Tunisie : la Compagnie des phosphates de Gafsa baisse le rideau
La crise que traverse depuis quatre ans la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), en Tunisie, vient de franchir un nouveau palier. Les syndicats des cadres et des agents ont annoncé la suspension des activités administratives et sociales ainsi que l’arrêt du paiement des créances.
Elle était l’un des fleurons des entreprises étatiques tunisiennes. Avec 8 millions de tonnes de phosphate produites en 2010, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) rangeait la Tunisie au cinquième rang des producteurs mondiaux et réalisait 4 % du PIB du pays et 10 % des exportations. Mais ces performances sont désormais du passé.
Principale source de revenus et d’activité de la région de Gafsa, qui compte parmi les plus démunies de la Tunisie, la CPG a résisté en plus d’un siècle d’exploitation à toutes les crises mais pas à la pression des revendications sociales exercées depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011.
Dégradation
Le bras de fer entamé, depuis janvier 2011, par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a largement contribué à la dégradation de la position de la CPG. Entre grèves et mouvements protestataires, la Compagnie a enregistré une baisse de 40 % de sa production et perdu des marchés internationaux, en Inde notamment. Aujourd’hui, les mines et les centres de traitement sont fermés, les réserves de phosphates sont désormais inexistantes et tout le secteur est à ce point paralysé que les syndicats des cadres supérieurs et moyens ainsi que celui des agents du siège de la Compagnie ont décidé de suspendre ses activités administratives et sociales. Ils annoncent en outre la suspension du paiement des créances. Depuis le 4 mai, les portes du siège de la CPG sont closes.
Depuis 2011, le dossier de la CPG est une patate chaude que se sont passée tous les gouvernements au prétexte qu’ils n’avaient pas la légitimité des urnes nécessaire pour prendre des décisions drastiques. Ils ont néanmoins accordé de nombreuses concessions parmi lesquelles l’annulation de l’externalisation des services et la réintégration au sein de la CPG du personnel de ces sociétés. Une décision qui a porté les effectifs de 8 000 employés en 2010 à 30 000 en 2014 ; beaucoup trop pour une entreprise dont le flux de production était freiné, entre autres, par les sit-in des chômeurs de la région réclamant un emploi.
Plan d’action
Le secrétaire général-adjoint du syndicat des cadres du siège sociale de la CPG précise que « les syndicats ont l’intention de fixer un plan d’actions au niveau central, afin d’alerter les autorités sur la dégradation de la situation dans la Compagnie dont la production a atteint les niveaux les plus bas de son histoire ». L’intention est louable mais il n’empêche que l’UGTT donne l’impression de prendre en otage un secteur économique clé alors que le gouvernement avait pris quelques initiatives et annoncé fin avril un audit de la gestion de la CPG et de ses filiales ainsi que le transfert du PDG de la CPG depuis les bureaux de Tunis à celui de Gafsa.
« Quand le bassin minier de Gafsa bouge, c’est la Tunisie qui tremble », disent les gens du cru en référence au soulèvement de 2008 précurseur de la révolution de 2011 ; une menace à peine voilée qui souligne l’urgence d’un réel développement régional et d’une révision de la gestion des entreprises publiques dont celles de production, transformation et commercialisation des phosphates.
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