États-Unis : quand Obama joue avec le cliché raciste de l' »homme noir en colère »
À l’occasion du dîner annuel de l’association des correspondants accrédités à la Maison Blanche, samedi soir à Washington, Barack Obama était confronté à un défi difficile à relever. Faire rire son auditoire en évoquant l’actualité… Pas évident dans un contexte miné par les tensions raciales et les bavures policières.
Tradition oblige, lors du dîner annuel de l’association des journalistes accrédités à la Maison Blanche, le président doit s’efforcer de faire rire ses convives. Ce qui, dans un contexte marqué par des tensions raciales exacerbées à cause de nombreux meurtres d’hommes noirs non armés par des policiers blancs, était un défi extrêmement risqué à relever lors de l’édition 2015, qui s’est déroulée le 25 avril au soir à l’hôtel Hilton de Washington.
L’année dernière, Barack Obama avait déjà amusé son public en racontant comment sa carte de crédit avait été refusée dans un restaurant new-yorkais, ou en ironisant sur les diverses rumeurs lancée par ses adversaires. Cette année, le président était donc attendu au tournant. Qu’allait-il inventer ? S’il ne pouvait pas écarter de son discours le thème des discriminations raciales fortement ancré dans l’actualité de ces derniers mois, difficile de faire rire avec la mémoire de Michael Brown, " rel="noopener noreferrer">d’Eric Garner, de Walter Scott, de Tamir Rice, ou d’Eric Courtney Harris, entre autres…
D’où l’idée d’axer l’essentiel de son discours sur l’autodérision. Invité par Obama, le comédien Keegan-Michael Key est intervenu sur scène à côté du président pour jouer "Luther", le personnage fameux de l’émission satirique "Key and Peele" de la chaîne Comedy Central. Son rôle : "traducteur de colère" du président, lequel doit décrypter en temps réel les propos très policés d’un président qui, en tant que Noir, doit faire extrêmement attention à ne pas avoir un mot plus haut que l’autre afin de ne pas réveiller le fantasme raciste du "Noir en colère" (Black angry man"), stéréotype très répandu chez les Blancs américains. D’où un décalage savoureux qui a conquis une bonne partie de l’assistance – une autre partie n’appréciant visiblement pas l’humour du président…
"C’est quoi ce dîner ?"
Ainsi, pendant qu’Obama déroule, impassible, un discours qui évite scrupuleusement le thème des violences policières contre les Noirs, Keegan Michael Key intervient dans son dos pour faire entendre ce que pense "vraiment le président". Dès que celui-ci émet très poliment des considérations banales sur l’importance de l’évènement, son traducteur s’écrie aussitôt : "Bordel, c’est quoi ce dîner ? Et pourquoi on me demande d’y assister ?"
Quand Barack Obama, remercie la presse pour son travail d’information, Luther ironise : "On peut compter sur la chaine Fox New pour terrifier ses petits spectateurs blancs" avant d’ajouter : "CNN, merci pour la pleine couverture d’Ebola ! Pendant deux semaines complètes, nous étions à un pas de The Walking Dead. Ensuite vous vous êtes tous réveillés et vous êtes juste passés à autre chose. C’était génial."
Lorsque le président commence à évoquer les défis du réchauffement climatique, Luther enchaîne : "Hé les gars, au cas où vous n’auriez pas remarqué, la Californie est complètement à sec". Et d’ajouter : "Vous avez les moustiques, les gens qui suent dans le métro, ça pue !" Au final, le président s’emporte réellement sur "l’irresponsabilité" qui a conduit au dérèglement climatique et finit par congédier son "traducteur de colère"… visiblement inutile. Comme les clichés sur les Noirs, semble dire Obama.
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