Hydrocarbures : rien n’arrête Sinopec
Le géant chinois pousse ses pions en Afrique, qui représente 20 % des importations de pétrole de Pékin. Il vient ainsi de racheter les parts du français Total dans le gisement d’Usan, au large du Nigeria.
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Derrière les murs gris du siège de Sinopec, à Pékin, on cultive le mystère. Un secret quasi militaire règne dans les rangs de son million d’employés. Le plus grand groupe d’Asie – et cinquième du monde – est un peu le pipeline de la Chine. Ses actifs atteignent 280 milliards de dollars (217 milliards d’euros), dont 35 milliards à l’étranger. « L’Afrique représente 20 % des importations de pétrole en Chine, explique Michael Wang, analyste chez HSBC. Le pays consomme 10 millions de barils par jour et doit en importer plus de 4 millions. Ses besoins sont donc très importants, et c’est la raison pour laquelle on retrouve Sinopec, Cnooc ou PetroChina sur tous les fronts, notamment en Afrique. »
Manoeuvres
Dernière acquisition en date de Sinopec : les parts du français Total dans le gisement d’Usan, au large du Nigeria, pour 2,5 milliards de dollars, en novembre. Ce rachat accorde aux Chinois l’équivalent de 10 % de la production pétrolière du pays. Les grandes manoeuvres de la major au Nigeria ont commencé en juin 2009, avec l’acquisition d’Addax Petroleum pour 7,2 milliards de dollars. Très actif dans ce pays, le pétrolier suisse a ouvert les portes des gisements aux Chinois. « Cela a été une avancée importante pour Sinopec, assure un diplomate américain à Pékin sous le couvert de l’anonymat. Addax a apporté à Sinopec une expérience très importante dans la gestion des problèmes de sécurité, des différentes communautés du Nigeria et des questions complexes de régulation. C’est pourquoi Sinopec a été immédiatement actif et efficace dans les États du Delta, de Rivers et de Bayelsa. »
Retour dans le droit chemin
Lorsque Fu Chengyu prend les rênes de Sinopec, en 2011, l’entreprise sort d’une série de scandales qui a culminé en 2006 avec l’arrestation de son président. Intercepté à l’aéroport de Pékin, Chen Tonghai s’apprêtait à fuir à l’étranger avec 30 millions de dollars (23 millions d’euros à l’époque). Il a été condamné à mort avec sursis. Depuis, Pékin a placé le groupe sous surveillance et chargé Fu Chengyu de le remettre sur les rails. En un an, le nouveau PDG a apuré les comptes de Sinopec et lancé une grande offensive internationale. En novembre, à Londres, il a été élu « dirigeant de l’année dans le secteur pétrolier » par le cabinet d’études Energy Intelligence. S.L.B.
Rien n’arrête Sinopec, qui, après le Nigeria, pourrait investir 2 milliards de dollars au Gabon. « À l’origine, nous devions nous concentrer sur le raffinage et l’offshore en Asie, nous confie un ingénieur du groupe. Mais depuis une dizaine d’années, nous investissons également dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements. Le Brésil est l’une de nos priorités pour 2012 et, bien sûr, il y a l’Afrique, qui offre beaucoup d’opportunités. Les contrats sont négociés au sommet de l’État. Il ne faut jamais oublier que Sinopec est une entreprise publique éminemment stratégique. »
Le prix fort
De fait, Sinopec affiche une approche bien différente de celle des Occidentaux. Pas de volonté hégémonique : la stratégie du groupe – et de l’État – est purement liée aux affaires, selon cette logique simple : « Dites-nous ce dont vous avez besoin, nous construirons des routes ou des ponts s’il le faut. » En échange, Sinopec a un accès facilité au pétrole en Afrique. Ainsi Pékin a-t-il accordé, en septembre, 1,1 milliard de dollars au Nigeria pour construire des routes et des aéroports, via un prêt préférentiel sur vingt ans avec un taux d’intérêt plancher de 2,5 %. Un « cadeau », pour certains, qui expliquerait le bon accueil fait par Abuja aux investissements chinois.
Il faut dire que l’empire du Milieu est prêt à payer le prix fort. Au Nigeria, Pékin devra en effet débourser près de 22 dollars pour chaque baril de pétrole d’Usan, soit deux fois plus que le prix payé par les autres pétroliers ces cinq dernières années. Mais sur le long terme, l’investissement est vital. La panne sèche serait en effet catastrophique pour l’avenir de l’usine du monde.
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