Raffinage : des projets illusoires sans engagement de l’État

David Bleasdale est directeur exécutif de Citac Africa.

David Bleasdale, directeur exécutif de Citac Africa. © Oil & Gas

David Bleasdale, directeur exécutif de Citac Africa. © Oil & Gas

Publié le 8 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

Comment mener à bien les projets de raffinerie ? En Afrique, où la demande de produits pétroliers est croissante mais où les quantités produites sont de plus en plus insuffisantes, une centaine de projets ont été annoncés depuis 2000. Mais seuls deux grands projets (Khartoum au Soudan, Alexandrie en Égypte) et trois plus petits (Zinder au Niger, N’Djamena au Tchad et Adrar en Algérie) ont été réalisés depuis.

Parmi les divers facteurs qui entravent la construction de raffineries, le risque commercial est le principal : d’importants capitaux sont nécessaires sur de longues périodes, mais la rentabilité d’une raffinerie demeure incertaine. Les capacités mondiales excédentaires de raffinage et les faibles taux de fret permettent aux produits pétroliers de circuler facilement entre les régions. Aussi toute nouvelle raffinerie doit-elle tenter d’être plus compétitive que les autres au niveau de la marge sur coûts variables. Or généralement ce n’est pas le cas des raffineries africaines, qui sont anciennes, de petite taille et peu aptes à transformer les produits dits lourds en produits « légers », comme l’essence – contrairement aux raffineries américaines et à celles récemment construites au Moyen-Orient.

la suite après cette publicité

Les projets de raffinerie sont en concurrence avec d’autres projets d’infrastructures, qui ne manquent pas sur le continent. Télécoms, énergie, adduction d’eau, transport, écoles et structures de soins se disputent les fonds publics et privés. Ce que veulent les banques est très simple : des plans d’affaires sérieux, impliquant des manageurs compétents ; des conditions économiques clairement définies, assorties d’un certain nombre de scénarios de risque ; une forte implication des actionnaires (jusqu’à 30 %) et des sources de financement bien définies.

Plus de cent projets de raffineries ont été annoncés depuis 2000 en Afrique. Mais seuls cinq d’entre eux ont été réalisés.

Dans l’industrie du raffinage, de telles conditions sont rares. Sur les cinq nouvelles raffineries qui ont vu le jour depuis 2000, quatre impliquent China National Petroleum Corporation (CNPC). Vu l’intérêt à long terme manifesté par le gouvernement chinois pour l’acquisition de concessions pétrolières et minières, il semble que CNPC se soit montré moins strict que d’autres investisseurs dans son évaluation économique. Mais, affectés par les désaccords des actionnaires et les problèmes d’exploitation, les projets chinois ont rencontré des difficultés ces derniers temps. Même l’enthousiasme de CNPC risque, à l’avenir, de retomber.

Les gouvernements constituent un second facteur clé. En plus d’être le plus souvent les principaux actionnaires, leur rôle est déterminant dans la création d’un environnement favorable. Les politiques susceptibles d’encourager les investisseurs impliquent l’adoption des prix du marché international pour le brut et les produits pétroliers, des politiques clairement définies au niveau du calendrier, de l’investissement et de la tarification en matière de carburants propres, des garanties de versement rapide des subventions et l’absence de comportements imprévisibles.

la suite après cette publicité

Les gouvernements doivent également accepter l’idée que posséder une raffinerie vaut mieux que d’importer des produits – ce qui n’est pas toujours un choix facile. Un tel engagement sera souvent porté par une amélioration de la sécurité de l’approvisionnement régional, une qualité régulière des produits, un approvisionnement efficace et économique, une amélioration des infrastructures industrielles, un meilleur recouvrement des taxes, de meilleures synergies pétrochimiques et la création d’emplois primaires et secondaires. Les raffineries permettent également d’éviter les frais supplémentaires liés à l’importation des produits et les doubles frais encourus par certains pays qui exportent leur brut tout en réimportant les produits pétroliers.

Les marges du raffinage sont faibles à l’échelle mondiale et vont probablement le rester, malgré une légère embellie en 2012. De nouvelles raffineries construites en d’autres points du globe ainsi qu’un faible coût d’affrètement maintiendront la pression. Pour que les investissements dans les raffineries africaines soient couronnés de succès, les gouvernements doivent faire du raffinage une priorité stratégique.

la suite après cette publicité

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires