Germaine Tillion l’Algérienne

Grande figure de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, puis défenseur de la population algérienne sous le joug colonial, l’ethnologue française est entrée au Panthéon le 27 mai.

Germaine Tillion à son domicile de Saint-Mandé, en 2000. © Manoocher Deghati/AFP

Germaine Tillion à son domicile de Saint-Mandé, en 2000. © Manoocher Deghati/AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 2 juin 2015 Lecture : 2 minutes.

"Je considérais les obligations de ma profession comparables à celles des avocats, avec la différence qu’elles contraignaient à défendre une population au lieu d’une personne." L’ethnologue Germaine Tillion n’a cessé d’ériger cette conception de son métier en règle de vie. Sept ans après sa mort, en 2008, plus que centenaire, c’est donc sans que quiconque émette la moindre objection que, sur la décision du président François Hollande, elle a rejoint le 27 mai au Panthéon – ce temple laïc des héros de la République, au coeur de Paris – quelque 70 grandes figures de l’histoire de France, comme Voltaire, Victor Hugo, Jean Moulin ou Marie Curie.

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Si cette "panthéonisation" se voulait une marque de reconnaissance envers des résistants de la Seconde Guerre mondiale (Jean Zay, Pierre Brossolette et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, déportée comme elle à Ravensbrück, ont eu droit le même jour au même honneur), il s’agissait dans le cas de Germaine Tillion de célébrer aussi celle qui prit la défense d’une population sous le joug colonial. Un souvenir encore très présent en Algérie : son ambassadeur en France a assisté à cette cérémonie, et les principaux journaux du pays ont multiplié les hommages.

Entretiens secrets. C’est dès les années 1930 que Germaine Tillion, menant des travaux ethnographiques dans les Aurès, découvre les conditions de vie des indigènes. Chargée au début de la guerre de libération, fin 1954, de mener une mission d’information pour le compte du ministre de l’Intérieur, un certain François Mitterrand, elle forge un concept qui fera date : la "clochardisation" des Algériens. Pour tenter d’y remédier, elle crée un réseau de centres sociaux, avec notamment l’instituteur et écrivain Mouloud Feraoun, qu’un commando de l’OAS assassinera en mars 1962 avec cinq autres responsables de ces centres.

Mais ce qui fera la gloire de Tillion, c’est cette tentative inouïe, en 1957, en pleine bataille d’Alger et sans l’accord de Paris, de "faire descendre le niveau de la violence". Elle mène des entretiens secrets avec Yacef Saadi, le responsable du FLN, lors desquels est envisagée la fin des attentats contre les civils "européens" en échange d’un arrêt des exécutions capitales de moudjahidine. Initiative qui l’amènera à négocier avec les plus hautes autorités françaises et, par la suite, à obtenir la grâce de nombreux condamnés à mort algériens, dont… Yacef Saadi.

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