La Bourse d’Addis-Abeba en pleine mutation
Maïs, blé, café… L’Ethiopia Commodity Exchange régule les prix des produits nationaux. Avec des résultats en constants progrès, et pour le plus grand bénéfice des petits producteurs.
Finance : Ecobank face à son avenir
Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.
Sur chaque mur de l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX), de belles photos en noir et blanc témoignent d’une époque pas si lointaine, et pas tout à fait révolue : des ballots de café ou de blé entassés au grand air sur des marchés locaux crasseux, des vendeurs et des acheteurs se confondant dans une cohue où seuls quelques camions garés anarchiquement permettent de dater le cliché… « Montrer ces images est le meilleur moyen d’expliquer à quel point notre système était traditionnel, pour ne pas dire archaïque. Les petits producteurs étaient vulnérables face aux brokers, qui étaient les grands gagnants du marché en imposant leurs prix. » Responsable de la communication interne de l’ECX, la Bourse des matières premières éthiopienne, Anteneh Degefe n’a pas tort de commencer la visite par ce rappel historique. Car, à l’étage supérieur, on change de siècle. Au milieu d’un open space lumineux, quelques marches conduisent à un espace aux allures d’arène : la corbeille. D’un côté, en gilet vert, les vendeurs. De l’autre, en gris, les acheteurs. En surplomb, un panneau luminescent où s’affichent sigles et chiffres : les dernières transactions, indiquant les prix du marché – avec une variation maximale autorisée de seulement 5 % par jour. Depuis 2008, l’ECX régule le prix de plusieurs produits éthiopiens. Le maïs et le blé d’abord, puis le café (2009), le sésame et les haricots blancs (2010) et enfin le haricot mungo (2014). Une extension qui devrait se poursuivre, prouvant la réussite du système auquel tous les acteurs ont adhéré, et notamment les petits producteurs, principaux bénéficiaires de cette organisation.
Lire aussi :
La bourse d’Addis Abeba trace son sillon
Le qat, botte secrète de l’Ethiopie
Eleni Gabre-Madhin veut répliquer le modèle de la bourse d’Addis-Abeba
Confiance
Un intense travail de sensibilisation sur le terrain a permis de gagner leur confiance. « Bien sûr, ils ne sont pas en contact direct avec nous. Mais il y a désormais 90 panneaux disposés dans tout le pays pour informer des prix, 33 coopératives et 19 sites de dépôt… Nous travaillons avec 2,7 millions d’agriculteurs », détaille Ermias Teshome, responsable des relations avec les membres et les clients. Les 65 entrepôts ont ainsi une capacité totale de 300 000 tonnes, et plus de 70 % de la production de café passerait par l’ECX.
Alors que de nombreuses expériences similaires ont échoué sur le continent (en Zambie, en Ouganda, au Nigeria, au Zimbabwe et au Kenya), l’ECX, fort d’un soutien gouvernemental sans faille, affiche des résultats en progrès constant depuis sa création. Lors de la dernière année fiscale éthiopienne (2013-2014), la somme totale des échanges a atteint 26,2 milliards de birrs (plus de 1 milliard d’euros), soit 38 % de plus que l’année précédente. Et les produits ont même pris de la valeur, puisque leur volume (586 164 tonnes) n’a augmenté, lui, que de 9 %. Car, à la Bourse d’Addis-Abeba, le système est bien rodé. Quand la cloche retentit, vendeurs et acheteurs concernés se rendent dans la corbeille pour un round de cinq à sept minutes. Les mois de décembre à février sont les plus actifs.
En ce jour d’avril, ils sont une quarantaine à chaque session, et se connaissent visiblement très bien. Les discussions s’engagent, de petits papiers sont échangés. Chaque produit fait ainsi l’objet, en fonction de sa provenance ou de sa qualité, de plusieurs séquences – 18 pour le seul café d’exportation par exemple. C’est une autre avancée permise par l’ECX : des laboratoires sont installés dans chaque lieu de livraison pour évaluer le stock et lui donner une note qui va déterminer son prix. Le coupon électronique est transmis au siège, où les 346 courtiers officiellement enregistrés (pour plus de 15 000 clients nationaux et internationaux) savent ainsi à quoi s’en tenir. « Intégrité, sécurité, efficacité », résume Anteneh Degefe.
Internet défaillant
Les transactions sont elles aussi sécurisées ; tout le monde est enregistré, avec un compte en banque contrôlé – les paiements ont lieu le lendemain matin de la transaction. « S’il y a un problème, c’est nous qui sommes responsables », précise Ermias Teshome. Tout est très encadré, des caméras de surveillance enregistrent les moindres faits et gestes des courtiers. « Je fais totalement confiance au système, je viens ici presque tous les jours depuis cinq ans, assure Katist Teberu, l’une des rares femmes de la Place. Je vends mon propre café et je sers aussi d’intermédiaire à d’autres producteurs. Avec tous les canaux de communication, les SMS, le répondeur interactif ou internet, on dispose de toutes les données nécessaires en temps réel. L’ECX nous a vraiment offert beaucoup d’opportunités. J’ai même pu accéder à des marchés internationaux. » Un seul bémol selon elle : les défaillances fréquentes du réseau internet, qui bloquent parfois les séances. « Mais ce problème est commun à tout le pays. Quand il sera réglé, on sera encore plus efficaces et réactifs. » Malgré ce handicap, Ermias Teshome annonce que la structure développera, à partir de juillet, un système de commerce électronique qui n’imposera plus d’être physiquement sur place pour participer aux opérations. Bientôt peut-être, la corbeille de la Bourse d’Addis-Abeba ne sera plus elle aussi qu’une photo sur un mur.
Ermias Eshetu veut accélérer
Nommé fin 2014 à la tête de la Bourse d’Addis-Abeba, Ermias Eshetu va-t-il changer l’ADN de la Bourse éthiopienne des matières premières (Ethiopia Commodity Exchange, ECX) ? Auparavant vice-président chargé du marketing et des services aux entreprises au sein de la banque Zemen, ce diplômé en calcul informatique et commerce international a été choisi d’abord pour régler les problèmes de traçabilité détectés dans certains entrepôts gérés par la Bourse. Il est apparu en effet que certaines marchandises pouvaient être artificiellement surcotées, les caractéristiques des produits livrés ne correspondant pas toujours aux informations données au marché.
La création d’une entreprise à capitaux publics et privés pour améliorer la gestion des stocks est actuellement sur les rails, a confirmé en avril le directeur général, selon une dépêche de l’agence Bloomberg. Cinq mois après son entrée en fonction, Ermias Eshetu semble décidé à passer à la vitesse supérieure. D’abord en élargissant le nombre de matières agricoles échangeables, en introduisant par exemple le sucre. Mais aussi en donnant la possibilité aux traders de souscrire à des produits financiers.
« Nous voulons être un marché pour tout type de produits, qu’il s’agisse de matières premières agricoles ou d’instruments financiers », a déclaré le directeur général de l’ECX. Des discussions seraient en cours avec les autorités pour faire radicalement évoluer le profil de la Bourse d’ici à trois à cinq ans.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Finance : Ecobank face à son avenir
Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan