer la décentralisation… » détaille-t-elle. Reste désormais à poursuivre ce travail.

>>>> Donald Kaberuka à l’heure du bilan

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