Côte d’Ivoire : quand assureurs et banquiers font cause commune

Les accords entre institutions financières explosent en Côte d’Ivoire. Une exception en Afrique subsaharienne francophone, où la bancassurance, phénomène très lucratif, tarde à se développer.

En rachetant BIAO-Côte d’Ivoire en 2006, NSIA a fait figure de précurseur. © Vincent Fournier/JA

En rachetant BIAO-Côte d’Ivoire en 2006, NSIA a fait figure de précurseur. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 24 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Lancé un peu partout dans le monde depuis plusieurs décennies et déjà bien développé dans certains pays du continent comme le Maroc ou le Nigeria, le concept de bancassurance gagne peu à peu l’Afrique subsaharienne francophone. Plusieurs pays présentent un potentiel jugé « intéressant » par les professionnels, comme le Sénégal, le Cameroun, le Bénin ou encore le Gabon, mais c’est en Côte d’Ivoire que ce segment connaît depuis cinq ans la progression la plus importante.

« S’appuyant sur une économie forte au sein de laquelle existe une certaine culture de l’assurance, le pays est aujourd’hui en avance dans la région, et beaucoup de monde regarde ce qui s’y passe », confirme Mohamed Bah, directeur général d’UA-Vie à Abidjan. Présent de manière marginale dans l’activité bancassurance depuis 1993 avant de rationaliser son offre en 2005, « à un moment où les banques se redéployaient dans le pays », l’assureur estime aujourd’hui être le leader dans ce domaine dans la zone de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima, qui couvre quatorze pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale). En 2011, les réseaux bancaires partenaires lui auraient apporté 13 millions d’euros de revenus, soit un bon tiers de son chiffre d’affaires en Côte d’Ivoire. « Si au début, la bancassurance se résumait sur nos marchés à la distribution de produits d’assurance via les guichets bancaires, nous assistons ces dernières années à la mise en place de véritables partenariats entre banquiers et assureurs, le plus souvent à l’initiative des seconds », observe Mohamed Bah, dont la société, filiale du groupe Sunu, a passé toute une série d’accords avec la Société ivoirienne de banque (SIB), puis avec Ecobank et la Banque atlantique.

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Bancassurance : n.f. Collaboration entre les banques et les compagnies d’assurances pour permettre aux premières de distribuer et commercialiser les produits des secondes.

Qualifié aujourd’hui de mature, le marché ivoirien de la bancassurance – sur lequel aucune statistique n’existe, tout comme au niveau de la Cima – intéresse de nombreux groupes financiers, « désireux d’apporter l’offre la plus complète possible à leurs clients », explique Christian Hapi. Directeur technique et commercial du groupe NSIA Participations Holding, il est à ce titre chargé du développement des filiales banque et assurance d’un acteur qui a fait ces dernières années de la bancassurance « l’un de ses principaux axes de croissance ». C’est dans cette logique que l’assureur a franchi un cap en rachetant en 2006 la Banque internationale pour l’Afrique de l’Ouest-Côte d’Ivoire (BIAO-Côte d’Ivoire), devenant la première compagnie d’assurance sous-régionale à pouvoir s’appuyer sur un réseau bancaire intégré. « Nous poursuivons la mise en place des synergies entre les différents métiers, avec l’ambition d’être un acteur majeur de la bancassurance sur le continent dans les cinq ans. Notre principe de base est d’adjoindre une couverture d’assurance à tout financement octroyé par la banque », reprend Christian Hapi.

Guichet unique

Le groupe inaugurait ainsi les passerelles commerciales entre les mondes de la banque et de l’assurance, qui se sont vite multipliées en Côte d’Ivoire. NSIA est également partenaire d’Ecobank et de la SIB, qui a signé par ailleurs avec Allianz. De leur côté, Stamvie (groupe Atlantique) et Banque atlantique Côte d’Ivoire (Baci) proposent depuis 2010 à leurs clients un guichet unique, alors que la compagnie Somavie s’est entendue en avril avec la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI). « Les exemples de réussite venus d’Europe et d’Afrique du Nord ont convaincu les principaux acteurs des marchés subsahariens que l’alliance des deux activités pouvait être fructueuse pour tous », estime Christian Hapi.

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Le marché marocain inspire d’ailleurs les banquiers comme les assureurs ouest-africains. « Au Maroc, les compagnies d’assurances s’appuient depuis longtemps sur les réseaux bancaires, devenus aujourd’hui les premiers assureurs du royaume », constate Daouda Coulibaly, directeur général de la SIB. Rachetée en 2009 par le groupe marocain Attijariwafa Bank, la banque profitera d’ailleurs très bientôt de ses nouveaux liens avec l’ivoirien Solidarité africaine d’assurances (Safa), dont Wafa Assurance, premier assureur du royaume et autre filiale d’Attijariwafa Bank, vient de prendre le contrôle. Tout le monde n’a pas encore franchi le pas à Abidjan, « mais tous ceux qui ont des fonds suffisants viendront sur ce marché qui présente des marges très importantes », assure Mohamed Bah.

Innovation

À l’heure où le secteur financier « cherche de nouveaux relais de croissance », souligne Daouda Coulibaly, la bancassurance apparaît comme une formule avantageuse pour tous. Pendant que les clients « profitent d’offres attractives autour de produits packagés », selon Mohamed Bah, « les assureurs optimisent leurs coûts sans avoir à créer un réseau spécifique, et les banques y voient un moyen d’améliorer leurs résultats tout en fidélisant leur clientèle, voire d’en conquérir une nouvelle », avance Georges Komivi Kavege. Pour le directeur assurances du groupe Ecobank Transnational Incorporated, « les différents acteurs financiers vont devoir faire preuve d’innovation pour offrir des produits adaptés aux besoins et aux moyens des personnes ». L’objectif, comme le rappelle Christian Hapi, reste pour les acteurs de la bancassurance de « doper la bancarisation de la population », toujours inférieure à 10 %, et de « vulgariser les produits d’assurance », dont le taux de pénétration ne dépasse pas les 5 % en Côte d’Ivoire. 

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