François Hollande inaugure le 10 mai un mémorial de l’esclavage à Pointe-à-Pitre
C’est sur le site de l’ancienne usine Darboussier en Guadeloupe, qui fut le plus grande unité sucrière des Petites Antilles, que le président français François Hollande inaugurera ce 10 mai le Mémorial ACTe, Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage.
C’est un de ses prédécesseurs à l’Elysée qui fut à l’origine de ce projet, il y a plus de quinze ans. Jacques Chirac en avait en effet posé les bases, dès 1998, en demandant à Edouard Glissant d’imaginer les formes d’un lieu où cette histoire de violences pourrait être invoquée sans pour autant se contenter de rouvrir les blessures du passé.
Quelques années plus tard, en s’appuyant sur les propositions de l’écrivain, le président de région et ancien ministre des Outre-Mer, Victorin Lurel, décidait de créer le mémorial à Pointe-à-Pitre. La gestation fut longue, et sans doute ralentie par celui qui considérait que l’homme africain n’était "pas assez entré dans l’Histoire". "En 2007, Nicolas Sarkozy se fait fort de ne pas sombrer dans la repentance et décide de ne pas poursuivre ce projet, tacle Lurel. Du coup, on a décidé d’accélérer et posé la première pierre en 2008."
Le plus grand musée du monde consacré à la mémoire de l’esclavage
L’idée est ambitieuse, créer un monument à la hauteur du crime commis qui ne soit ni un musée, ni un mémorial à proprement parler, mais un lieu de vie, de rencontres, contribuant à la construction d’une mémoire universelle et partagée de l’esclavage. L’investissement est important pour la Guadeloupe : plus de 80 millions d’euros apportés par l’Europe et la Région à parts à peu près égales.
"Il ne s’agit pas de faire un lamentarium, ni d’opposer les Blancs aux Noirs, il s’agit d’être bien plus grands que cela. J’ai la faiblesse de croire que cette pierre-là aura une âme et contribuera à pacifier les coeurs et les esprits", poursuit Lurel.
>> Lire aussi : Mémoire de l’esclavage : le flop de Dakar
Face à l’océan, une longue boîte noire couverte d’une résille d’aluminium et reliée à la terre par une haute passerelle renvoie aujourd’hui les rayons du soleil. Pour Pascal Berthelot, l’un des architectes, "le granite noir perlé de pépites dorées des murs sont les âmes des esclaves qui reviennent vers nous pour nous accompagner vers le futur", tandis que "les racines d’argent de la résille, fortes de la connaissance de notre passé, s’élèvent vers l’avenir, comme les racines des figuiers maudits poussant sur les ruines de l’ancienne vinaigrerie".
À l’intérieur, l’espace se divise en deux parties principales : 1 700 m2 sont consacrées à l’exposition permanente et 700m2 aux expositions temporaires. La première, éclatée en 6 archipels et 36 îlots revient sur l’histoire de l’esclavage en instaurant un dialogue entre artefacts historiques et œuvres d’art contemporaines. Ainsi, l’épée du conquistadore – les premiers esclaves, faut-il le rappeler, furent les indigènes – côtoie-t-elle L’arbre de l’Oubli, superbe installation du Camerounais Pascal Marthine Tayou renvoyant aux formes rituelles de l’Afrique d’où furent déportés la majorité des esclaves – entre 250 000 et 350 000 pour la Guadeloupe et la Martinique.
Photo : Nicolas Michel/J.A.
Un lieu de vie et de rencontres
Présenté ainsi, le Mémorial ACTe pourrait apparaître simplement comme le plus grand musée du monde consacré au sujet. Mais il n’est pas que cela : espace dédié aux chercheurs, salle polyvalente de 300 places, centre de recherche généalogique, il se veut un lieu de partage inséré dans la cité, évolutif, polyvalent, à la croisée de plusieurs disciplines.
Comme le souligne Victorin Lurel, il pourra aussi y être question des "négriers modernes en Méditerranée", car l’esclavage se conjugue encore souvent au présent. Bien entendu, la région Guadeloupe l’espère aussi comme un atout touristique…
Si les deux questions fondamentales, et complexes, du pardon et de la réparation restent posées, le Mémorial ACTe peut néanmoins devenir l’instrument d’un travail de mémoire qui reste à faire collectivement. Tout dépendra, in fine, non pas de ce qu’il contient aujourd’hui, mais de ceux qui le feront vivre, le visiteront, l’enrichiront.
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