Un collectif d’organisations interpelle la Banque mondiale sur son soutien aux écoles privées en Afrique

Plus de 100 organisations expriment leurs inquiétudes au sujet de l’appui de la Banque mondiale à Bridge International Academies, un jeune réseau d’écoles privées à but lucratif qui compte déjà plus de 100 000 élèves au Kenya et en Ouganda.

Pour diminuer les coûts, Bridge emploie des enseignants peu formés qui utilisent des tablettes. © Reussite

Pour diminuer les coûts, Bridge emploie des enseignants peu formés qui utilisent des tablettes. © Reussite

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 14 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Dans un communiqué rendu public le 14 mai, plus d’une centaine d’organisations nationales et internationales (voir la liste en cliquant sur le lien) à travers le monde ont exprimé leur profonde préoccupation concernant le soutien de la Banque mondiale au développement d’un réseau d’écoles primaires privées low costs à but lucratif ciblant les familles pauvres au Kenya et en Ouganda. En 2013, la Société financière internationale (IFC) a investi 10 millions de dollars dans Bridge International Academies (BIA), dont le modèle innovant a été cité récemment par le président de la Banque mondiale, Jim Kim, dans le cadre d’un discours sur la réduction de la pauvreté.

Fondé en 2009 par trois entrepreneurs formés dans des grandes universités américaines, BIA utilise des méthodes hautement standardisés d’enseignement, reposant sur l’utilisation de tablettes (connectées chaque jour pour récupérer les cours) par des enseignants rapidement formés. Le réseau, qui compte désormais plus de 350 écoles, vise les ménages pauvres, qui souffrent souvent de l’absence ou de la faillite des réseaux publics d’éducation.

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68% des revenus moyens

Le collectif d’organisations (dont 30 organisations ougandaises et kényanes) reproche à la Banque mondiale de soutenir Bridge mais de n’allouer aucune somme en faveur de l’éducation publique au Kenya et en Ouganda. Il estime également que le chiffre de 6 dollars par mois et par enfant avancé par les promoteurs de Bridge est inexact, estimant le coût total (comprenant les fournitures) serait en réalité compris « entre 9 et 13 dollars par mois, et jusqu’à 20 dollars en incluant les repas scolaires ».

Le collectif juge ces coûts trop élevés pour les populations pauvres visées. « L’envoi de trois enfants à BIA représente 68% (au Kenya) à 75% (en Ouganda) du revenu mensuel de la moitié de la population de ces pays », affirme le collectif.

Sur ce point, sans rentrer dans des détails chiffrés, Shannon May (co-fondatrice de BIA) précise que « Bridge existe dans un seul but : faire en sorte que chaque enfant, indépendamment de son lieu de naissance ou du revenu de ses parents, reçoit une éducation qui engage son esprit et son cœur, et lui permet de réussir académiquement, socialement et professionnellement dans son pays. Nous nous battons comme partenaire des parents afin de garantir que les limites financières ne les obligent par à envoyer leurs enfants dans une salle de classe, où année après année, il souffrira de négligence. »

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Evaluation de la Banque mondiale

Dans sa déclaration, le collectif demande à la Banque mondiale de cesser de promouvoir et d’investir dans Bridge ou d’autres réseaux scolaires payants, « au lieu de soutenir l’éducation gratuite et de qualité, publique que les lois applicables au Kenya, l’Ouganda et d’autres pays exigent’.

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Interrogée par Jeune Afrique, la Banque mondiale nous a fait parvenir, par l’intermédiaire d’un porte-parole, le message suivant : « Le groupe de la Banque mondiale croit que tous les enfants devraient être en mesure d’obtenir une éducation de qualité, indépendamment de leur capacité à payer. Le GBM est engagé à travailler avec les gouvernements du Kenya et de l’Ouganda pour aider à renforcer leurs systèmes d’éducation du public. Notre soutien à Bridge Académies est complémentaire, afin d’assurer que les parents qui investissent dans l’enseignement privé obtiennent également la meilleure éducation possible pour leurs enfants. Nous avons besoin de plus de preuves pour savoir quels programmes fonctionnent le mieux. Voilà pourquoi le GBM lance une évaluation d’impact rigoureuse, indépendante du programme de Bridge au Kenya, la première grande étude sur des écoles payantes en Afrique sub-saharienne. Mesurer l’efficacité de ces écoles aidera les gouvernements, les décideurs et les parents à déterminer la meilleure façon de gérer la croissance des effectifs scolaires, d’améliorer la qualité, et de veiller à ce que tous les enfants puissent apprendre « .

Les écoles de Bridge comptent plus de 100 000 élèves. En dehors de la SFI, Pierre Omidyar (fondateur d’Ebay), Bill Gates, Mark Zuckerberg (Facebook) mais aussi l’institution financière de développement britannique CDC ont investi dans Bridge.

Le magazine TV Réussite a consacré un reportage aux Bridge Academies. Vous pouvez le visionner ci-dessous :


Bridge Academies : le Kenya à l’école digitale par Jeuneafriquetv

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