Corruption à la Fifa : pourquoi Sepp Blatter a démissionné
Sepp Blatter a surpris son monde mardi en annonçant sa démission de la Fifa. Acculé par les enquêtes pour corruption visant ses proches collaborateurs, notamment le secrétaire général de l’organisation, Jérôme Valcke, le Suisse a préféré jeter l’éponge. Il n’est pourtant peut-être pas au bout de ses peines.
La tempête a fini par avoir raison de Joseph Blatter, 79 ans, en poste depuis 1998 et entré à la Fifa en 1975 comme directeur des programmes de développement. Le patron de la Fifa a annoncé mardi 2 juin qu’il renonçait à la présidence de l’instance, qui devrait donc élire un nouveau patron lors d’un congrès extraordinaire, entre décembre 2015 et mars 2016. Sepp Blatter avait pourtant été réélu pour un cinquième mandat vendredi dernier, au coeur de la tourmente.
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"Bien que les membres de la Fifa m’aient conféré ce mandat, ce mandat n’a pas le soutien de l’intégralité du monde du football, j’entends par-là des supporters, des joueurs, des clubs et de tous ceux qui vivent, respirent et aiment le football autant que nous tous à la Fifa. C’est pourquoi je remettrai mon mandat à disposition lors d’un Congrès électif extraordinaire", a déclaré Sepp Blatter en français lors d’une courte conférence de presse.
Des réactions très positives
Le départ annoncé de celui que l’on pensait insubmersible a par ailleurs provoqué nombre de réactions, très largement positives. "C’est une excellente nouvelle" et "une belle après-midi", a ainsi jugé le président de la fédération anglaise (FA) Greg Dyke. "Bonne nouvelle" aussi pour le Néerlandais Michael Van Praag, un temps candidat pour le scrutin de vendredi dernier, alors que le "roi" Pelé a demandé aux "honnêtes gens" de nettoyer le football mondial.
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Très rapidement, Michel Platini, président de l’UEFA et ennemi déclaré de Blatter, a lui aussi fait part de sa satisfaction. "C’était une décision difficile, une décision courageuse, et la bonne décision", a dit le Français, dont le nom va inévitablement resurgir comme possible futur président. De son côté, le Portugais Luis Figo, lui aussi un temps prétendant à la succession de Blatter, a salué "un bon jour pour la Fifa et le football. Le changement arrive enfin". Le prince jordanien Ali Bin Hussein a quant à lui fait savoir qu’il était "prêt à prendre la tête de la Fifa à tout moment, si on lui demande".
Plusieurs sponsors de la Fifa, dont Coca-Cola, Adidas, Visa et McDonald’s, ont également salué "un pas dans la bonne direction" pour restaurer une confiance
ébranlée, tandis que le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach a quant à lui dit "respecter" la décision de Sepp Blatter et se félicite des "réformes nécessaires" que le Suisse dit vouloir lancer d’ici à son départ.
Des pressions insoutenables
En annonçant sa démission mardi, Sepp Blatter s’est déclaré "libre des contraintes qu’impose inévitablement une élection" et "en mesure de se concentrer sur la mise en œuvre des ambitieuses et profondes réformes qui transcenderont nos premiers efforts en la matière". Toutefois, sous ces belles paroles, le Suisse a bel et bien choisi de quitter le navire, au moment où la tempête était à son niveau le plus critique.
Car il s’agit bien-sûr d’un choix contraint et forcé. Sous les pressions morales de plus en plus fortes, comme celle de Michel Platini, qui réclamait sa démission, ou encore de la fédération anglaise, qui menaçait de proposer la tenue d’une Coupe du monde alternative à la Fifa. Mais aussi sous la menace judiciaire elle-même, le second et bras droit de Blatter, le secrétaire général français Jérôme Valcke, étant visé par le FBI américain qui le suspecte d’avoir organisé le virement de 10 millions de dollars au coeur du scandale de corruption qui affecte la Fifa.
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La démission du Suisse est en effet intervenu quelques heures à peine après de nouvelles accusations du New York Times visant le Valcke. Le quotidien américain relaie des sources judiciaires qui l’accusent d’être le responsable d’un virement de 10 millions de dollars de la fédaration sud-africaine sur des comptes gérés par l’ancien vice-président de l’organisation Jack Warner, mis en cause par la justice américaine dans le scandale de corruption.
La Fifa a bien tenté de dégonfler ces accusations en affirmant que Valcke n’était en rien en cause dans ce virement et qu’il ne s’agissait que d’un projet d’aide à la diaspora africaine dans les Caraïbes, au nom de l’Afrique du Sud. Mais rien n’y a fait. Alors que neuf élus de la Fifa et cinq de ses partenaires ont été inculpés pour des faits de corruption par la justice américaine, que les locaux de l’instance ont été perquisitionnés dans le cadre d’une procédure suisse pour soupçon "de blanchiment et gestion déloyale" entourant les attributions des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar, cette nouvelle secousse a eu raison de celui qu’on considérait comme inébranlable.
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Blatter dans le collimateur du FBI
Si l’ère Blatter est donc sur le point de se finir, les procédures pénales en cours, elles, continuent. Dans un communiqué, les autorités suisses ont en effet indiqué que la démission du Suisse n’avait "pas d’incidence" sur l’enquête en cours. Les investigations vont donc se poursuivre sur les conditions d’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022, ainsi que sur les faits de corruption avancées par la justice américaine, notamment contre Jérôme Valcke.
Surtout, Sepp Blatter lui-même pourrait être visé, alors qu’il assure vouloir exercer ses fonctions jusque, au minimum, en décembre 2015. Le New York Times a en effet affirmé mardi que le président démissionnaire "a tenté depuis des jours de prendre ses distances vis-à-vis du scandale", mais que les autorités américaines "espèrent obtenir la coopération de certains des responsables de la Fifa inculpés" pour corruption afin de resserrer l’étau autour de lui.
La télévision américaine ABC News a quant à elle précisé qu’il était dans le collimateur du FBI et de procureurs américains pour les faits de corruption et de pots-de-vin qui ont mené aux arrestations de mercredi dernier. Selon l’acte d’accusation de la justice américaine concernant le fameux virement de 10 millions d’euros fait par l’Afrique du Sud, ce dernier servait à masquer la corruption permettant à Pretoria d’obtenir le Mondial 2010. Mais, selon Libération, le plus important est que le Français Jérôme Valcke n’y est pas mis en cause nommément. Et qu’au-delà du secrétaire général, les enquêteurs ont sans doute un plus gros poisson en tête.
(Avec AFP)
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