Maroc : vivement demain
Hausse de l’inflation, creusement de la dette, déficit de la balance extérieure… L’état des finances publiques n’est guère réjouissant.
L’économie marocaine va-t-elle sortir de la zone de turbulences ? Les avis sont partagés. En octobre, l’agence de notation Standard & Poor’s a révisé à la baisse les perspectives du royaume. La croissance pour cette année 2012 n’atteindra vraisemblablement pas 3 %, en raison notamment des prix élevés du pétrole. La hausse des cours a alimenté le déficit du compte courant à plus de 7 % du PIB, et les réserves de change sont passées de 7,1 mois d’importation en 2009 à seulement 4,1 mois aujourd’hui.
Mais ce n’est pas la seule raison. La récession dans la zone euro s’est traduite par une baisse des commandes industrielles, une stagnation des recettes touristiques et un ralentissement de la croissance des transferts d’argent de la diaspora, qui devrait s’établir à quelque 4 % en 2012 et en 2013, contre 7,3 % en 2011. Sans compter la mauvaise saison agricole due à la sécheresse, qui a fait reculer la production céréalière de 42,8 %.
Avec des charges sociales et un coût du travail élevés pour un pays émergent, difficile d’être attractif.
Baraka
Personne ne remet en question ces résultats. Pourtant, l’agence de notation internationale Fitch Ratings préfère se projeter vers l’avenir pour évaluer les perspectives de l’économie du royaume. Et, selon Fitch, la baraka pourrait bien être de retour assez rapidement.
En octobre et en novembre, les pluies se sont abattues sur le royaume, au grand bonheur des producteurs. « La nouvelle campagne agricole démarre dans des conditions climatiques favorables », a expliqué le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, devant la Chambre des représentants. D’après les hypothèses retenues dans le projet de loi de finances 2013, la valeur ajoutée agricole devrait progresser de 5 % en 2013, après une baisse de 5,8 % en 2012. Toutes les filières, des céréales à l’élevage, en passant par les cultures maraîchères et l’arboriculture, devraient en profiter.
Outre l’agriculture, la relance de la croissance du PIB marocain en 2013 – attendue à 4,5 % selon les prévisions du ministère de l’Économie et à 5,5 % selon celles du Fonds monétaire international (FMI) – devrait être tirée par un début de reprise dans la zone euro, par les grands chantiers d’infrastructures et par une progression de 15 % des flux entrants d’investissements directs étrangers (IDE) – qui avaient déjà enregistré une poussée de croissance de 60 % en 2011. Fitch Ratings prévoit par ailleurs une reprise des exportations et une amélioration progressive du déficit du compte courant, principalement en raison des prix plus modérés du pétrole (estimés à 100 dollars [76,50 euros] le baril en 2013 et en 2014, contre 110 en 2012). Et si le gouvernement parvient à faire avancer la réforme de la Caisse de compensation, le déficit budgétaire devrait se réduire à terme. Pour faire face à un éventuel retournement de conjoncture, les autorités marocaines ont obtenu une ligne de crédit du FMI d’une valeur de 6,2 milliards de dollars sur deux ans, qu’elles ne comptent utiliser qu’en cas de dépréciation extrême de l’économie.
Le Maroc est historiquement très lié à l’économie européenne. La crise actuelle montre la nécessité de poursuivre, parallèlement à la diversification sectorielle, l’expansion des activités de ses entreprises en Afrique et l’ouverture aux capitaux – et aux marchés – du Golfe. L’objectif est d’attirer de grands groupes comme Safran, EADS et, désormais, Bombardier, qui créent dans leur sillage une multitude d’opportunités pour des sous-traitants comme l’équipementier français Ratier-Figeac (racheté en 1998 par le conglomérat United Technologies Corporation), qui a inauguré sa première filiale à l’étranger fin septembre sur l’aéropôle de Nouaceur, près de Casablanca.
Mais pour être vraiment attractif, le royaume doit gagner en compétitivité. Le coût du travail et les charges sociales sont élevés pour un pays émergent, l’acquisition de foncier complexe et onéreuse. Dans beaucoup de domaines, des réformes sont engagées, qui nécessiteront un consensus national des acteurs politiques, des syndicats et de la société civile. Il faudra notamment accélérer la modernisation agricole, avec la mise en place de pôles agro-industriels, et mettre en oeuvre la difficile réforme des retraites, dont l’architecture est presque bouclée. Celle-ci prévoit un régime de base par annuité et un régime complémentaire, leur part variant selon le statut du salarié (public, privé ou indépendant).
Bien-être
L’avenir n’est donc pas si sombre, à condition d’engager des politiques volontaristes tout en redonnant confiance aux populations. Pour l’instant, la perception par les Marocains de leur bien-être ne cesse de s’éroder. Selon la dernière note de conjoncture du Haut-Commissariat au plan (HCP), l’indicateur de confiance des ménages est en baisse de neuf points depuis un an. Ces derniers sont pessimistes concernant l’emploi, l’endettement, le niveau de vie. Ils doutent de leur capacité à pouvoir épargner dans le court terme. Les perspectives d’embellie n’ont visiblement pas encore été prises en compte par le commun des Marocains.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan