Guinée : Moussa Dadis Camara, l’onde de choc du béret rouge
L’encombrant putschiste de 2008 a annoncé, depuis son exil burkinabè, sa candidature à l’élection présidentielle guinéenne d’octobre. Et ça provoque déjà des remous.
Ceux qui pensaient être débarrassés du putschiste de 2008 en sont pour leurs frais. Le béret rouge Moussa Dadis Camara s’est rappelé au souvenir des Guinéens en annonçant le 11 mai son intention de se présenter à l’élection présidentielle prévue pour octobre.
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Une nouvelle étape dans l’incursion en politique de l’ancien responsable des carburants de l’armée – un poste où il s’est fait beaucoup d’amis -, après sa démission de cette dernière début avril et sa nomination, le 4 mai, à la tête d’un obscur parti Forces patriotiques pour la démocratie et le développement (FPDD), fondé en décembre 2014.
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Un nom qui ressemble furieusement à celui du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), qu’il présida en même temps que le pays, du coup d’État militaire de décembre 2008 (après la mort de Lansana Conté) jusqu’au 3 décembre 2009, date de la tentative d’assassinat sur sa personne qui entraîna son exil au Maroc puis au Burkina.
Sa présidence avait été entachée par le massacre et le viol de militants de l’opposition dans le stade de Conakry, le 28 septembre 2009, perpétrés par des militaires membres de la junte qui font aujourd’hui l’objet de procédures judiciaires en Guinée, suivies de près par la Cour pénale internationale (CPI).
Liesse
Dans sa Guinée forestière natale, l’annonce de la candidature du capitaine Dadis a été saluée par la majorité de la population. Déjà en avril 2013, la liesse qu’avait suscité son bref retour à Nzérékoré et dans son village, à l’occasion de l’enterrement de sa mère, avait donné la mesure de ce soutien local, qui ne s’explique pas seulement par un réflexe communautaire.
"Avant lui, aucune personnalité de la Forêt n’avait accédé au pouvoir. Mais des Guinéens de tous horizons ont aussi la nostalgie de ce capitaine droit dans ses bottes qui a voulu mettre fin au trafic de drogue et à la corruption", analyse Antoine Monemou, connaisseur des milieux politiques forestiers.
De fait, les "Dadis shows" – surnom des apparitions télévisuelles de l’ex-président – ont marqué les esprits. Lors de ces parodies de procès sous les feux des caméras, Dadis, en de longues diatribes, jouait à humilier des personnalités présentées comme des "prédateurs" ennemis de la Guinée.
Un retour de Dadis au pays et sa candidature, légalement possible, créeraient assurément des remous. Alors que l’électorat forestier semblait jusque-là dispersé entre les grands partis du président Alpha Condé, de Cellou Dalein Diallo et de Sidya Touré, le capitaine pourrait rassembler sur son nom, outre les milieux favorables aux militaires, les 12 % à 15 % que représente sa communauté.
Ce qui mettrait à mal les ambitions de Papa Koly Kourouma, actuel ministre conseiller d’Alpha Condé et président du Grup (Générations pour le renouveau, l’union et la prospérité), ainsi que celles de l’ancien Premier ministre Jean-Marie Doré, dans l’opposition.
Nuisance
Côté présidence, on qualifie cette déclaration de candidature de "non-événement". Et on veut y voir une démonstration de son pouvoir de nuisance visant à monnayer un soutien financier et une immunité judiciaire. Car depuis la chute de son hôte Blaise Compaoré, Dadis peine à assumer son train de vie à Ouagadougou, rythmé par des virées en boîte de nuit en galante et nombreuse compagnie.
Et inquiet des progrès de l’enquête sur le massacre du 28 septembre, salués en avril à Conakry par Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, le capitaine voudrait éviter une inculpation en échange du retrait de sa candidature ou d’un ralliement au pouvoir.
"La présidence ne s’opposera pas au retour de Dadis Camara en Guinée, mais elle n’entravera pas pour autant la justice", fait-on savoir à Sékhoutoureya. Entre Dadis et les politiciens de Conakry, les négociations ne font que commencer.
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