Corsafrique : une tribu (presque) comme les autres

Pour eux, l’honneur et la famille passent avant tout… Les Africains ? Non, les Corses !

Omar Bongo Ondimba. © Georges Osodi/AP/SIPA

Omar Bongo Ondimba. © Georges Osodi/AP/SIPA

Publié le 14 mai 2015 Lecture : 2 minutes.

Dans le bureau de son agence de voyages, au coeur de Libreville, où il est né, Jean-Michel Casanova, 53 ans, répond du tac au tac. "Rentrer au pays ? Mais pour quoi faire ? ! Y’a rien là-bas. Ma vie est ici. Et puis la Corse, c’est comme l’Afrique. Trop de pesanteurs sociales. Les Gabonais, les Corses, on est pareils !"

Pareils, vraiment ? "Il y a un peu de ça, renchérit, à Paris, Louis Dominici, un ancien ambassadeur de France au Gabon (1986-1994). En Corse, j’entendais parler de l’Afrique depuis tout petit, et dès que j’y suis arrivé [en 1963, au Cameroun], je m’y suis senti à l’aise. Les cultures paysannes aident à comprendre les cultures africaines. Et puis nous avons un peu les mêmes valeurs : le sens de l’honneur, une conception large de la solidarité familiale…"

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Autrement dit : le clan. Celui que l’on ne peut renier, sous peine d’être déconsidéré ; celui qui vous rattrape sans cesse et vous oblige à aider un "compatriote" pour la simple raison qu’il vient de votre village. Certains en sont même arrivés à parler des Corses comme d’une ethnie africaine et de l’Afrique comme du troisième département corse (l’île en compte deux).

Ou encore à décrire la "corsitude" comme on évoque en certaines contrées la "pulitude" (pour les Peuls). Ce que Noël Pantalacci, un acteur de la "Corsafrique" à l’époque de Charles Pasqua – lui-même surnommé "le grand Batéké des Hauts-de-Seine" -, a un jour résumé ainsi : "La corsitude est un système de valeurs, familiales et amicales, tellement complexe qu’elle est difficile à comprendre de l’extérieur."

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Favoristisme

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Cette construction ethnique est à double tranchant : elle alimente fantasmes et caricatures. "C’est tellement facile de se conformer aux stéréotypes. On y trouve des avantages aussi", admet Jean-Jérôme Feliciaggi, le fils de Robert, dans la thèse de Vanina Profizi*. Cette chercheuse qui a étudié la société "corsafricaine" note que "déjà, sous la colonisation, les Corses ne se considéraient pas tout à fait de la même manière que les autres Européens" et que l’on y observe des cas de favoritisme (avéré ou présumé, en tout cas dénoncé) entre Corses.

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Durant la première moitié du XXe siècle, écrit Vanina Profizi, les Corses sont des coloniaux comme les autres, mais ils se distinguent sur un point : leur rapport aux "indigènes" : "Il y a des affinités, lui explique un ancien colon. Les Corses n’ont pas de rapport de colon à colonisé." D’ailleurs, veut croire le docteur Alain Guglielmi, 71 ans, une figure à Libreville, "les Gabonais ne nous considèrent pas comme les autres Français, et les hommes politiques d’ici nous aiment bien".

Omar Bongo Ondimba, qui a un temps été le président d’honneur de l’Amicale corse, ne s’en cachait pas. "Quand je suis arrivé à Libreville, il m’a dit : "J’aime bien les Corses"", témoigne Louis Dominici.

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* À paraître aux éditions Vendémiaire sous le titre Les Corses et l’Empire.

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