Patrick Mestrallet, Oragroup : « Notre croissance nous permet de servir de grandes entreprises »
À la tête d’Oragroup (l’ex-Financial Bank), Patrick Mestrallet poursuit sa stratégie d’expansion et se félicite des résultats obtenus, tout en surveillant le redressement du réseau des BRS, racheté en 2013.
Finance : Ecobank face à son avenir
Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.
Plus de six ans après son rachat par le capital-investisseur Emerging Capital Partners (ECP), Oragroup (ex-Financial Bank) a fait du chemin. Complètement réorganisée, avec un changement d’identité visuelle mais aussi un repositionnement commercial, la petite banque créée en 1987 au Bénin, autrefois tournée essentiellement vers les PME, a diversifié ses clients et est en train de devenir un acteur important au niveau régional. Entretien avec son administrateur et directeur général.
Propos recueillis par Stéphane Ballong
Jeune Afrique : Le conseil d’administration d’Oragroup s’est récemment réuni à Paris, pour valider les comptes de l’exercice écoulé. Peut-on dire que 2014 a été une bonne année pour votre groupe ?
Patrick Mestrallet : Cela s’est globalement bien passé. À périmètre constant, les dépôts pour l’ensemble du groupe ont atteint 856 milliards de F CFA [1,3 milliard d’euros], soit une hausse de 17 % sur un an. Et les emplois, 788 milliards [+ 19 %]. Notre produit net bancaire [PNB] a quant à lui progressé de 29 % pour atteindre 82 milliards. Globalement, c’est satisfaisant. Mais nous attendons encore de meilleurs résultats dans l’avenir, parce que le redressement du réseau des Banques régionales de solidarité [BRS], implanté dans huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA], que nous avons repris en 2013, n’est pas encore terminé.
Quels ont été vos pays phares au cours de cet exercice ?
Il s’agit des mêmes que les années précédentes : le Togo et le Gabon. Ce dernier est notre marché le plus rentable. Le Togo est presque aussi rentable (en résultat net), mais bien plus important. Au Togo, nous sommes leader, avec 80 000 clients, depuis que nous avons repris la Banque togolaise de développement [BTD]. Tandis qu’au Gabon nous comptons environ 4 000 clients. L’activité y est très différente. Les clients gabonais sont avant tout des entreprises, donc le coefficient d’exploitation, c’est-à-dire les charges par rapport au PNB, est faible, de l’ordre de 30 % à 32 %, ce qui est exceptionnel. On arrive ainsi à avoir des résultats importants malgré une plus petite taille. Nos autres filiales historiques en Mauritanie, en Guinée, au Bénin et au Tchad réalisent elles aussi des profits significatifs.
Il y a quelques années, vous vous définissiez comme la banque des PME. L’êtes-vous toujours ?
Nous travaillons toujours avec les PME. Mais aujourd’hui, notre croissance nous permet de servir aussi de grandes entreprises dans plusieurs pays. Au Togo, il est clair que toutes les sociétés qui comptent font appel à nos services. C’est la même chose au Gabon, tout comme en Guinée et au Bénin. Dans les autres pays, notre activité est plus centrée sur les particuliers.
Sentez-vous l’émergence de la classe moyenne africaine ?
On voit clairement des évolutions. Le pouvoir d’achat a doublé depuis les indépendances, le taux d’épargne a fortement augmenté ces dernières années, et le taux d’investissement [acquisition d’actifs] aussi. Pour les particuliers, on constate une demande plus forte de produits bancaires. Cela étant, le taux de bancarisation reste faible. Si à Maurice il est de 80 %, dans tous les pays où nous sommes présents il reste inférieur à 20 %, et seuls 10 % de la population empruntent en banque, soit parce qu’ils n’ont pas les revenus nécessaires, soit parce qu’ils n’ont pas déposé leurs revenus à la banque. L’argent liquide reste encore très important en Afrique.
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Est-ce pour cette raison que des produits comme le crédit immobilier sont encore peu développés sur le continent ?
Le problème du crédit immobilier, c’est qu’il faut avoir des ressources longues pour prêter à long terme. Aujourd’hui, notamment dans l’UEMOA (mais pas nécessairement dans les autres régions), il y a la Caisse régionale de refinancement hypothécaire [CRH], créée à l’initiative de la Banque ouest-africaine de développement [BOAD] : elle nous prête à des conditions intéressantes, ce qui nous permet d’accorder des prêts immobiliers sur des durées de dix à quinze ans. Mais pas encore sur vingt-cinq ans comme en Occident.
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Où en êtes-vous dans le redressement des BRS, que vous avez absorbées en septembre 2013 ?
Dans certains pays, ça marche mieux que dans d’autres. La banque fonctionne bien par exemple en Côte d’Ivoire, mais aussi sur certains petits marchés comme la Guinée-Bissau. Beaucoup de clients qui n’imaginaient pas un jour travailler avec l’ex-BRS nous ont rejoints. Que ce soit au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, des entreprises importantes nous suivent maintenant, parce que nous avons repris le schéma mis en place après l’acquisition de Financial Bank : une qualité de service irréprochable, des équipes proches des particuliers et des PME pour mieux comprendre leurs besoins et leur apporter des solutions. Tout cela sans avoir de charges de structure trop élevées. Cependant, dans certains pays, c’est un peu plus compliqué que ce qu’on attendait. Donc, cela prendra un peu plus de temps.
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Qu’entendez-vous par compliqué ? Pouvez-vous être plus précis ?
Ce que je peux vous dire, c’est que des audits ont été réalisés sur la base des comptes à la fin de 2012. Nous avons pris la main en septembre 2013. Pendant les neuf mois où nous n’étions pas présents, disons que certaines des opérations effectuées n’étaient pas optimales de notre point de vue.
Oragroup est présent dans douze pays. Envisagez-vous de nouvelles implantations ?
Nous sommes aujourd’hui déjà présents dans quatre zones monétaires : la Mauritanie, la Guinée, la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale [Cemac] et l’UEMOA. Je ne souhaite pas que nous allions dans une nouvelle zone monétaire, parce que, si nous voulons développer notre groupe bancaire, il faut que nous puissions multiplier les synergies entre nos filiales. Donc, si nous devons nous étendre géographiquement, ce sera dans une zone où nous sommes déjà présents. Nous regardons attentivement les opportunités au Cameroun et au Congo.
Nous cherchons des opportunités d’achats au Cameroun et au Congo.
Votre groupe est lui-même cité comme une cible potentielle pour des groupes internationaux qui souhaitent se développer en Afrique subsaharienne. Cela vous inquiète-t-il ?
Pas du tout. Que des gens s’intéressent à nous, c’est très bien. Mais il n’y aura pas d’opération hostile, car nous ne sommes pas dans une logique boursière. Tout dépend de l’actionnaire, ECP. S’il veut vendre, il vendra. Ce sera à lui de choisir. Mais aujourd’hui, nous n’envisageons pas de partenariat avec un grand groupe international. Je pense que ce n’est pas dans l’air du temps.
Imaginons qu’ECP veuille quand même vendre, que lui conseilleriez-vous ?
Je lui dirais qu’on peut rendre la mariée encore plus belle. Je pense d’ailleurs que c’est aussi son avis. Céder sa participation avant que le redressement des ex-BRS soit achevé serait à mon avis une erreur. Mais je ne suis pas l’actionnaire ; quand un fonds d’investissement détient une part de votre capital, vous savez qu’il sortira un jour. Il faut seulement veiller à ce que son départ ne nuise pas au développement de l’entreprise.
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