Miguel Oyono Ndong Mifumu : « Rien n’empêche Obiang Nguema Mbasogo de se représenter en 2016 et 2023 »

Miguel Oyono Ndong Mifumu est à la pointe de l’offensive diplomatique du régime de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, à qui une modification de la Constitution permet de se solliciter encore deux mandats de sept ans. Celui-ci devrait ainsi être investi prochainement par son parti comme candidat pour le prochain scrutin présidentiel, explique notamment l’ambassadeur de Guinée équatoriale en France. Interview.

Miguel Oyono fût pendant douze années le « Monsieur communication » du président Teodoro Obiang. © DR

Miguel Oyono fût pendant douze années le « Monsieur communication » du président Teodoro Obiang. © DR

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 29 avril 2015 Lecture : 6 minutes.

Miguel Oyono Ndong Mifumu, 64 ans, est une figure importante du régime de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. À un an du prochain scrutin présidentiel, et alors qu’une grande réunion d’opposants est prévue à Paris le 30 avril, l’ambassadeur de Guinée équatoriale en France, nommé fin 2014, se sent investi d’une mission. Cet ingénieur agronome de formation passé notamment par le Fonds international de développement agricole (Fida, une agence de l’ONU), et qui fût pendant douze années le "Monsieur communication" du président Obiang dont il demeure très proche, doit désormais apaiser les relations de son pays avec la France, en pleine tourmente de l’affaire des "biens mal acquis", mais aussi avec les médias, dont les "clichés ne reflètent pas la réalité", selon lui. Entretien.

Jeune Afrique : Ces derniers mois, de nombreuses manifestations à l’université de Malabo ont fait craindre une crise politique. Le soudain remaniement gouvernemental du 13 avril a accentué ce sentiment. Qu’en est-il aujourd’hui ?

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Miguel Oyono Ndong Mifumu : Les manifestations des étudiants n’ont aucun rapport avec la situation politique du pays. Il s’agit d’un problème de bourses : certains étudiants, dont le dossier remplissait les conditions requises à son obtention (situation géographique et notes), n’ont pas compris pourquoi ils n’y avaient pas droit, alors que d’autres, qui ne les remplissaient pas, l’avaient obtenue. Après enquête, il semble qu’il y ait eu des fraudes au niveau des dossiers. Depuis, le ministre de l’Éducation et son équipe ont été révoqués et remplacés lors du remaniement.

La police est-elle intervenue sans ménagement, comme on a pu le voir sur certaines vidéos publiées par des étudiants ?

En aucun cas la police n’est intervenue. Seul le ministre, révoqué depuis par le président Obiang comme je vous l’ai dit, a pris seul l’initiative d’amener au commissariat les meneurs des manifestations. Lesdites vidéos peuvent venir de n’importe où, et ne sont certainement pas liées à ces évènements.

Lors de la demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), le 5 février dernier, des jeunes avaient violemment manifesté dans Malabo… tout cela ne traduit-il pas un mécontentement général de cette jeunesse ?

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En effet, après ce match, Malabo a failli être saccagée. Mais par des personnes qui n’étaient pas si jeunes ! Des émeutes liées à un match de football, ça n’arrive pas qu’en Guinée équatoriale : voyez en Égypte, ou encore en France… cela ne veut pas dire que la jeunesse se révolte.

Une liste de mineurs, avec leurs noms et leurs âges, qui auraient été arrêtés et emprisonnés arbitrairement, a circulé dès le lendemain de ces évènements…

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Si des mineurs ont été arrêtés, c’est qu’ils profitaient de la situation pour piller. Mais je vous l’assure : il n’y a aujourd’hui aucun mineur détenu. Qu’il s’agisse des manifestions estudiantines, ou des émeutes à la CAN, tout cela a été utilisé par une opposition qui s’emploie à faire de la désinformation.

La non-distribution de bourses aux étudiants avait-elle un rapport avec la situation économique dégradée du pays qui, selon le Fonds monétaire internationale, devrait être à nouveau en récession en 2015, pour la 3e année consécutive ?

La situation économique du pays est liée à la baisse des prix du pétrole. Mais nous nous sommes engagés à maintenir tous les acquis sociaux. Nous avons par contre décidé de réduire les investissements non prioritaires, notamment dans les infrastructures.

Comment expliquez-vous que la Guinée soit souvent attaquée par certaines ONG internationales pour ses atteintes aux droits de l’homme…

Quels droits ont les hommes, et les femmes, dans les monarchies du Golfe, en comparaison de ceux octroyés aux Équato-guinéens ? Que les puissances occidentales commencent par nous traiter équitablement, et ensuite nous discuterons des améliorations. Les Africains n’acceptent plus ce deux poids, deux mesures, dans les discours.

Régulièrement, des informations concordantes entre ces ONG et des partis d’opposition, dont le Congrès pour la démocratie sociale (CPDS), font état de l’emprisonnement arbitraire d’opposants. Est-ce là aussi une invention ?

En Guinée équatoriale, nous avons 13 partis d’opposition, qui sont représentés par une vingtaine de députés à l’Assemblée : nous sommes une démocratie. Mais, c’est drôle, nous n’entendons parler que du CPDS et de son unique député… [Plàcido Mico, membre fondateur et président du CPDS, NDLR] Ce n’est pas parce que ce parti crie plus fort que les autres qu’il a raison. Je peux vous assurer que la Guinée équatoriale est sûrement le seul pays de la région où il n’y a pas de prisonniers politiques.

Nombreux sont les dirigeants africains accusés de vouloir manipuler les constitutions pour se maintenir au pouvoir. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a dû partir ; au Burundi, la population manifeste violemment contre la troisième candidature de Pierre Nkurunziza. Le président Téodoro Obiang est à la tête de la Guinée équatoriale depuis 36 ans : peut-il raisonnablement briguer un nouveau mandat l’année prochaine ?

La nouvelle Constitution est claire : votée en 2009, après sa réélection, elle limite désormais à deux le nombre de mandats, mais n’est pas rétroactive. Si le président Obiang est investi par le Parti démocratique (PDGE), il briguera en 2016, de fait, son premier mandat sous cette nouvelle Constitution. Rien ne l’empêchera alors, en 2023, de se présenter à nouveau, pour un ultime mandat. Un congrès extraordinaire du parti va être prochainement convoqué et c’est à l’issue de cette table ronde, seulement, que sera désigné le candidat.

Donc, potentiellement, il peut prétendre à deux nouveaux mandats de sept ans – au terme desquels il aura 88 ans ?

Oui.

Le fils du président, Teodorìn, actuel vice-président, est déjà présenté comme le dauphin de M. Obiang Nguema et suscite de vives polémiques…

Des polémiques de la part de qui ? A-t-on posé autant de problèmes au Gabon, au Togo, ou en RDC ? Il est très populaire auprès des jeunes et, dans tous les cas, il jouera un rôle important dans la campagne.

Mais Teodorìn n’a-t-il pas d’ambition présidentielle ?

Et s’il en avait, qu’est ce que cela ferait ? Si Teodorìn fait ses preuves, montre des qualités, s’il devient aux yeux du parti la personne idéale pour succéder au président Obiang, le pays doit-il se priver de lui au seul motif qu’il est le fils de son père ? Soyons sérieux. Les Occidentaux ne font pas autant d’histoires avec les dynasties du Golfe. Dès qu’il s’agit de pays africains, c’est différent.

Une délégation d’opposants se réunit à Paris, le 30 avril. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Ils font bien ce qu’ils veulent mais devraient changer de disque : depuis vingt ans, le discours est toujours le même, et consiste à critiquer le président Obiang. Je préviens cependant les autorités françaises que nous restons vigilants, car il ne faudrait pas qu’une telle manifestation soit un moyen d’organiser une nouvelle tentative de coup d’État.

Vous dites cela parce que Severo Moto, accusé et condamné en 1997 et en 2004 pour tentative de coup d’État, sera présent ?

Moto, Mico… qu’importe. Posez-vous les bonnes questions : qui finance les chambres de l’hôtel Pullman où ils sont descendus ? Moto a-t-il les moyens, avec sa petite retraite, de se payer plusieurs nuits dans un palace parisien ? J’en doute. Alors, qui est derrière ?

Est-il vrai que certains membres du CPDS, notamment, ont été empêchés de quitter la Guinée pour se rendre à cette réunion ?

Un opposant n’est pas un criminel, rien ni personne ne l’empêche de quitter la Guinée équatoriale. Ce n’est même pas du ressort de l’État : tout Équato-guinéen souhaitant se rendre en France fait une demande de visa à l’ambassade de France. S’il l’obtient, il est libre de quitter le pays comme bon lui semble.

Une alliance entre le CPDS et M. Moto pourrait-elle inquiéter M. Obiang ?

À chaque élection, les opposants ont cherché à faire front commun. Mais quand il faut choisir un candidat, les choses sont toujours plus compliquées…

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