Jeff Immelt, l’homme de terrain de General Electric
Présent depuis des décennies en Afrique, le conglomérat industriel ne s’y est jamais solidement ancré. Le PDG du géant américain veut désormais y imprimer sa marque, grâce à des partenariats locaux.
Lorsque Jeff Immelt a accédé au poste de PDG de General Electric (GE), en septembre 2001 – quatre jours avant les attentats du 11 septembre -, l’Afrique était « en dehors des radars », comme il le rappelait en 2013 à ses actionnaires. Le géant américain de l’énergie était certes présent sur le continent – il opère en Afrique du Sud depuis une centaine d’années – mais il ne s’y était jamais réellement ancré.
Les choses ont commencé à évoluer en 2008. « J’ai compris que nous ne serions jamais capables de nous développer vraiment en Afrique si nous n’étions pas plus impliqués sur place », raconte Jeff Immelt lors d’une visite dans les locaux de l’entreprise à Accra, au Ghana. « Je n’ai jamais compris l’Inde, la Chine, l’Europe ou le Mexique avant de me rendre sur place, ajoute ce diplômé de Harvard. Et en tant qu’entreprise nous n’avons pas pu connaître les marchés avant d’avoir des employés sur le terrain. À distance, vous ne percevez ni les risques ni les opportunités. »
Goutte d’eau
À travers ses voyages, Jeff Immelt, le patron de GE, entré dans l’entreprise il y a plus de trente ans, a découvert ce que son groupe avait à apporter au continent. En Afrique du Sud et au Ghana, il a par exemple pu constater que tous les journaux titrent sur les coupures de courant. « Les pays africains ont besoin de ce que nous proposons, nous devons nous positionner pour être prêts à répondre à leurs besoins », affirme-t-il.
À distance, vous ne percevez ni les risques ni les opportunités.
Sur le continent, le conglomérat, actif dans l’énergie, les mines ou encore dans les transports, a enregistré un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) en 2013. Un chiffre encourageant tant ses résultats étaient négligeables au début des années 2000, mais qui reste une goutte d’eau dans les 150 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel de GE. Entre 2011 et 2014, le groupe a multiplié par deux ses activités ainsi que le nombre de ses employés sur le continent (2 000 personnes aujourd’hui).
Et l’entreprise de Fairfield, dans le Connecticut, entend bien faire doubler encore ces performances au cours des années à venir. Selon Jeff Immelt, le rapport risque-rendement du continent est « volatil avec une trajectoire ascendante ». Parmi ses projets phares figure le plan « Ghana 1 000 », qui vise à installer d’ici à 2019 dans ce pays 1 000 mégawatts de centrales électriques au gaz, alimentés par un terminal flottant de regazéification de gaz naturel liquéfié (GNL).
Et en Afrique du Sud, le groupe apporte son soutien à l’électricien Eskom afin de « trouver des solutions durables aux enjeux énergétiques du pays ».Ses équipements sont installés dans une dizaine de centrales électriques de l’entreprise publique, qui produit à elle seule 46 % de l’électricité consommée sur le continent.
>>>> Lire aussi – General Electric va investir 2 milliards de dollars en Afrique d’ici à 2018
Surtout, GE, qui mise aussi sur l’hydraulique, veut faire du Nigeria son « pôle régional pour la production, les services et l’innovation ». Lors d’une visite à Abuja en 2013, il a signé un protocole d’accord avec le ministère nigérian du Commerce pour un investissement de 1 milliard de dollars sur les cinq prochaines années.
Le coeur de ce dispositif est l’usine de turbines et d’équipements pétroliers de Calabar, au Nigeria, qui alimentera les projets du groupe et de ses clients dans toute l’Afrique de l’Ouest. Actuellement en construction, elle représente à elle seule un investissement de 800 millions de dollars. Au total, GE investira 2,4 milliards de dollars en Afrique sur les quatre prochaines années.
Et Jeff Immelt assure que le continent va représenter beaucoup plus qu’une ligne de revenu supplémentaire dans son bilan annuel. « Notre philosophie, c’est qu’une vraie entreprise globale ne se contente pas de vendre, elle construit de la capacité. Il faut savoir comment faire de l’argent dans un pays et pour un pays. Nous savons faire les deux. » Avec Calabar, le groupe entend ainsi soutenir l’économie domestique.
« Il s’agit vraiment de s’impliquer au Nigeria, en étant un partenaire local. D’être là sur le long terme », précise Jeff Immelt. « Notre priorité aujourd’hui est la construction de la chaîne d’approvisionnement, précise Jay Ireland, directeur général de GE Afrique. Dans les marchés les plus développés, chaque emploi dans notre entreprise correspond à huit emplois en amont. Ici, nous sommes chanceux si nous en obtenons un. Au Nigeria, tout comme en Afrique du Sud, nous avons déjà formé 28 fournisseurs locaux. »
Pour l’usine de Calabar, GE a signé un accord avec l’entreprise de construction nigériane Julius Berger. Et dans le pays, le géant de l’énergie s’est aussi allié au groupe Dangote, l’un des principaux producteurs de ciment en Afrique subsaharienne, sur le projet « GE Garages », des sites consacrés à l’ingénierie et à l’innovation qui travaillent en partenariat avec des acteurs locaux.
Mais la tâche ne sera pas aisée. Après avoir travaillé en Afrique plusieurs années, Jeff Immelt estime que les gouvernements du continent doivent améliorer l’environnement des affaires. « Il ne devrait pas être aussi dur de construire une centrale électrique, une usine, un chemin de fer ou une école. Chaque gouvernement devrait se regarder dans un miroir, à commencer par les États-Unis d’ailleurs, et se demander : est-il facile de faire des affaires avec moi ? Est ce que je résous les problèmes auxquels mon pays est confronté ? »
>>>> Lire aussi – Thomas Konditi : « GE peut aides les entreprises africaines à prendre une envergure mondiale »
Par Tolu Ogunlesi, à Accra (The Africa Report)
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