Renault, symbole de la voiture algérienne
Depuis novembre 2014, l’usine de Oued Tlelat, près d’Oran, fabrique les premières voitures made in Algeria. Une expérience industrielle devenue un modèle dans le contexte actuel de crise pétrolière.
Distribution automobile : le pari tentant mais risqué de l’occasion
Entre 4 et 5 millions de voitures de seconde main arrivent chaque année en Afrique pour y être revendues. Un marché largement détenu par le secteur informel, mais que les distributeurs officiels commencent à convoiter.
« La relance de la base industrielle nationale […] constitue pour le gouvernement une priorité de premier ordre », affirmait, le 10 novembre 2014, lors de l’inauguration de l’usine Renault de Oued Tlelat, le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal. Depuis, le prix du baril de pétrole stagne autour de 60 dollars (environ 52 euros), le déficit commercial du pays ne cesse de se creuser et les voyants économiques clignotent en rouge. Depuis janvier, des mesures de soutien à la production nationale ont été instaurées afin d’accélérer la diversification de l’économie algérienne, dépendante à 97 % des recettes en provenance des hydrocarbures, et de baisser la facture des importations.
Parmi ces mesures, le retour du crédit à la consommation en faveur des produits made in Algeria, annoncé pour juillet, va tenter de raviver l’appétit des Algériens pour le « local ». Malgré un taux d’intégration inférieur à 20 %, la Renault Symbol est l’unique voiture algérienne, et donc la seule éligible au crédit à la consommation. Une aubaine pour la marque au losange, qui a investi 50 millions d’euros dans l’usine de Oued Tlelat, dont l’opérateur est Renault Algérie Production (RAP), une coentreprise détenue à 49 % par le constructeur français, à 34 % par la Société nationale algérienne des véhicules industriels (SNVI) et à 17 % par le Fonds national d’investissement algérien (FNI).
Pour découvrir le montage de la Symbol, il faut emprunter le périphérique au sud-est d’Oran, en direction de l’aéroport. Après 27 km à travers la commune d’El Kerma où défilent des chantiers de maisons, un centre commercial en projet et plusieurs concessionnaires, une discrète pancarte Renault Algérie Production invite les automobilistes à sortir de l’autoroute. « Cette localité a connu, ces dernières années, une transformation rapide, la construction a explosé », commente Nasser, au volant de son taxi. Nul doute que la proximité de l’usine Renault accélérera encore davantage ce développement. En contrebas du périphérique se dresse l’usine Renault. « Le site a été choisi pour ses atouts : sa main-d’oeuvre qualifiée, son réseau routier, son port, la qualité du terrain et de ses infrastructures », précisait Carlos Ghosn, PDG de Renault, le jour de l’inauguration.
Deuxième phase
Une fois franchie l’entrée hautement surveillée, le visiteur accède à un parterre de gazon entouré de hauts palmiers. L’usine s’étend sur 151 hectares, dont seuls 14 sont pour l’instant occupés. « Cette superficie comprend la chaîne de montage, installée dans l’ancienne usine de textile Sonitex, le bâtiment logistique et les bureaux construits entre septembre 2013 et l’été 2014 », indique Bernard Sonilhac, PDG de RAP. Les 135 hectares restants attendent la deuxième phase du projet, annoncée pour 2019, qui prévoit le passage de la production de 25 000 à 75 000 véhicules par an. Dans un hall immense baigné de lumière, ouvriers et ouvrières en vêtement de travail gris barré d’une bande jaune s’activent sur la chaîne de montage.
Chacun connaît sa tâche : installation des traverses, pédaliers et aérateurs, montage des éléments du tableau de bord, pose du pare-brise et de la lunette arrière, installation des pneumatiques, des boucliers, des projecteurs, de la batterie et de la sellerie, etc., avant les tests de contrôle. Pour l’instant, RAP n’est qu’une usine d’assemblage, ce que l’on nomme semi knock-down (SKD) dans le langage industriel, précise Djenet Belabdi, responsable système management qualité et évaluation chez RAP. Mais à partir de la deuxième phase, l’usine doit passer en montage complete knock-down (CKD). « Cela permettra d’intégrer dans l’usine la partie peinture et tôlerie et d’assembler les éléments de carrosserie acheminés aujourd’hui depuis la Roumanie », décrit Bernard Sonilhac. Et le taux d’intégration local sera porté à 42 %. En attendant, l’usine vient de fêter, le 11 mai, la 5 000e voiture produite, ce qui correspond à une moyenne de 51 véhicules assemblés chaque jour.
Avec la mise en place de la deuxième équipe ce mois-ci, on devra arriver à un peu plus de 100 véhicules par jour à l’automne. L’équipe chargée d’assembler les kits acheminés du port de Constantza (Roumanie) à celui d’Oran est jeune et féminine. À l’image de Kheira Djebbar, opératrice de 22 ans embauchée en mai 2014. « Je dois placer les plafonds, les tableaux de bord et les tablettes arrière », décrit cette diplômée d’un master en psychologie. Depuis l’entrée en service de l’usine, 380 travailleurs ont été embauchés, avec une moyenne d’âge de 32 ans et 40 % de femmes. « C’est l’Agence nationale de l’emploi (Anem) qui m’a appelée ; j’ai passé des tests de dextérité avant d’être convoquée », raconte, tout sourire, Khadidja Kadi, 28 ans. Cette ingénieure de formation, a, comme tous les candidats retenus, suivi un stage au Centre de formation professionnelle et d’apprentissage d’Oran (CFPA). Puis elle a effectué trois mois de perfectionnement en Roumanie.
Leader
Leader du marché automobile algérien depuis huit ans, le constructeur français conserve sa première place au premier trimestre 2015 avec 28 % de part de marché, dans un secteur en berne avec des ventes globales en baisse de 10 % en janvier et février 2015. « La filiale Renault a déjà écoulé 14 000 véhicules [Renault et Dacia] depuis le début de l’année, soit une progression de 33 % », annonçait le groupe fin mars, lors du Salon de l’automobile d’Alger. Quatrième marché automobile du continent africain, septième marché du groupe, l’Algérie pèse lourd dans le futur du constructeur français. Chacun donc a besoin de l’autre.
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