Un futur concurrent pour Djibouti ?
Le développement de Berbera, au Somaliland, permettrait à l’Éthiopie de diversifier ses débouchés maritimes. Mais, faute d’investisseur, le projet stagne.
Transport maritime : au bonheur des armateurs
Djibouti a tout pour plaire. Une position stratégique à l’entrée de la mer Rouge, à la croisée de l’Afrique de l’Est et du monde arabe, une stabilité politique rare dans la région et un puissant voisin qui n’a pas d’accès à la mer, l’Éthiopie. Celle-ci exporte plus des trois quarts de ses marchandises via le port de Djibouti depuis 1998 (la guerre contre l’Érythrée l’ayant privée d’un débouché maritime), assurant près de 80 % de son trafic. Mais Addis-Abeba veut sortir de cette dépendance et lorgne depuis plusieurs années le Somaliland (une région de la Somalie qui a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991) et son port de Berbera, sur le golfe d’Aden. Situé sur la route du pétrole, celui-ci offrirait à l’Éthiopie un corridor complémentaire.
« Si ce pays utilisait Berbera, ne serait-ce que pour exporter la moitié de ses marchandises, cela pourrait grandement changer la donne économique de la région », note Mohamed Abdullahi Omar, ministre des Affaires étrangères de la République du Somaliland (non reconnue). « Pourrait », car aucun bailleur de fonds ne s’est officiellement positionné, « même si le président [du Somaliland, NDLR] Silanyo a demandé à l’Union européenne de soutenir ce projet », indique Paul Smith, de l’unité somalienne du Service européen pour l’action extérieure (l’organe diplomatique de l’Union). Pour l’instant, l’UE a accepté de financer à hauteur de 3,8 millions d’euros une étude de faisabilité (qui doit débuter en février) sur la réhabilitation du corridor de Berbera.
Grâce à Doraleh, une longueur d’avance
Extension du Port autonome international de Djibouti, le port de Doraleh dispose d’un terminal à conteneurs d’une capacité annuelle de 1,2 million d’EVP (équivalents vingt pieds) et d’un terminal pétrolier de 340 000 m3, gérés par l’émirati DP World, ainsi que d’une zone franche de 17 ha. « Avec les investissements réalisés [de l’ordre de 400 millions d’euros, NDLR], Djibouti s’est donné vingt ans d’avance sur ses concurrents africains », estime l’économiste Arthur Foch. En février, une nouvelle étape a été franchie. L’Éthiopie, Djibouti et le Soudan du Sud ont signé un mémorandum d’entente prévoyant la construction d’infrastructures de télécommunications et de transport ferroviaire et pétrolier entre les trois pays. G.L.
Pour faire le poids, Berbera devra rénover ses infrastructures. Les autorités veulent faire passer le tirant d’eau du port de 12 m à 20 m – des travaux qu’elles évaluent à 65 millions de dollars (près de 50 millions d’euros). À cela s’ajouteraient 150 millions de dollars pour la rénovation du corridor Berbera-Addis-Abeba. « Les délais et les coûts d’un tel projet sont considérables. Il faut des bailleurs, des financements… Cela fait beaucoup de conditions », nuance Arthur Foch, auteur de « Djibouti, une nouvelle porte de l’Afrique ? », paru en 2010 dans la revue Afrique contemporaine.
Appel
En octobre 2009, Bolloré Africa Logistics (BAL) avait déclaré son intention d’investir 500 millions d’euros dans le projet de Berbera. En septembre 2010, il annonçait avoir remporté un appel d’offres pour la gestion et le développement de la plateforme portuaire. Depuis, c’est le statu quo, et BAL se montre peu enclin à communiquer sur le sujet.
Berbera attend donc toujours. « Avec les revenus et la force de frappe des groupes des pays émergents, tout peut aller très vite : Djibouti en est la preuve, souligne Arthur Foch. Des investisseurs chinois, très présents en Ethiopie, sont tout à fait susceptibles d’être intéressés. » En effet, le chinois PetroTrans a manifesté son intérêt, mais, depuis l’été 2011, plus rien. A tel point que le 25 avril le gouvernement du Somaliland a lancé un appel aux investisseurs pour développer le port de Berbera. Un projet qui devrait rebondir une fois l’étude de faisabilité achevée, au printemps 2014.
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