Nigeria : le marché de l’assurance connaît une nouvelle jeunesse

Des réformes ont permis de réduire le nombre d’assureurs et de restaurer leur crédibilité. Nettement sous-développé, le marché connaît une nouvelle jeunesse et attise les convoitises.

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Publié le 3 janvier 2013 Lecture : 5 minutes.

Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour reconnaître les progrès réalisés ces dernières années par le secteur de l’assurance au Nigeria. La recapitalisation imposée à l’ensemble de la filière par les pouvoirs publics et les instances nationales de régulation entre 2005 et 2007 « a considérablement assaini le marché », constate, comme la grande majorité de ses collègues, Rashidat Adebisi, membre du directoire de Mansard Insurance. Le numéro trois du secteur nigérian a vu ses revenus doubler en moyenne chaque année depuis cinq ans. Loin d’être un cas particulier, l’ex-Guaranty Trust Assurance, filiale jusqu’en 2011 de la banque du même nom, illustre la bonne santé d’une activité qui monte.

Selon les chiffres de la Nigerian Insurers Association (NIA), la valeur actuelle de l’ensemble des primes contractées dans le pays atteint 1,25 milliard de dollars (1 milliard d’euros), avec des taux de croissance annuels supérieurs à 35 % depuis la restructuration de la filière, contre moins de 10 % auparavant. « C’est la progression la plus forte jamais enregistrée par le secteur dans le pays », confirme Fola Daniel, directeur de la National Insurance Commission (Naicom), une instance mise en place en 1997 par le gouvernement et initiatrice de la grande réforme qui a bouleversé le paysage de l’assurance au Nigeria ces cinq dernières années.

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Cliquez sur l'image.margin: 3px; float: right;" />Charlatans

« Le rôle du régulateur a été décisif, notamment en prenant la décision d’augmenter de façon drastique le capital requis pour exercer le métier d’assureur », estime Henry Ationu, directeur exécutif de United Bank for Africa (UBA), qui détient UBA Metropolitan, leader sur le marché nigérian des assurances-vie. En portant le capital minimum exigé de 2,2 millions à 32 millions de dollars (et à 64 millions pour les réassureurs), les experts de Naicom ont considérablement réduit le nombre d’acteurs sur le marché, passé après plusieurs opérations de fusions-acquisitions de 128 à 51 aujourd’hui. « Par cette simple opération, nous avons éliminé les charlatans, ceux qui encaissaient les primes et refusaient de payer en cas de dommages, pour ne conserver que les compagnies capables financièrement d’assumer leurs missions », explique Fola Daniel.

Saluée par l’ensemble du secteur, « cette décision a permis de restaurer la crédibilité des assureurs et surtout de combler le déficit de confiance de leur clientèle », apprécie Rashidat Adebisi. Elle a aussi renforcé les capacités des compagnies, qui ont pu se professionnaliser en investissant dans le capital humain, tout en ayant désormais les moyens pour certaines d’entre elles de couvrir des risques importants, notamment dans un secteur pétrolier et énergétique longtemps inaccessible et pourtant incontournable dans l’économie nigériane. « La loi dispose depuis 2010 que 70 % de la couverture de l’industrie parapétrolière nationale doit être assurée par des compagnies nigérianes. Ce qui était jusqu’alors impossible est devenu un peu plus réalisable grâce à la consolidation de la filière », veut croire Fola Daniel, qui y voit « un facteur de croissance énorme pour les assureurs ».

Les professionnels sont plus mesurés face aux montants en jeu et annoncent porter également leur effort sur le grand public, alors qu’à peine 5 % des 165 millions de Nigérians auraient aujourd’hui souscrit une police d’assurance. « Le taux de pénétration augmente chaque année, mais il ne concerne qu’une certaine élite urbanisée, dans un pays où moins d’un tiers des gens disposent d’un compte en banque et où l’informel représenterait 75 % de l’économie », observe la NIA dans une étude parue à la fin de 2011. « Nous nous heurtons à une absence totale de culture en matière d’assurance de la part d’une population qui n’a pas encore été sensibilisée à ce type de produits », note Rashidat Adebisi.

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Chemin

Bien que classé en 2011 au 30e rang mondial des marchés présentant le plus fort taux de croissance par le réassureur Swiss Re, le pays a encore un long chemin à parcourir, ne serait-ce que pour se rapprocher de l’Afrique du Sud, champion continental en la matière, où chaque habitant dépense en moyenne 1 037 dollars par an pour s’assurer, contre moins de 10 dollars au Nigeria, toujours selon le groupe suisse. Ainsi, alors que le secteur de l’assurance contribue pour 15 % au PIB sud-africain, il ne dépasse pas les 0,72 % dans l’économie nigériane, très loin de la moyenne africaine (3,3 %).

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Les tentatives du gouvernement fédéral d’imposer la souscription de certaines polices, comme les assurances pour les véhicules, n’ont pas vraiment contribué à changer la donne. « Si 10 % des Nigérians possèdent une voiture, 1 % d’entre elles sont peut-être réellement assurées », calcule la NIA. Depuis 1987, une quinzaine de produits ont été rendus obligatoires par les pouvoirs publics, « sans que ceux-ci se soient vraiment donné les moyens de contrôle nécessaires », regrette encore l’association professionnelle.

Sur un marché de mieux en mieux structuré et présentant déjà un taux de rentabilité « à deux chiffres », selon ses opérateurs, le potentiel de développement reste donc élevé, tiré par une classe moyenne qui devrait s’élargir et être « fortement consommatrice en assurance », d’après Raymond Farhat, directeur général du pôle assurance de Saham (propriétaire notamment de Colina). Après s’être implanté en Angola, le groupe panafricain regarde avec insistance du côté du Nigeria, comme beaucoup d’autres compagnies étrangères. L’un de ses concurrents historiques en zone francophone, NSIA, l’a d’ailleurs précédé en reprenant mi-2011 Adic Insurance, auparavant propriété de Diamond Bank.

Sur un marché de mieux en mieux structuré et présentant déjà un taux de rentabilité « à deux chiffres », le potentiel de développement reste élevé.

Exemple

La réorganisation des banques nigérianes, dont certaines ont quitté ou pourraient quitter le secteur de l’assurance, crée des occasions importantes. « C’est certainement le meilleur moment pour investir dans le secteur », assure Rashidat Adebisi. Surtout si les compagnies savent faire preuve, dans un avenir proche, d’innovation et de créativité pour proposer des produits ainsi que des circuits de vente et de distribution adaptés aux tranches de population aux revenus les plus faibles. « Elles auront beaucoup à gagner en s’inspirant de l’exemple du secteur bancaire, qui a connu une forte croissance ces dernières années en travaillant vers les catégories sociales les moins favorisées, à commencer par les 70 % de ruraux », rappelle Fola Daniel, qui avoue suivre de très près les quelques initiatives de microassurance qui commencent à voir le jour à travers le pays.

Assureurs et banquiers collaborent déjà depuis quelques années au Nigeria pour développer ensemble la bancassurance. Mansard Insurance a ainsi tissé des liens depuis 2007 avec le néerlandais ING, et d’autres reprennent aujourd’hui l’idée, « qui devrait s’amplifier de façon importante dans les prochaines années, au Nigeria comme dans le reste du continent », prévoit Raymond Farhat.

Désormais en cours d’assainissement et fort de la confiance retrouvée d’une partie de sa clientèle, le secteur nigérian de l’assurance peut partir à la conquête de son marché domestique, avant de se lancer dans celle de la sous-région. Comme avant lui le secteur bancaire.

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