Mode d’emploi et favoris : l’élection du président de la BAD en 5 questions
Le 28 mai, la Banque africaine de développement élira un nouveau président. « Jeune Afrique » décrypte pour vous tous les ressorts de cette élection et livre une analyse exclusive des chances des différents candidats, à 24 heures du scrutin.
1 – Quand le vote aura-t-il lieu ?
L’élection aura lieu le 28 mai à Abidjan, au sein de l’Hôtel Ivoire qui accueille du 25 au 29 mai les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD). Les votes se tiendront de 9H à 12H30 puis de 13H30 à 18H. La veille (ce mercredi 27 mai), pendant cinq heures, les gouverneurs de la BAD auront eu l’occasion d’interroger les différents candidats. Ces derniers doivent présenter en dix minutes leur vision, avant d’être questionné pendant une vingtaine de minutes.
>>>> Découvrez le dossier de Jeune Afrique consacré à l’élection du nouveau président de la BAD
2 – Qui vote ?
Chaque pays membre dispose d’un gouverneur. En tout, 80 gouverneurs voteront, 54 représentant les pays africains et 26 les pays dits non-régionaux, de l’Argentine aux États-Unis en passant par la Chine. Certains États disposent d’un poids nettement plus important que les autres : le Nigeria (9,256 % des voix), l’Égypte (5,393 %), l’Afrique du Sud (4,883 %), l’Algérie (4,219 %), la Libye (3,673 %) ou encore le Maroc (3,488 %), pour les pays africains. Du côté des internationaux, les voix des États-Unis (6,551 %), du Japon (5,479 %), de l’Allemagne (4,115 %), du Canada (3,791 %) et de la France (3,75 %) seront prépondérantes.
3 – Comment se déroule le vote ?
Chaque gouverneur vote pour l’un des candidats en lice. Après chaque tour, le candidat ayant reçu le moins de voix se retire. Est désigné vainqueur celui qui réussit à réunir à la fois la majorité absolue des voix des pays africains et celle de l’ensemble des voix (membres africains et non-régionaux). Si aucune majorité claire ne se dégage et que les blocs semblent figés, le conseil des gouverneurs peut décider d’ajourner le vote. Dans ce cas, un nouveau round de votes sera organisé ultérieurement. Ce fut le cas lors des élections de 1995 et 2005.
4 – À 24H du vote, quelles sont les chances des uns et des autres ?
Bedoumra Kordjé, le candidat tchadien, semble bien placé : il a reçu officiellement le soutien de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), le 6 mai, ainsi que celui de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, le 25 mai. L’activisme du président tchadien Idriss Déby Itno – le « boss du Sahel » – a porté ses fruits. Des indiscrétions reprises dans des journaux algériens ont fait part du soutien d’Alger au candidat du Tchad. La France serait également derrière Bedoumra Kordjé. Sur cette seule base, le candidat tchadien bénéficierait dès le premier tour d’au moins 13 % des voix.
La candidate cap-verdienne Cristina Duarte est dans les petits papiers de beaucoup d’électeurs. En dehors de son pays, la ministre des Finances n’a pas reçu de soutien officiel, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’ayant pas annoncé de position commune. Il est vrai que cette zone compte quatre candidats… Toutefois, en coulisses, on crédite la Cap-verdienne du soutien d’une grande partie des membres non-africains ainsi que de celui de la Côte d’Ivoire.
Le zimbabwéen Thomas Zondo Sakala a reçu le soutien de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui compte quinze membres (dont certains appartiennent aussi à d’autres zones régionales). Soit environ 15 % des voix. Toutefois, une grande partie des membres non-africains devraient logiquement s’opposer à l’élection du Zimbabwéen à la tête de la BAD, en raison des très mauvaises relations entre le pays d’Afrique australe et plusieurs puissances occidentales.
Akinwumi Adesina part avec une bonne base de départ puisque son pays, le Nigeria, dispose du plus important contingent de voix (9,256 %).
La situation de Birama Boubacar Sidibé est un peu confuse. Le candidat malien aurait le soutien du Maroc. Mais sa candidature, mal perçue par le Tchad (qui a largement participé à la lutte contre les terroristes dans le nord du Mali), tiendra-t-elle jusqu’au bout ?
Le Tunisien Jaloul Ayed et le Sierra-Léonais Samura Kamara semblent avoir au final peu de soutiens. Le Maghreb pourrait notamment avoir lâché Jaloul Ayed, même si ses proches démentent cette rumeur. Enfin, les chances du candidat éthiopien semblent s’être réduites, malgré le soutien de l’Afrique de l’Est. Ato Sufian Ahmed a peu fait campagne auprès des membres non-régionaux, qui ne représentent que 40 % des voix mais dont l’influence dans les dernières élections (1995 et 2005) a toujours été importante. Il appartient de sucroît au même bloc régional que le candidat sortant.
5 – Des surprises sont-elles possibles ?
Elles sont même certaines, les élections de 1995 et 2005 en ayant réservé beaucoup. L’élection il y a vingt ans du Marocain Omar Kabbaj, relativement inconnu au moment de l’élection, a été une surprise. Il fut d’ailleurs élu au bout de quatorze tours. Quant à Donald Kaberuka, il n’a reçu en 2005 au premier tour que 3 % des voix des pays africains. Huit tours plus tard, il fut élu contre le Nigérian Olabisi Ogunjobi, pourtant davantage soutenu par les pays africains. Quant au Gabonais Casimir Oyé Mba, son leadership en termes de nombre de pays de soutien ne l’a pas empêché de perdre à l’issue du 4e tour.
Autre incertitude : la capacité des gouverneurs à dégager un candidat gagnant en cinq tours. La Côte d’Ivoire, hôte des Assemblées annuelles, met tout son poids dans la balance pour que le 28 mai au soir un nouveau président soit désigné à la tête de la BAD. Et d’éventuels retraits avant le début des élections sont évoqués. Sinon, il faudra à nouveau réunir les gouverneurs pour trouver un successeur à Donald Kaberuka.
>>>> Lire aussi – Donald Kaberuka à l’heure du bilan
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