La Société générale reprend en main son destin africain

Douze ans que le groupe français n’avait plus réalisé d’acquisition sur le continent. Son implantation au Mozambique et l’africanisation de ses cadres témoignent de son regain d’ambition au sud du Sahara.

En Côte d’Ivoire, le géant bancaire est numéro 1. © Nabil Zorkot

En Côte d’Ivoire, le géant bancaire est numéro 1. © Nabil Zorkot

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Publié le 8 mai 2015 Lecture : 4 minutes.

Harold Coffi en est encore tout étonné. « Quand la Société générale est venue me voir, j’ai été surpris, explique ce banquier qui a débuté sa carrière par huit années chez JPMorgan Chase, aux États-Unis. Ce groupe n’avait pas l’habitude de débaucher des managers, surtout africains. » Au sein de la « vieille dame », numéro un historique en Côte d’Ivoire, ces derniers se heurtaient effectivement à un plafond de verre. Mais, en 2013, le groupe est venu débaucher celui qui était alors directeur général adjoint à la BIAO-CI pour le nommer directement co-numéro deux.

« Rupture »

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« À Abidjan comme à Paris, on m’a tenu le discours de la rupture, explique-t-il. Et on ne m’a pas menti. » Harold Coffi est ainsi devenu le symbole du changement profond que vit la Société générale en Afrique et qui se traduit notamment par la montée en puissance de managers africains. Avec quelques autres, comme Georges Wega, ex-membre de United Bank for Africa et devenu directeur général adjoint de la Société générale au Cameroun, le Sénégalais Bassirou Diagne, l’autre co-numéro deux en Côte d’Ivoire, ou encore l’Ivoirien Sionlé Yeo, patron de la filiale Burkinabè et bientôt de celle du Ghana. En 2014, un réseau des talents africains a même été créé au sein du groupe : la Panafrican Talent Valley.

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Remué par la concurrence marocaine, nigériane ou panafricaine, le groupe français est résolument passé à l’offensive sur le continent. Le 19 mars, il a officialisé l’acquisition de MCB Moçambique. Jusqu’alors contrôlée par le groupe Mauritius Commercial Bank, la petite banque (deux agences, 60 employés et environ 55 millions d’euros de total d’actifs à la mi-2014) est la première acquisition du groupe depuis douze ans et depuis la reprise de SSB Bank au Ghana. Avec cette nouvelle implantation lusophone et l’ouverture d’une succursale au Togo, le groupe sera désormais présent dans 17 pays du continent. Il compte déjà 11 000 collaborateurs, 1 000 agences, 3,3 millions de clients, et a enregistré des revenus de 1,1 milliard d’euros en 2014.

« Nous voulons ouvrir 50 à 70 agences par an, créer des nouvelles filiales ou des bureaux de représentation et, dans une logique d’accompagnement des clients, réaliser des opérations de croissance externe », insiste Bernardo Sanchez Incera, directeur général délégué du groupe. Oubliée la cession rapide et inattendue de sa filiale égyptienne à Qatar National Bank, fin 2012. « Le contexte était particulier, explique ce haut dirigeant. L’Europe traversait une crise, et nous avions pour objectif de réduire la taille du groupe pour renforcer son assise financière, comme les autorités de régulation le demandaient. À ce moment-là, c’était donc une offre intéressante. Mais, désormais, la situation est très différente. »

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Tabou

Aujourd’hui, la Société générale, qui connaît un ralentissement en Europe de l’Est, notamment en Russie, et se retire du Brésil, voit en l’Afrique un fort relais de croissance. Seule la filiale de Guinée équatoriale, où le groupe a connu de grosses difficultés en raison de problèmes de gouvernance liés à la famille au pouvoir, est clairement en vente. Tous les autres pays du continent font partie des options possibles.

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Même le Nigeria, tabou pour le groupe depuis la déconfiture qu’il y a connue dans les années 1990. « Nous nous développerons dans des pays où nos clients veulent aller, où le marché permet le développement d’une banque de détail, où l’environnement compétitif justifie notre présence et où nos critères de gouvernance peuvent être satisfaits, explique Alexandre Maymat, responsable de la région Afrique, Asie, Méditerranée et outremer.

Mais je ne veux pas aller trop vite. » Une croissance modérée donc, car le risque « se voit à moyen terme ». Le géant bancaire explique avoir mis toutes ses filiales en ordre en matière de provisionnement – ce qui explique par exemple les résultats très moyens connus par certaines filiales comme la Société générale de banques au Sénégal (SGBS) en 2014 – et remplacé la quasi-totalité des dirigeants locaux.

Camion

Pour ses entreprises clientes – sa priorité -, la banque française entend apporter le meilleur de ses compétences internationales : leasing, syndication de prêts, gestion de trésorerie… Une banquière d’affaires – Cathia Lawson-Hall – travaille désormais uniquement sur l’Afrique. Une salle de marché a été créée en Algérie et une autre ouvrira bientôt en Côte d’Ivoire pour servir les grands clients d’Afrique de l’Ouest. Et une plateforme régionale de financement structuré doit également voir le jour. De plus, des conseillers chinois ont été recrutés dans quelques filiales pour doper les relations avec Pékin, un important investisseur en Afrique. Sur le segment des particuliers, à l’inverse, l’objectif est d’innover et d’africaniser davantage l’offre.

En attendant la création annoncée d’un laboratoire, toutes les filiales expérimentent. Au Burkina, la Société générale exploite un camion bancaire itinérant et développera bientôt une version plus légère. Au Sénégal, l’initiative Manko (une filiale de la SGBS qui utilise des techniques de distribution inspirées de la microfinance) se poursuit avec l’ouverture de deux nouvelles agences au second semestre. Par ailleurs, le groupe a annoncé le 17 avril le lancement progressif, en 2015, d’une nouvelle offre de mobile banking développée avec IBM.

En position de leader sur la plupart de ses marchés, le groupe entend faire croître son produit net bancaire de 10 % par an au sud du Sahara et de 5 % en Afrique du Nord. Il souhaite aussi porter la rentabilité de ses capitaux propres à 15 % (contre 10 % en 2013) notamment grâce à la mutualisation de nombreux services. « Il nous faut être extrêmement rentable pour absorber les crises », insiste Alexandre Maymat. 

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