Gérard Chaliand, guerre et poésie
Gérard Chaliand est un personnage singulier. Géopoliticien réputé, il a pour spécialité la polémologie, c’est-à-dire la science des conflits, qu’il a enseignée à Paris (ENA, École de guerre, etc.), mais aussi à Kaboul, Pékin, Singapour…
Homme de terrain, il ne s’est pas contenté d’observer les manoeuvres militaires de loin : il s’est approché des fronts, a accompagné les combattants, avec une nette prédilection pour les guérilleros. Il fut l’ami très proche de certains d’entre eux, parmi lesquels Amílcar Cabral, le père de l’indépendance de la Guinée-Bissau.
Chaliand est donc, on l’a compris, un expert en violence. Le paradoxe est que cette connaissance intime des pires tréfonds de l’âme humaine ne lui inspire point de sombres pensées, mais provoque chez lui des émotions qu’il restitue avec une infinie délicatesse dans des textes courts et superbes.
>> À lire aussi : L’Arménie dans le sang
C’est d’ailleurs l’un de ses poèmes d’amour ("Mes yeux n’ont qu’un chemin, ils te parcourent entière / et mes rêves vacillent au creux de ta rivière"), écrit dans les années 1950, qu’André Breton plaçait "parmi les plus beaux poèmes de ce temps".
De maquis en guerres ouvertes, Chaliand n’a pas cessé (il était encore récemment chez les Kurdes d’Irak) de composer ainsi des petits textes denses, qui touchent par leur simplicité, leur authenticité, leur efficacité : "Je n’ai pas misé ma vie à demi, écrit-il. J’ai tout jeté dans la balance." Les éditions de l’Aube ont rassemblé l’ensemble de l’oeuvre (en français et en anglais) poétique du polémologue dans un ouvrage au format de poche qui ainsi ne pèsera pas trop lourd dans le paquetage des combattants qui l’emporteront avec eux au front. Son titre : Cavalier seul.
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