Bedoumra Kordjé : « La BAD doit prendre en compte les problèmes de sécurité »

Cette institution, où il a oeuvré pendant trente ans, a peu de secrets pour Bedoumra Kordjé, ministre tchadien des Finances et du Budget. Le candidat de l’Afrique centrale estime pouvoir légitimement devenir président de la Banque africaine de développement.

Bedoumra Kordjé, ministre tchadien des Finances et du Budget. © Jacques Torregano pour J.A

Bedoumra Kordjé, ministre tchadien des Finances et du Budget. © Jacques Torregano pour J.A

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 4 mai 2015 Lecture : 4 minutes.

De Bamako à Jakarta en passant par Paris, Washington et Singapour. Ces dernières semaines, Bedoumra Kordjé, 63 ans, a passé plus de temps à l’étranger que dans son propre pays, le Tchad. Objet officiel de ces multiples déplacements : sa participation aux réunions de la zone franc, de la Banque mondiale et du FMI ainsi qu’au sommet Asie-Afrique, qui se sont enchaînés depuis la mi-avril. Mais pour le ministre tchadien des Finances et du Budget, prétendant à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), ces grands raouts du monde économique et financier international sont aussi le lieu par excellence pour mener campagne. « Toutes les occasions sont bonnes pour se faire connaître », nous affirmait-il d’ailleurs en février, lors de sa visite au 57 bis, rue d’Auteuil. C’était à la veille du Forum franco-africain pour une croissance partagée, qui a eu lieu à Bercy, et quelques jours après le dépôt de sa candidature à la succession du Rwandais Donald Kaberuka. 

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Gouvernail

Homme du sérail, ce diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris a passé près de trente ans au sein de la BAD, notamment en tant que secrétaire général. Parmi les huit concurrents en lice, il est donc l’un de ceux qui connaissent le mieux l’institution panafricaine. « J’ai la chance d’avoir travaillé sous quatre présidents de la BAD [Willa Mung’Omba, Babacar Ndiaye, Omar Kabbaj et Donald Kaberuka]. Chacun a rempli sa mission, en fonction de son époque », affirme-t-il. Fort de cette expérience, il assure qu’il saura tenir le gouvernail du navire BAD et maintenir le cap fixé par le sortant. « Donald Kaberuka a complété le travail de ses prédécesseurs en apportant une véritable vision à la banque. Il a aussi innové, par exemple en mettant en place des instruments spécifiques pour traiter la question des États fragiles, le financement des infrastructures, du secteur privé, etc. » 

Pour Bedoumra Kordjé, l’institution panafricaine, qui célébrera ses 50 ans fin mai à Abidjan, a désormais besoin de plus d’efficacité et de rapidité d’exécution dans ses opérations. Elle met encore trop de temps à monter les projets, à réagir. Et la décentralisation lancée depuis quelques années ne semble pas avoir produit les effets escomptés. « Malgré tous les efforts fournis, c’est quelque chose qui préoccupe énormément les États. Il y a du travail à mener en interne pour être plus proactif vis-à-vis de nos pays », explique ce père de trois enfants qui dit vouloir se concentrer sur une réorganisation interne de la Banque et assouplir ses exigences administratives, un obstacle à la mise en oeuvre des projets.

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Ouverture

Dans son pays, l’homme jouit d’une bonne réputation pour avoir mené une série de réformes qui devraient prochainement conduire le Tchad au point d’achèvement de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). À la tête de la BAD, il assure vouloir faire de l’intégration, de l’emploi et des compétences des jeunes ses priorités. Seule façon, selon lui, de concrétiser la transformation structurelle des économies africaines. « Au Tchad, on ne doit pas produire seulement pour le marché national, mais au minimum pour l’Afrique centrale et au mieux pour le marché africain. De la même manière, vous ne pouvez pas demander au Gabon de transformer son bois et de réaliser des produits finis uniquement pour son marché national. Vous devez lui permettre de le faire pour l’ensemble du continent.

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La transformation ne peut se faire de manière efficace qu’à travers l’intégration régionale », estime-t-il. Seul candidat de la Cemac, région où la libre circulation des personnes, des biens et des services représente encore un énorme défi, le ministre tchadien concède qu’il faudra travailler davantage sur l’ouverture des frontières aux économies voisines. Autre sujet abordé par celui qui a été dans les années 1980 ingénieur à l’Office des postes et des télécommunications du Tchad : les problèmes de sécurité sur le continent. Selon lui, la solution n’est pas de financer les armées africaines. Mais « nous ne pouvons pas ignorer le fait que ces problèmes de sécurité ont un coût implicite et explicite », affirme-t-il.

D’autant, fait valoir Bedoumra Kordjé, que les questions qui sous-tendent les conflits – rareté des ressources ou intolérance ethnique et religieuse – doivent être pris en compte dans le processus de planification des programmes de la BAD. Un discours qui a un écho particulier quand on connaît l’image du Tchad et la position qu’il occupe dans la lutte contre le terrorisme aux yeux de certaines puissances européennes et américaines, par ailleurs actionnaires de la Banque. Le président Idriss Déby Itno, qui a endossé depuis quelque temps l’uniforme de chef de guerre contre les groupes islamistes à travers le Sahel – y compris dans le nord du Nigeria -, a beaucoup voyagé et mené un intense lobbying en faveur de son candidat. Bedoumra Kordjé espère qu’il fera pencher la balance en sa faveur.

Son programme

Bedoumra Kordjé décline sa vision pour la BAD et pour le développement de l’Afrique en cinq priorités. Il préconise d’abord la création d’un marché africain grâce à l’accélération de l’intégration économique régionale, la construction rapide d’infrastructures physiques (transports, énergie et TIC) et le soutien aux communautés économiques régionales pour la mise en oeuvre de programmes d’intégration.

Le ministre tchadien insiste aussi sur l’emploi des jeunes et l’autonomisation des femmes, « une priorité absolue pour un développement inclusif et durable du continent ». Puis il met en avant la promotion d’un capital humain formé, éduqué et en bonne santé pour une Afrique qui maîtrise le savoir et son destin.

Il souhaite aussi prendre en compte les questions de paix, de sécurité et de gouvernance dans la conception et la mise en oeuvre des programmes de développement. Enfin, il ambitionne de transformer la BAD en une institution plus innovante et efficace.

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