Israël : des soldats israéliens racontent les exactions de Tsahal à Gaza
Breaking The Silence, une organisation non gouvernementale formée par d’anciens combattants de l’armée israélienne, a publié lundi une série de témoignages attestant de multiples exactions commises à Gaza en juillet et août 2014.
La politique du risque minimum
"Si vous voyez quelqu’un tirez !" Voici l’un des commandements qu’auraient reçu des soldats israéliens lors de l’opération Bordure protectrice menée par Tsahal aux mois de juillet et août 2014 en réaction aux tirs de roquettes répétés du Hamas. Dans ce rapport, publié lundi 4 mai par l’ONG Breaking The Silence, les 60 soldats qui ont accepté de témoigner sous couvert d’anonymat dénoncent la dérive éthique d’une armée qui se présente comme "la plus morale du monde", insistant sur sa loyauté et assurant avertir les civils avant chaque bombardement. Las, loin du discours officiel, la politique permissive à l’extrême de l’État hébreu, selon l’ONG, aurait laissé les soldats libres d’agir et de nuire sans faire de réelle distinction entre l’ennemi et les civils non armés, avec pour but ultime de "stériliser Gaza".
Dans son introduction, le rapport indique que "le principe du risque minimum qui prévalait sur la protection des civils ainsi que les efforts déployés contre les combattants palestiniens ont causé dans la population et sur les infrastructures civiles un nombre de victimes et des dégâts massifs et sans précédent". Les dommages collatéraux sur la population non armée n’auraient donc jamais été réellement pris en compte.
"Comme un jeu vidéo"
Sous forme de témoignages vidéo ou écrits, les récits glaçants s’enchaînent. Un soldat raconte que deux femmes marchant dans un verger avaient été repérées puis abattues simplement parce qu’elles étaient trop près des lignes israéliennes. Après inspection des corps, il s’est avéré qu’elles n’étaient pas armées. Elles ont quand même été listées comme terroristes. "On leur avait tiré dessus, alors évidemment elles devaient être des terroristes", affirme le soldat, amer.
Un autre sergent relate comment un garde a ouvert le feu sur un vieux Palestinien approchant de son poste parce qu’il redoutait que celui-ci ne se fasse exploser avec des grenades. Le vieillard atteint se tordait de douleur. "Personne n’osait l’approcher de crainte que son corps ne soit piégé", dit le sergent. "Tout le monde savait qu’il n’y avait que deux possibilités : soit nous le laissions mourir doucement, soit nous mettions fin à ses souffrances." Les soldats l’ont finalement achevé.
Un sergent raconte que son unité blindée a lâché une salve contre un immeuble de civils à plusiuers kilomètres sur ordre de son commandant, simplement pour "rendre hommage" à un soldat tué. Un autre explique comment son tank s’amusait à renverser des voitures sachant pertinemment que leur conducteur n’était pas armé." C’était cool mais je ne ressentais rien", témoigne-t-il. Un autre confie : "Le bien et le mal se mélangent un peu (…) et ça devient un peu comme un jeu vidéo".
Enquêtes en cours
Tsahal a réaffirmé son engagement à enquêter de la manière la plus sérieuse possible sur toutes les informations crédibles relatives aux agissements de ses soldats et affirme avoir demandé à l’ONG de lui fournir des preuves ou des informations sur les faits incriminés, pour qu’elle puisse mener des investigations. Mais l’organisation aurait refusé, selon l’armée. Pourtant, le cofondateur de Beaking The Silence, Yehuda Shaul, a indiqué à l’AFP que l’organisation avait écrit le 23 mars au chef de l’état-major israélien pour lui proposer une rencontre et qu’elle aurait été plus qu’heureuse de partager ses informations. "Malheureusement, nous n’avons jamais obtenu de réponse", a-t-il expliqué.
Le rapport constitue le plus gros scandale de l’armée israélienne lancé par ses propres soldats. Il est publié alors même que l’opération Bordure protectrice avait suscité de nombreuses critiques notamment après les bombardements de deux écoles de l’ONU. Les agissements des soldats israéliens pendant cette guerre continuent d’être examinés à la loupe par l’ONU, et par la Palestine qui veut faire juger les dirigeants israéliens pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale, dont elle est officiellement membre depuis le 1er avril 2015. L’opération conduite entre le 8 juillet et le 26 août 2014, avait entraîné la mort de près de 2 100 Palestiniens – pour la grande majorité des civils, femmes et enfants – et 66 soldats israéliens.
(Avec AFP)
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