Ces entreprises aux petits soins pour les salariés
Concurrence oblige, les entreprises africaines ont enfin compris l’intérêt de choyer leurs employés. Formation, couverture santé, plan de carrière… Rien n’est trop beau pour attirer – puis garder – l’oiseau rare
Emploi & Formation : les ressources humaines, aux petits soins pour les salariés
Concurrence oblige, les entreprises africaines ont enfin compris l’intérêt de choyer leurs employés. Formation, couverture santé, plan de carrière… Rien n’est trop beau pour attirer – puis garder – l’oiseau rare.
Le vent du changement tant annoncé souffle-t-il enfin sur les entreprises africaines ? Depuis plusieurs années, consultants et experts en ressources humaines (RH) avaient beau défendre une vision moderne de la gestion des compétences et des carrières, peu de dirigeants avaient intégré cette dimension à leurs préoccupations. Mais aujourd’hui, l’arrivée de nouveaux concurrents sur le continent, les attentes des jeunes diplômés et des cadres expérimentés recrutés au sein des diasporas tendent à bouleverser les pratiques établies.
« Depuis environ deux ans, on constate que les candidats sont plus exigeants, notamment quant aux opportunités de carrière qui s’offriront à eux une fois embauchés. Certains n’hésitent plus à demander si leur progression peut les mener jusqu’à des postes de direction », constate Dienaba Sarr, du cabinet de recrutement Fed Africa.
Échanges
Orange a permis à certains de ses cadres africains de rejoindre ses équipes parisiennes.
Formation, évolution de carrière… Les multinationales ont joué dans ces domaines un rôle d’éclaireur, appliquant en Afrique des pratiques déjà en vigueur sur des marchés plus matures. Dès 2007, Orange a par exemple mis en place un programme d’échanges de talents qui permet chaque année à plus d’une quinzaine de salariés de l’opérateur d’aller s’aguerrir, pendant six à dix-huit mois, dans une autre filiale que la leur.
Très attaché à l’interculturalité, sans doute pour atténuer l’image d’un groupe franco-français mais aussi pour améliorer la pertinence de ses offres, Orange a également permis à un certain nombre de cadres africains, notamment en provenance de Sonatel, sa filiale sénégalaise, de rejoindre ses équipes parisiennes chargées du continent, pour des durées plus longues, afin d’occuper les postes de directeur de la communication ou de directeur du marketing.
Autre précurseur dans le domaine des RH au sud de la Méditerranée, Sogea Satom, filiale du groupe de BTP français Vinci, a développé depuis près de dix ans des relations étroites avec les écoles techniques africaines. Aujourd’hui l’entreprise, présente dans 20 pays du continent, revendique 60 % d’Africains parmi ses cadres. Pour poursuivre dans cette voie, Cheikh Daff, son DRH, prévoit l’ouverture dans quelques mois d’un campus Sogea Satom au Maroc. « L’enjeu est de renforcer la culture d’entreprise de nos collaborateurs, de créer un socle de connaissances communes et de fidéliser les plus talentueux en leur permettant d’intégrer des parcours de formation d’excellence. La formation est donc un vrai outil managérial », explique-t-il. En 2015, Sogea Satom offre aussi pour la première fois une couverture santé à ses collaborateurs – d’abord en test dans cinq pays -, en partenariat avec des assureurs locaux. L’objectif est de couvrir d’ici à 2017 l’ensemble des pays où la société est implantée.
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Transparence
Pour accompagner ces projets, les entreprises africaines et les filiales des multinationales commencent à investir dans de véritables postes de responsables des ressources humaines, débarrassés des attributions purement administratives. Ces recrues doivent désormais développer les entretiens individuels, cartographier les compétences, réaliser des enquêtes de rémunération, piloter les plans de formation et superviser les recrutements. Rattachées à la direction générale, elles participent à la « conduite du changement concernant l’ensemble de la politique RH » et deviennent de « vrai[s] partenaire[s] des managers opérationnels », comme le rappelle une offre publiée début avril sur le site de Michael Page Africa. Karim Bernoussi, PDG d’Intelcia, l’un des leaders marocains de la relation client, fait partie de ces dirigeants convaincus qu’innover est essentiel en matière de management. « Normal, je suis un ancien DRH », explique cet ingénieur sensibilisé à la question lors de son passage au sein du ministère de la Pêche maritime, à la fin des années 1990.
Au Maroc, Webhelp propose depuis 2007 des places en crèche pour les enfants de ses salariés.
Également très marqué par son expérience au sein de Microsoft, qu’il dirigea au Maroc de 2000 à 2005, il entend incarner cette volonté de changement à travers une approche fondée sur la proximité et la transparence. Dans un pays encore très attaché au respect de la hiérarchie, la démarche détonne. « Notre matière première, ce sont les ressources humaines. C’est ce qui peut nous différencier de nos compétiteurs », justifie Bernoussi. Une fois par mois, il participe à une réunion informelle appelée « café matin » et y rencontre une vingtaine de salariés tirés au sort pour discuter librement d’une ou de deux thématiques liées aux conditions de travail. « Pour éviter qu’ils ne se censurent, leurs responsables hiérarchiques ne sont pas présents. Ils soulèvent des problèmes pratiques, comme l’organisation des navettes. Ensuite, nous faisons un compte rendu et prenons les mesures correctives qui s’imposent », explique-t-il.
Pour ne pas perdre le contact avec ses salariés, le patron d’Intelcia a aussi créé une boîte aux lettres électronique grâce à laquelle ils peuvent l’interpeller en toute confidentialité. « Notre métier est jeune, donc nos managers le sont aussi. Ce système permet de sécuriser tout le monde en ne laissant pas les situations se dégrader », estime Bernoussi, qui loue la maturité de ses salariés : « Ils font un usage très modéré de cette boîte aux lettres. Je reçois trois ou quatre e-mails par mois. » Intelcia n’est pas le seul spécialiste des centres d’appels à miser sur de nouveaux dispositifs sociaux au Maroc. Son rival Webhelp propose depuis 2007 des places en crèche pour les enfants de ses salariés. Dans un secteur où les femmes représentent plus de la moitié des salariés, l’argument fait mouche.
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Rotation
Ce changement d’époque s’observe aussi dans les entreprises subsahariennes, comme en témoigne l’attention portée à la pénibilité du travail, y compris dans des milieux réputés pour leur dureté, comme l’agro-industrie. « Nous avons parmi nos clients un groupe ouest-africain qui a mis en place une rotation de postes permettant aux salariés des plantations de changer d’affectation pour limiter la survenue de maladies professionnelles », illustre Dienaba Sarr. Même le monde des banques, très réglementé et donc plutôt conservateur, est poussé à évoluer. Les salariés des établissements financiers ne sont pourtant pas les plus à plaindre. Au sein de l’UEMOA, un accord de branche leur assure quatorze mois de salaire et une retraite par capitalisation au travers d’un fonds de pension. Mais, engagées dans une guerre des talents, beaucoup de banques éprouvent le besoin de fidéliser leurs meilleurs éléments. « À chaque fois qu’un nouveau concurrent s’installe dans un pays, il recrute parmi les salariés des leaders du marché », explique Abdoulaye Binate, DRH de Banque atlantique.
Pour se démarquer, le réseau bancaire ouest-africain a lancé une réflexion afin de mieux tirer profit des avantages que peut lui offrir sa maison mère, le marocain Banque populaire. Parmi les pistes étudiées : la possibilité de créer des passerelles pour poursuivre une carrière au Maroc ou, plus prosaïquement, de profiter des centres de vacances de Banque populaire. Dans cette course à l’attractivité, des entreprises africaines n’hésitent pas à offrir à leurs futurs cadres supérieurs des avantages plus intéressants que ceux proposés par les multinationales. Par exemple en les faisant voyager avec leur famille en business class quand, crise et pression sociale obligent, les géants européens proposent très souvent des billets en classe éco. Décidément, l’Afrique c’est chic.
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Repérer les hauts potentiels
Pour passer un nouveau cap dans la gestion de leurs ressources humaines, les entreprises doivent mieux cartographier les compétences au sein de leurs équipes. « L’objectif est d’identifier les salariés à haut potentiel pour ensuite faire en sorte qu’ils ne quittent pas l’entreprise », explique Abdoulaye Binate, DRH de Banque atlantique. Dans ce domaine, la plupart des sociétés subsahariennes ont beaucoup de progrès à faire, reconnaît-il. Au-delà de l’existence d’entretiens individuels, il s’agit surtout de mieux exploiter les informations qualitatives que ces derniers permettent de recueillir pour adapter les plans de formation et les parcours de carrière.
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