RDC : Philémon Yav, le Tigre de Kabila
L’avenir du Katanga est flou, et le chef de l’État a besoin d’hommes sur qui compter. Ce n’est donc pas un hasard s’il a nommé le général Philémon Yav à la tête de l’armée à Lubumbashi.
"Moi, je suis un Tigre." D’entrée de jeu, le général Philémon Yav annonce la couleur. Revendiquer sa filiation avec les fameux gendarmes katangais de Moïse Tshombe, c’est pour cet homme âgé d’une cinquantaine d’années une manière d’affirmer qu’il est là pour protéger les intérêts de la province la plus riche de RD Congo. Et c’est vrai que ce n’est pas un hasard si le président Kabila l’a placé à la tête de l’armée au Katanga, en septembre dernier.
"Sa nomination constitue un signe de confiance du chef de l’État à son égard", estime Jean-Jacques Wondo, chercheur congolais qui suit de près l’évolution des FARDC, les forces armées congolaises. Entre le découpage annoncé du Katanga et les ambitions que l’on prête à son gouverneur, Moïse Katumbi, "la tension monte et, dans cette province, Kabila doit s’appuyer sur des militaires qui lui manifestent une grande loyauté", ajoute Wondo. Et Yav est de ceux-là.
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Né dans le maquis en Angola, où s’étaient retranchées pendant de longues années les troupes restées fidèles à Moïse Tshombe, Philémon Yav a connu des années difficiles. Mais il profite aujourd’hui de la fraîcheur de son bureau climatisé à Lubumbashi, un oeil braqué sur les images que lui transmet la caméra de surveillance qui filme la pièce où patientent ceux qui veulent lui rendre visite.
Joseph Kabila et lui se connaissent depuis longtemps. Ils se sont rencontrés à l’époque de l’AFDL, la rébellion emmenée par Laurent-Désiré Kabila. Ils auraient même combattu côte à côte lors de la bataille de Kisangani, en mars 1997.
Parties de tennis
À l’époque, trois fronts avaient été ouverts simultanément pour prendre le contrôle du chef-lieu de la Province orientale. Yav était à la tête de la 24e brigade des forces armées angolaises (FAA), composée exclusivement d’ex-gendarmes katangais (transportés par avion jusqu’à Bukavu), tandis que Joseph Kabila et ses hommes étaient partis de Walikale. Une fois Kisangani "libéré", Yav et ses compagnons s’envolent vers la Zambie.
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Ils atterrissent à Ndola et attaquent Lubumbashi par surprise, qui tombe en avril 1997. Un mois plus tard, Kinshasa est conquis. Devenu président, Kabila père doit constituer une véritable armée. Yav est envoyé à Goma, dans le Nord-Kivu. "J’ai fait partie des premiers commandants de bataillon du Mzee", rappelle-t-il avec fierté. Yav est un Lunda (comme Tshombe) originaire du sud du Katanga, mais il prend alors ses quartiers dans l’est de la RD Congo.
Officier atypique qui prend autant de plaisir à disputer des parties de tennis à l’Hôtel Karibu de Goma qu’à emmener toute sa famille en vacances en Martinique, il est placé aux commandes de la brigade dite des Requins dans le Masisi et ne répond qu’aux directives de la présidence de la République. Épinglé dans un rapport du groupe d’experts de l’ONU qui le soupçonne d’avoir remis des armes à la rébellion des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en 2007, Yav part se faire oublier dans l’Ouest, où il est promu commandant de la région militaire du Bas-Congo.
Sensible
Il n’y restera pas longtemps. Il retourne bientôt dans le Nord-Kivu pour diriger le secteur opérationnel des FARDC à Rutshuru et affronter les rebelles de Laurent Nkunda. "Le Kivu, c’est un terrain que je maîtrise", confie-t-il. Peut-il en dire autant du Katanga, où Kabila l’a affecté ?
Une chose est sûre : il aura beaucoup à faire. "Il a été envoyé dans le Kivu lorsque la situation était sensible, il n’est donc pas au Katanga pour rien", confirme Jason Stearns, directeur du groupe d’études sur le Congo à l’université de New York. D’autant que Yav, c’est aussi le "petit de confiance" du général Olenga, ancien chef d’état-major des FARDC, qui dirige aujourd’hui la "maison militaire" du président, le cabinet qui conçoit et planifie les stratégies de l’armée. Yav y a la réputation d’être un très bon exécutant.
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