Burundi : manifestations, barricades et censure à une semaine des législatives

Les manifestants hostiles au troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza sont à nouveau descendus dans les rues de Bujumbura mardi. Plusieurs personnes ont affirmé avoir été victimes d’exactions de la part de la police et des Imbonerakure.

Des manifestants à Bujumbura le 18 mai. © Jerome Delay/AP/SIPA

Des manifestants à Bujumbura le 18 mai. © Jerome Delay/AP/SIPA

Publié le 19 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Des centaines de personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers périphériques de la capitale, mardi 19 mai, tentant d’installer des petites barricades de fortune au milieu des rues, au son des sifflets et des slogans hostiles au pouvoir. Comme la veille, les militaires ont parfois tiré en l’air pour disperser les protestataires, notamment dans les quartiers de Jabe, Cibitoke ou encore Nyakabiga. En dépit des violences, l’opposition et la société civile restent mobilisées à une semaine des élections législatives et communales prévues le 26 mai, date qui pourrait être reportée comme celle de la présidentielle, programmée quant à elle le 26 juin.

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"Notre mouvement n’a rien à voir avec les putschistes"

À Musaga, un des hauts-lieux de la contestation depuis le début du mouvement fin avril, plus d’un millier de protestataires ont envahi une des principales avenues. Ils ont été rejoints par cinq responsables du mouvement Arusha, qui regroupe les partis d’opposition et les organisations de la société civile engagés dans la lutte contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza.

Au nom de la société civile, et en l’absence quasi-totale des forces de l’ordre, Dieudonné Bashirahishize, juriste burundais a fait observer une minute de silence, après la mort d’une vingtaine de personnes dans les violences ayant émaillé les manifestations depuis fin avril. "Ce sang versé (…) nous enseigne qu’il ne faut pas avoir peur, nous devons vaincre notre peur et continuer à manifester malgré les menaces proférées par le conseil national de sécurité ou par le président lui-même", a lancé Dieudonné Bashirahishize.

Le sang versé (…) nous enseigne qu’il ne faut pas avoir peur.

"Le mouvement Arusha n’a rien à voir avec les putschistes qui ont tenté de renverser le pouvoir. Nous avons commencé avant eux, ils sont aujourd’hui en prison", a déclaré Frédéric Banvugiyuvira, vice-président du parti d’opposition Frodebu. "Nous venons de montrer que les Burundais peuvent se battre pour leurs droits. Nous refusons d’être les esclaves de Nkurunziza", a-t-il lancé. Et d’ajouter : "Nous continuons notre lutte ! Si Nkurunziza veut que nous quittions les rues, il faut qu’il renonce à son troisième mandat, sinon nous allons rester mobilisés."

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Témoignages d’exactions

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Ce meeting improvisé a ensuite été perturbé par l’arrivée de plusieurs blessés, dont certains avaient le visage tuméfié ou ensanglanté, racontant avoir été attaqués dans un quartier voisin par des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, accompagnés de policiers.

L’un des blessés a notamment expliqué comment plusieurs de ses camarades auraient été arrêtés et emmenés dans le véhicule du général Adolphe Nshimirimana. Officiellement chargé de mission à la présidence, celui-ci coordonnerait en réalité tout le système de sécurité aujourd’hui au Burundi.

Dans le quartier de Mutakura, des témoins ont également signalé que des policiers seraient passés en trombe au milieu d’un groupe de manifestants, en tirant et en lançant des grenades lacrymogène. L’incident n’aurait pas fait de blessés, mais les protestataires ont immédiatement monté deux barricades enflammées et tenté de pousser un container au milieu de la chaussée.

Médias entravés

Pour la première fois mardi, alors qu’elle jouissait jusqu’à présent d’une liberté totale de mouvement, la presse internationale s’est vue interdire l’accès d’un quartier contestataire, à Musaga, signe d’une nervosité grandissante du pouvoir. Ils sont notamment accusés d’attiser par leur présence le zèle des manifestants.

Le directeur d’une radio privée burundaise, en partie détruite par des forces loyales au pouvoir pendant la tentative de coup d’État, a quant à lui tenté sans succès mardi de rouvrir sa station. Il s’en est vu interdire l’accès par la police, malgré de récentes assurances de la présidence sur la liberté des médias.

Seule la radio télévision publique (RTNB) continue d’émettre et relaie uniquement le message présidentiel. Le patron de la Radio publique africaine (RPA), Bob Rugurika, a fui à l’étranger et plusieurs journalistes de médias privés sont contraints de se cacher.

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(Avec AFP)

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