Sénégal : en rachetant les Moulins Sentenac, NMA fait coup double
La prise de contrôle de ce concurrent historique permet au groupe agro-industriel de se hisser au rang de troisième producteur de farine au Sénégal, tout en renforçant sa stratégie de diversification.
Tranquillement installé dans son vaste bureau de la route de Rufisque, à deux pas de la nouvelle autoroute à péage Dakar-Diamniadio, Ameth Amar savoure les deux victoires remportées en l’espace d’une quinzaine de jours. La veille, il assistait en Allemagne à celle de « son » équipe, le FC Barcelone, face au Bayern Munich, et à sa qualification pour la finale de la Ligue des champions. Et quelques jours plus tôt, le 1er mai, la Nouvelle minoterie africaine (NMA), qu’il a fondée à la fin des années 1990, officialisait le rachat des historiques Moulins Sentenac.
» Touchés »
Son entreprise fait ainsi l’acquisition de l’un des deux pionniers de la minoterie au Sénégal, avec les Grands Moulins de Dakar (GMD). Tous deux fondés par des familles françaises, les Sentenac et les Mimran.
Ameth Amar est le premier Sénégalais à avoir osé s’attaquer à un secteur longtemps dominé, quasi sans partage, par les GMD. Mais pour ce natif de Ngoumba Nguéoul, dans le centre du Sénégal, l’acquisition des Moulins Sentenac a une dimension presque personnelle : « C’est une belle histoire, raconte-t-il. Je me souviens, lorsque j’ai débuté dans ce métier il y a vingt ans, j’étais allé voir Donald Baron [ex-PDG des Moulins Sentenac], un grand monsieur, pour me présenter. Il m’a dit : « C’est étonnant, M. Sentenac lui-même a vécu à Ngoumba Nguéoul ». » Et à l’heure de céder sa minoterie, il a affiché sa préférence pour un repreneur sénégalais, en dépit de la présence de quelques autres prétendants. « Cela nous a beaucoup touchés », assure Ameth Amar, qui refuse de préciser le montant payé – évoquant « plusieurs milliards de francs CFA » – pour une acquisition qui, selon plusieurs sources, n’aurait pas été une si bonne affaire.
Au-delà du symbole, NMA s’offre avec les Moulins Sentenac un meilleur accès au port de Dakar (avec 14 000 m2 d’entrepôts tout proches) ainsi que de nombreuses infrastructures : un moulin, une usine d’aliments pour le bétail et de pâtes alimentaires… En tout, plus d’une centaine d’employés basés sur le site de Potou, à Louga, rejoignent NMA.
Producteur avant l’opération de 200 tonnes de farine par jour, NMA va multiplier sa production par deux et gonfler son chiffre d’affaires total, qui passera de 45 milliards de F CFA à environ 60 milliards (91,5 millions d’euros). Avec une part de marché locale d’environ 25 %, la société double la filiale locale du turc FKS et décroche la troisième position derrière les GMD – dont la capacité dépasse les 1 000 t par jour – et le singapourien Olam, nouveau venu sur le marché, mais déjà numéro deux avec une production quotidienne de 500 t de farine.
Une grande avancée sur un marché très concurrentiel – où s’affrontent six meuniers, en comptant les Moulins Sentenac – et surtout en nette surproduction. « Alors que le marché local est de 1 200 t, le taux d’écrasement se rapproche des 3 000 t, expose Ameth Amar. Le problème est clair. » Et la situation se complique aussi sur le marché sous-régional, qui représentait jusqu’ici une porte de sortie pour la farine sénégalaise, du fait de l’apparition ou de la croissance de meuneries au Mali, en Guinée ou au Niger.
Président de l’Association des industries meunières de l’UEMOA (AIM-UEMOA) et ancien chef comptable de la défunte société de pêche Procos, Ameth Amar mise sur la diversification et la concentration. « Il faut se développer en restant dans son métier, croire à ses idées et essayer de faire des regroupements. C’est la seule et unique solution », explique-t-il.
Mue
Le rachat des Moulins Sentenac lui permettra d’affréter des bateaux de 12 000 t pour faire venir le blé, contre 6 000 t à 7 000 t auparavant, et de réaliser ainsi d’importantes économies. Et sur le plan de la diversification, NMA a largement entamé sa mue. Il réalise déjà 40 % de ses revenus dans l’alimentation pour bétail, un domaine dans lequel il s’est allié avec le français Sanders, une filiale du groupe Avril (ex-Sofiprotéol). Après la reprise des Moulins Sentenac, il produira quotidiennement 650 t de provende, contre 400 t à 500 t auparavant.
Quant aux pâtes alimentaires, qu’il produit depuis cinq ans environ et qui représentent 20 % de son chiffre d’affaires, il en mettra désormais sur le marché 60 t chaque jour. Exportée au Mali, sa marque Pastami tente désormais une percée sur le marché français. À Marseille, plus précisément. « Un conteneur qui va du Sénégal à la France coûte presque moins cher qu’un camion allant de Marseille à Paris, explique-t-il. Pour le fret, on est gagnant, puisqu’il n’y a pas de droits de douane. L’avenir, c’est de fabriquer en Afrique et d’exporter en Europe ! »
Par Bintou Bathily, à Dakar
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