Face au chaos libyen, sur Arte
Utiliser le mot « chaos » pour décrire la situation libyenne est un raccourci fréquemment emprunté à propos d’un pays qui n’en est pas vraiment un, qui n’en a jamais vraiment été un depuis sa création en 1951.
Des miliciens libyens paradent à Tripoli, en février 2012 © Abdel Magid al Fergany/AP/SIPA
Les raccourcis, ce n’est pas le genre de la réalisatrice Anne Poiret, auteure de l’excellent documentaire Fabrique d’un État, sur l’indépendance du Soudan du Sud, et de Namibie, le génocide du IIe Reich, sur l’extermination des Héréros.
Ainsi, pour décrypter le présent avec Libye, l’impossible État-nation, elle n’hésite pas à remonter jusqu’aux origines de la création du pays, alors envisagée comme "un cadeau au monde arabe face à la création de l’État hébreu". De la monarchie d’Idriss Ier au coup d’État militaire de Mouammar Kadhafi, en 1969, de la méfiance du "Guide" envers les tribus à ses alliances à géométrie variable, de son soutien au terrorisme à ses ambitions internationales, de sa religiosité affichée au massacre de la prison d’Abou Salim, en 1996, Anne Poiret déroule avec pédagogie le fil d’une histoire mouvementée et complexe.
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Enrichi par quatre voyages sur place, le documentaire fait la part belle aux images d’archives – à cette époque où Kadhafi ressemblait à un héros de cinéma. Mais il donne aussi la parole à de nombreux acteurs contemporains, dont des proches du chef de la Jamahiriya. Parmi eux, son cousin Ahmed Kaddaf Eddam, toujours accro au "Petit Livre vert" et vivant dans l’opulence d’un somptueux appartement du Caire…
"Rois des rois d’Afrique"
Reste que, malgré les tensions qui déchirent cette "nation introuvable" et multifracturée le long de lignes tribales, religieuses, géographique, etc., ledit "chaos" ne conduit pas forcément à regretter le temps du "roi des rois d’Afrique". "Mis à part ceux qui se sont réfugiés au Caire, la plupart des gens ont toujours un discours très hostile à Kadhafi, soutient Anne Poiret.
Même dans les tribus, il n’y a aucun regret du personnage – et de toute manière, ce serait un discours impossible à tenir dans la Libye actuelle." Plutôt pessimiste, le film s’ouvre et se ferme sur une vague lueur d’espoir : les travaux de l’Assemblée constituante, en place depuis février 2014, au sein de laquelle les trois régions (Fezzan, Tripolitaine, Cyrénaïque) sont chacune représentées par vingt membres. Mais comment créer une loi fondamentale acceptable par tous et capable de supplanter les règles préexistantes ? La formule doit encore être découverte.
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Libye, l’impossible État-nation, d’Anne Poiret, à 22 h 35 le 5 mai sur Arte et pendant 7 jours sur Arte + 7.
