Égypte : Mohamed Morsi, sans l’auréole du martyr

Alors que le régime du maréchal Sissi éradique les Frères musulmans à tour de bras, le président déchu écope de vingt ans de prison. Une condamnation à mort lui aurait donné trop d’importance…

Lors de l’audience du 21 avril 2015 © Amr Nabil/AP/SIPA

Lors de l’audience du 21 avril 2015 © Amr Nabil/AP/SIPA

Publié le 27 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

À l’annonce du verdict, depuis la cage où ils étaient confinés, les accusés ont brandi quatre doigts – un salut devenu signe de ralliement aux Frères musulmans depuis le massacre de Rabaa, qui avait coûté la vie à quelque 817 partisans de la confrérie islamiste en août 2013. En direct à la télévision, treize personnes ont été condamnées à vingt ans de prison pour "violence et usage de la torture sur des manifestants" lors des affrontements qui avaient éclaté autour du palais présidentiel d’Ittihadiya, au Caire, en décembre 2012.

Parmi elles, Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu, en juin 2012, plus d’un an après la chute de Hosni Moubarak. "Je suis victime d’un coup d’État militaire, je suis le président de cette République, en accord avec la Constitution de ce pays. Je suis enfermé de force !", a hurlé le dirigeant déchu depuis son box.

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Tragique retournement du destin pour cet homme de 63 ans, issu d’une famille de fellahs du Delta, qui s’était hissé jusqu’à la plus haute marche de l’État. Après avoir épousé sa cousine, il passe dix ans aux États-Unis, où naissent leurs deux fils (tous deux ont la nationalité américaine) et où il se forme à l’ingénierie à l’université de Californie du Sud. Lorsqu’il rentre au pays, au début des années 1990, son profil "éduqué" lui vaut de monter en grade au sein de la confrérie. Et quand Moubarak est chassé du pouvoir, il accède à la présidence du Parti de la liberté et de la justice, formé par les Frères pour les représenter sur la scène politique.

On lui préfère pourtant Khairat al-Chater, bien plus charismatique, pour porter les couleurs du parti à la présidentielle. Mais cette candidature ayant été invalidée, c’est Morsi qui concourt, et l’emporte face à Ahmed Chafik – qui passe pour le candidat de l’ancien régime – dans un scrutin qu’une grande partie des Égyptiens estiment "truqué et négocié avec l’armée".

>>> À lire aussi : Égypte : la dernière tentation des Frères

Lors de son unique année à la tête de l’État, Morsi multiplie les faux pas. Il limoge la plupart des collaborateurs de Moubarak. Puis s’octroie les pleins pouvoirs, qui lui permettent d’annuler des décisions de justice et de légiférer par décrets, provoquant des protestations de rue, violemment réprimées. Accusé de ne gouverner que pour ses partisans, il s’attire la colère des laïques et des Coptes. Puis, très vite, celle de nombreux Égyptiens, car il se montre incapable de redresser la situation économique.

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En juin 2013, le mouvement libéral Tamarrod appelle à des manifestations pour réclamer son départ. Elles sont massives et, le 3 juillet, l’armée destitue Morsi lors de ce que certains appellent "la deuxième révolution", d’autres, "un coup d’État militaire".

Pendaison

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En ce mois d’avril, l’ex-président échappe au pire. "Vingt ans, cela signifie qu’il va mourir en prison. La justice s’est bien gardée de prononcer une condamnation à mort, qui lui aurait conféré un statut de martyr", note Amr Khalifa, un analyste politique, qui dénonce la forte politisation de l’institution judiciaire. Celle-ci ne se prive pas d’éradiquer les partisans de la confrérie.Plusieurs centaines d’entre eux attendent dans le couloir de la mort ; un premier adepte supposé a été pendu le 7 mars et, le 11 avril, Mohamed Badie, leur guide suprême, s’est vu confirmer sa condamnation à la peine capitale.

L’aventure judiciaire n’est toutefois pas terminée pour Morsi. Il risque toujours la pendaison pour d’autres chefs d’accusation, parmi lesquels : "conspiration avec le Hamas [palestinien] et le Hezbollah [libanais] en vue de commettre des actes terroristes" et "fuite de secrets d’État" au bénéfice du Qatar.

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