Burundi : pourquoi le sommet de Dar es-Salaam ne règle rien
Dimanche, les yeux des Burundais étaient une nouvelle fois tournés vers Dar es-Salaam, en Tanzanie, où les chefs d’État d’Afrique de l’Est se réunissaient pour trouver une solution à la crise au Burundi. Mais les résultats de la rencontre n’ont fait que renforcer la déception des opposants à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza.
Les pays d’Afrique de l’Est ont certes demandé dimanche un report des élections d’au moins un mois et demi au Burundi, une proposition à laquelle Bujumbura s’est dite ouverte, mais celle-ci a été jugée insuffisante par l’opposition.
Les présidents ougandais, tanzanien, kényan et sud-africain, ainsi que la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini Zuma, ont encore exigé dans leur déclaration finale de "toutes les parties burundaises qu’elles mettent fin aux violences" et ont appelé "au désarmement urgent de tous les mouvements de jeunesse armés" et "encouragé le gouvernement à créer toutes les conditions nécessaires pour le retour des réfugiés (burundais) dans leur pays".
Un texte a minima qui est loin d’apaiser les inquiétudes de l’opposition, qui s’est dite déçue de ce nouveau sommet pour plusieurs raisons.
La candidature de Pierre Nkurunziza n’a pas été évoquée
Les chefs d’État de la région se sont en effet abstenus d’évoquer la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, pourtant principal point de litige entre, d’un côté, la société civile et l’opposition et, de l’autre, le pouvoir burundais actuel.
Si l’opposition ne faiblit pas contre cette candidature dans les rues de Bujumbura, les chefs d’État est-africains se sont contentés d’appeler "à un long report des élections", censées se dérouler ce vendredi, de "pas moins d’un mois et demi", ont-ils précisé. Selon le calendrier officiel, des législatives et des communales sont prévues le 5 juin, suivies de la présidentielle le 26 juin, et de sénatoriales le 17 juillet.
Quelques heures après cette déclaration, le gouvernement burundais "a accueilli positivement la proposition des chefs de l’État" sur le report des élections. Le porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba, a surtout estimé que les chefs d’État n’avaient "pas discuté" de la question du troisième mandat "car elle relève de la souveraineté de chaque État". Il a par conséquent jugé "cette question vidée".
À Bujumbura, les opposants se disaient en revanche "déçus parce que le sommet n’a rien dit sur la question qui nous préoccupe". "Nous ne sommes pas descendus dans la rue pour obtenir le report d’un mois et demi des élections", a ainsi déclaré Pacifique Nininahazwe, promettant qu’ils allaient "encore manifester plus fort que nous l’avons fait jusqu’ici pour que Nkurunziza parte".
Nkurunziza était absent, tout comme Kagamé
Le sommet s’est en outre déroulé en l’absence du principal intéressé, officiellement resté au Burundi pour y "faire campagne", mais surtout victime d’une tentative de coup d’État le 13 mai dernier alors qu’il participait, déjà à Dar es-Salam, à un premier sommet sur la crise burundaise. La non-participation du président burundais a suscité une pluie de commentaires indignés de la part des opposants, qui relèvent dans cette attitude du mépris à leur égard et de l’indifférence vis à vis de la situation au Burundi.
Le président rwandais Paul Kagamé, pourtant incontournable, et qui ne cache plus désormais son mécontentement croissant envers son homologue Nkurunziza, était également absent de cette rencontre.
La crainte d’une explosion de la violence
En un mois de manifestations hostiles à Pierre Nkurunziza, les violences ont fait plus d’une trentaine de morts, souvent victimes des tirs de la police, tandis que le camp présidentiel campe toujours sur sa position. Une situation si tendue que la diplomatie internationale n’a pas souhaité aller au bras-de-fer avec le pouvoir de vrainte d’une radicalisation de celui-ci, qui semble de toute façon en cours à Bujumbura.
Selon un diplomate ayant participé aux discussions de Dar es-Salaam dimanche, la querstion de l’opposition à un troisième mandat de l’actuel président a été écartée car "risquant de faire imploser le pays", raison pour laquelle les chefs d’État se sont contentés de demander un report, au plus tôt à la mi-juillet, des élections générales.
Aucune garantie sur la bonne tenue des élections
Au-delà du calendrier, d’ores et déjà plus qu’hypothétique, c’est la bonne marche de ces scrutins qui inquiètent. L’Église catholique et l’Union européenne ont en effet annoncé la semaine dernière leur retrait du processus et l’opposition, qui n’a même pas pu faire campagne, n’avait aucune intention d’y participer.
Vendredi, on apprenait également la fuite à l’étranger de la vice-présidente de la Commission électorale et la défection d’une autre commissaire sur les cinq que compte l’institution, ce qui de facto l’empêche de siéger.
Selon un diplomate présent à Dar es-Salaam, les pays d’Afrique de l’Est ont sans doute cherché à obtenir du pouvoir burundais un minimum de garanties dans la préparation des élections, "de laisser les partis politiques et les médias travailler et s’exprimer librement". Un espoir assez mince alors que des mandats d’arrêt pèsent toujours contre des opposants et que les médias indépendants ne peuvent toujours pas exercer librement.
(Avec AFP)
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