Capital-investissement : l’Afrique plus que jamais dans le viseur

Gestionnaires de fortune, fonds de pension ou fonds souverains se tournent vers le continent, où la croissance atteint 5 % par an. Les risques n’ont pas disparu, mais la rentabilité est souvent au rendez-vous.

Publié le 2 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

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Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.

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Au Mozambique ou au Kenya, on voit apparaître des chaînes comme les cafés Starbucks ou leurs concurrents. « Ces établissements sont presque tout de suite rentables », indique Andrew Brown, responsable des investissements de la société Emerging Capital Partners (ECP), pour expliquer pourquoi le montant des acquisitions des capital-investisseurs en Afrique a atteint en 2014 son plus haut point depuis sept ans : 8,1 milliards de dollars (7,19 milliards d’euros), très près du record de 8,3 milliards de dollars réalisé en 2007. Un résultat lié à l’arrivée sur le continent de grandes sociétés de capital-investissement, comme KKR et Permira.

La croissance de sa population et le regain de stabilité politique ont stimulé l’intérêt pour le continent, en même temps que les fonds de pension africains et les fonds souverains le privilégiaient eux aussi davantage. « La communauté des investisseurs a compris que l’Afrique enregistrait depuis une décennie une croissance annuelle de 5 % et plus, explique Andrew Brown. Un grand nombre de gestionnaires de fortune et de fonds souverains cherchent très sérieusement où réaliser leurs premiers investissements en Afrique. »

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8,1 milliards de dollars
C’est le montant des acquisitions des capital-investisseurs en Afrique en 2014.

Il reste certes déconseillé aux timides d’investir sur le continent ; 2014 a connu plusieurs situations inattendues, comme la chute du prix du pétrole (- 40 % depuis septembre), et la valse des devises, tel le décrochage de 21 % du naira nigérian sur cette même période.

Nick Tims, directeur général de la société sud-africaine Investec, rappelle que l’Afrique compte 54 pays, soit 54 niveaux de risques. Il faut se préparer aux situations les moins prévisibles. « Un conflit ou une crise peuvent faire capoter un investissement. Les gens ont cessé de voyager [en Sierra Leone et au Liberia, à cause du virus Ebola], et les entreprises ont rapatrié tous leurs expatriés », souligne M. Tims, qui évoque la montée de groupes extrémistes tels que Boko Haram, les incertitudes liées aux échéances électorales ou les risques de corruption.

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Cependant, pour Andrew Brown, « l’Afrique reste pénalisée par une forte appréhension du risque, mais celui-ci n’est pas si grand. Beaucoup de secteurs continuent de fonctionner quelle que soit la situation politique ». Et de citer une compagnie de télécoms qui est restée bénéficiaire en Côte d’Ivoire durant la crise postélectorale de 2010-2011 ou un autre opérateur qui a prospéré au Liberia malgré la crise Ebola tout en ayant offert de nombreux appels à ses clients. « Cela ne veut pas dire que le risque politique n’existe plus. Mais l’idée que tout s’arrête parce qu’il y a une crise n’est pas vraie. Et une entreprise frappée par une crise peut rebondir. »

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Optimisme

Marleen Groen, conseillère chez le capital-investisseur britannique StepStone, partage ce même optimisme à propos de l’Afrique, dans les secteurs de la finance, de l’énergie et des infrastructures, mais aussi du tourisme et de l’hôtellerie. Elle prend pour exemple le groupe African Wildlife Foundation, qui a investi 1 million de dollars dans une ferme en Tanzanie en 2012 : « Aujourd’hui la ferme est en plein essor, et ses produits se trouvent dans les supermarchés britanniques », explique-t-elle.

Les capital-investisseurs, critiqués en Occident pour les restructurations agressives qu’ils imposent aux entreprises, ne sont pas perçus en Afrique comme des barbares, selon M. Tim. « Notre modèle consiste à prendre des parts minoritaires dans des entreprises en croissance, avec une représentation au conseil d’administration. C’est une approche moins brutale qu’une restructuration à marche forcée imposant de forts taux d’endettement. De fait, les portes s’ouvrent plus en Afrique qu’ailleurs. »

Andrew Brown confirme : « Nous pouvons prendre le contrôle d’opérations sensibles, comme dans une banque ou une entreprise de gestion de l’eau. Parce que nous sommes perçus positivement. »

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Par Madison Marriage © Financial Times et Jeune Afrique 2015.
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