Burundi : ces femmes au coeur de la contestation anti-Nkurunziza

Dans la campagne anti-Nkurunziza lancée au Burundi fin d’avril, des femmes aussi se mobilisent contre le troisième mandat du président sortant. Elles sont journalistes, poètes, juristes… Portraits.

Les manifestations de l’opposition burundaise ont toutes été pacifiques. © DR

Les manifestations de l’opposition burundaise ont toutes été pacifiques. © DR

Publié le 1 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Natacha Songore est journaliste indépendante et productrice de films documentaires. Elle a dû s’exiler dans un lieu tenu secret depuis plus d’une semaine et demie après qu’on lui a annoncé que sa photo ainsi que celles d’autres femmes burundaises étaient fichées par les services de renseignement et de la police. Son tort ? Avoir lancé avec d’autres le Mouvement des femmes et filles du Burundi pour le respect de la Constitution et de l’Accord de paix d’Arusha, l’association qui a initié les 10 et 13 mai les principales marches de femmes ayant rassemblé plus de 200 personnes dans la capitale Bujumbura et aux abords de la place de l’Indépendance.

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Natacha Songore. © DR

"En annonçant publiquement nos intentions, nous étions conscientes de nous exposer. Mais je trouve tout de même aberrant qu’on ait pu nous assimiler à des putschistes", explique Natacha Songore. Pour elle, aucun compromis n’est possible tant que le président n’aura renoncé publiquement à sa candidature. "Nos revendications sont claires : un retrait de la candidature du président Nkurunziza, la réouverture des médias privés ainsi que leurs dédommagements pour toutes les destructions subies", martèle la militante, déterminée à poursuivre sa lutte, même à distance.

 

Pendant une manifestation de femmes à Bujumbura, en mai 2015. © DR

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Menaces de mort

Membre fondatrice du même mouvement, Pamela Karekaze a dû elle aussi s’enfuir du Burundi après avoir reçu de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux. Accusée par ses détracteurs d’être parmi les personnes qui ont orchestré le coup d’État manqué contre Pierre Nkurunziza, elle est recherchée au Burundi. Des partisans du président burundais lui promettaient de s’en prendre à elle et à sa fille… à peine âgée de quelques mois. Avant le déclenchement de la campagne contre le troisième mandat du président Nkurunziza, Pamela Karekaze était la responsable de Meetwe, le premier centre culturel burundais, qu’elle a créé en juin 2014. "Avant les manifestations, je me considérais comme une activiste culturelle. Mais comme ils m’ont accusée d’avoir organisé le coup d’État, je suis plus que jamais déterminée à me battre contre ce régime”, affirme-t-elle.

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Pamela Karekaze. © DR

Ketty Nivyabandi est quant à elle poétesse. Elle vivait à Bujumbura comme Pamela Karekaze et Natacha Songore, et elle a également été contrainte de quitter le Burundi. Engagée sur la scène littéraire burundaise et membre du même mouvement citoyen de femmes, elle rappelle qu’en tant artiste, il est de son devoir de militer pour ne pas être prise en otage par quelque parti politique que ce soit. "Il est impossible de rester silencieuse face à ce qui se passe actuellement au Burundi. Nous sommes une génération d’Africains qui n’a pas connu la lutte pour l’indépendance. Et nous étions trop jeunes au moment des luttes pour le multipartisme. C’est désormais à nous aujourd’hui de lutter pour la liberté dans nos pays”, explique Ketti Nivyabandi. “Je me sens responsable. Plus tard, je ne veux pas regarder mes enfants et leur dire que je n’ai rien pu faire par rapport à ce qui s’est passé dans cette période de notre histoire", ajoute-t-elle, fière de participer à cette “première lutte importante”.

La poètesse Ketty Nivyabandi pendant une manifestation du mois de mai 2015, à Bujumbura. © DR

Listes noires

Sur le terrain, à Bujumbura, Bernardine Sindakira continue elle aussi de se battre. Elle est déléguée générale de la Synergie des partenaires des droits de la femme (SPPDF). Depuis le début des manifestations, elle milite aux côtés du mouvement des femmes et des filles du Burundi pour le respect de la Constitution et l’accord de paix d’Arusha. Même si militer est devenu périlleux au Burundi, elle ne compte pas quitter le pays. "Je suis restée à Bujumbura parce que ce n’est pas dans ma nature de fuir. Je suis consciente des ennuis que je peux avoir, mais je préfère rester au combat. Je n’ai pas encore eu de menaces directes mais j’ai appris l’existence d’une liste de personnes devant être tuées, ou emprisonnées", confie-t-elle. Et d’ajouter : "Cela ne m’empêche pas de continuer le combat".

Bernardine Sindakira, déléguée générale de la SPPDF. © DR

Un combat qui se joue avant tout dans les rues et les quartiers de Bujumbura comme Cibitoke. Ces femmes manifestent certes aux côtés des hommes, mais elles assurent aussi l’aspect logistique dans les lieux de rassemblement, selon Bernardine Sindakira. Elles apportent à manger aux manifestants, administrent les premiers soins médicaux à ceux qui sont victimes des balles ou des bastonnades de la police. Leur dernière marche, prévue le dimanche 31 mai, a été reportée en raison du sommet de Dar es-Salaam, qui n’a finalement abouti qu’à l’annonce d’un éventuel report des prochaines élections.

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