Ramzi Boukhiam, un Marocain en quête de grand surf
Ce Marocain de 22 ans est l’un des très rares surfeurs africains à se signaler au niveau international. Son objectif, parvenir à se hisser parmi les meilleurs riders de la planète.
Sur le parvis du Centre Georges-Pompidou, à Paris, les vagues de passants se suivent dans un flot ininterrompu. Loin de sa côte basque, où il réside lorsqu’il n’est pas en compétition autour du monde, la silhouette athlétique de Ramzi Boukhiam ne passe pas inaperçue. Ce jeune surfeur international de 22 ans a une plastique de mannequin. Habitué à glisser sur les plus grosses vagues du globe comme à poser devant les objectifs, le jeune homme se montre pourtant d’une timidité qui l’éloigne du cliché collant au beau gosse des plages tatoué de sponsors.
Né d’un père marocain originaire de Guelmim (Sud), vendeur de cuisines à Agadir, et d’une mère néerlandaise travaillant dans le tourisme, Ramzi Boukhiam aime à se remémorer ses premières glisses sur les vagues d’Agadir : « J’ai commencé à 9 ans, deux ans après mon grand frère, au kilomètre 14, au Rocher du diable. C’est mon père qui nous emmenait là-bas pendant qu’il pêchait. À l’époque, le surf n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui dans le royaume chérifien. Nous avions de la chance d’avoir une planche. » Une chance qu’il a exploitée au maximum puisqu’il ne lui a pas fallu plus de six mois pour se jeter dans le bain de la compétition. En compagnie de son frère Samir, il partage alors des sessions avec Mamoun Bouhadhoud, devenu aujourd’hui ministre délégué au sein du gouvernement Benkirane. « Ça nous arrive de le croiser, et il a un bon niveau ».
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En 2005, la vie de la famille Boukhiam est bouleversée par le décès du père, qui contraint leur mère à déménager. Mais aux plats polders hollandais, celle-ci préfère les reliefs du Pays basque, où Ramzi va pouvoir se consacrer pleinement à son sport. « J’ai commencé la section sport-études, mais j’ai arrêté l’école à 16 ans. Je voulais me consacrer au surf », lâche-t-il timidement, comme s’il devait encore se convaincre que c’était le bon choix.
Ramzi Boukhiam – Indo sept.13 from Marvin Larrieu.
Fort d’un titre de vice-champion du monde ASP Pro Junior en 2013, remporté au contest Quicksilver Pro France (Landes), Boukhiam évolue encore dans le World Qualifying Series (WQS), l’équivalent de la deuxième division du football, où la compétition est rude. Dans cette arène, ils sont chaque année cent à se disputer les dix premières places. Celles qui leur permettront d’accéder à l’ASP World Tour (WCT), où s’affrontent les 32 meilleurs riders de la planète, parmi lesquels l’indéboulonnable Kelly Slater (43 ans, 11 titres de champion du monde). « Le « QS », c’est très dur, confie Boukhiam. Lorsqu’on arrive sur un spot, si les conditions ne sont pas bonnes, on ne décale pas le jour de la compétition, contrairement au WCT. On surfe donc souvent sur de petites vagues, sur des plans d’eau parfois ventés. Ça devient alors très technique, très agressif et pas très beau », explique-t-il. Son frère, présent lors de l’entretien, poursuit l’explication : « Il est meilleur que beaucoup de surfeurs du tour, mais ce qui lui manque, c’est un mental d’acier. » L’intéressé acquiesce. D’autant que l’année dernière, il l’a passée au sec, forcé de quitter la compétition après un accident de la route qui lui a valu des fractures du coude et de la cheville.
En attendant d’aborder le gros de la compétition 2015, qui se termine à Hawaï en décembre – « ma période préférée, là où tout se joue », dit-il -, Ramzi se prépare physiquement. « J’ai eu un coach, mais je préfère m’entraîner avec des amis, comme Marc Lacomare, avec qui je voyage beaucoup. Là, je reviens d’Australie, où j’ai fait des petites compétitions, mais j’ai pas trop gazé. Je vais devoir tout donner à la prochaine, en Californie. » Sa journée type ? « Le matin je me lève, j’observe le spot, je surfe et je me couche tôt. Je pars faire des trips en bateau, aussi. Le prochain sera aux Mentawai. On tournera quelques vidéos pour notre sponsor, Quicksilver. » Côté vie personnelle, il est assez discret : « Je fais parfois la fête, par exemple quand je viens voir mon frère ici. » Lequel poursuit : « Tu peux faire la fête et être bon le lendemain. Pour le long terme, c’est la préparation qui compte. Elle est aussi importante pour le mental. » Les frères Boukhiam sont une équipe. Tous les hivers, Ramzi Boukhiam retourne voir sa famille au Maroc. « Il y a de belles vagues, comme à Safi, et beaucoup de spots secrets. En dix ans, le business du surf s’est développé, il y a des touristes qui viennent toute l’année. »
Alors que les côtes marocaines offrent une exposition exceptionnelle aux grosses houles de l’Atlantique, comment expliquer qu’il soit le seul Africain du Nord à ce niveau ? « Il y a de très bons surfeurs, mais les visas pour l’étranger sont difficiles à obtenir. Pour progresser, c’est important de voyager… » Lui, passeport néerlandais en poche, repart maintenant vers l’aéroport. Déterminé à sortir debout du creux de la vague.
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