Indépendance du Mali : que reste-t-il de Modibo Keïta, cent ans après sa naissance ?

Modibo Keïta, premier président de la République du Mali, aurait été centenaire le 4 juin 2015. Retour sur la vie de ce leader panafricain qui a marqué l’histoire de son pays et du continent.

Modibo Keïta aux Nations Unies, à New-York, le 15 septembre 1961. © ONU/Archives Jeune Afrique

Modibo Keïta aux Nations Unies, à New-York, le 15 septembre 1961. © ONU/Archives Jeune Afrique

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Publié le 29 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Curieuse ironie de l’histoire. À l’heure où le Mali tente péniblement de sceller un accord de paix avec les groupes rebelles du Nord, le pays se prépare à fêter le centenaire de la naissance de l’homme qui lui a fait gagner son indépendance et son unité : Modibo Keïta.

Né le 4 juin 1915 à Bamako, alors capitale du Soudan français, le premier président de la République du Mali s’est toujours battu contre la colonisation. Ce Malinké musulman, enseignant de formation, bascule en politique au tournant de la Seconde guerre mondiale. En octobre 1946, il participe, aux côtés de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, à la création du Rassemblement démocratique africain (RDA), un parti fédératif panafricain qui lutte pour l’évolution des droits des populations d’Afrique francophone. Modibo Keïta est désigné secrétaire général de la section soudanaise, l’Union soudanaise-RDA (US-RDA). Dix ans plus tard, en 1956, après différents mandats locaux, il est élu député à l’Assemblée nationale française et en devient le premier vice-président africain.

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Un panafricaniste de la première heure

Commence alors la lente marche vers l’indépendance du Mali. En janvier 1959 est créée la Fédération du Mali, qui regroupe le Sénégal et le Soudan français. Le Sénégalais Léopold Sédar Senghor en est désigné président et Modibo Keïta chef du gouvernement et président de l’Assemblée fédérale. Officiellement indépendante le 20 juin 1960, la Fédération, tiraillée par les tensions entre Sénégalais et Soudanais, tient à peine trois mois et éclate dans la nuit du 19 au 20 août 1960. Le Sénégal proclame unilatéralement son indépendance, l’état d’urgence est décrété, et les dirigeants soudanais, Modibo Keïta en tête, sont expulsés de Dakar.

Moins d’un mois plus tard, le 22 septembre 1960, lors d’un congrès extraordinaire de l’US-RDA à Bamako, le charismatique leader malien proclame à son tour l’indépendance de son pays et l’adoption d’un État socialiste. La République du Mali est née. Son premier président est Modibo Keïta. "Ce fut un moment très poignant, se rappelle Amadou Seydou Traoré, un de ses vieux compagnons de route. Pour un pays pauvre et enclavé, prendre une telle décision était un acte courageux, qui a donné lieu à des scènes d’enthousiasme extraordinaires."

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Fervent partisan du panafricanisme (il fut un des pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, en 1963), militant tiers-mondiste, et défenseur des mouvements nationalistes, Modibo Keïta est aussi considéré comme une figure marquante de l’Histoire contemporaine du continent. Ce géant de près de deux mètres au physique imposant, dont le Général de Gaulle disait qu’il était le seul chef d’État devant lequel il n’était pas "obligé de baisser la tête pour lui parler", s’est rapidement montré tranchant avec l’ancienne puissance coloniale française, créant notamment, dès 1962, le Franc malien.  

Le premier président malien confronté à une rébellion touarègue

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Peu après son arrivée au pouvoir, Modibo Keïta est confronté à la première rébellion touarègue du Mali indépendant. En 1963, un incident entre des "hommes bleus" et des soldats maliens dégénère et débouche sur un conflit armé. Les Touaregs sont durement réprimés jusqu’en 1964. Défendant la gestion de cette crise par Bamako, Amadou Seydou Traoré affirme que Modibo Keïta a beaucoup œuvré pour le Nord du pays, "en y faisant construire des écoles, des dispensaires, ou encore des centres de ravitaillement, alors que les Français n’y avaient jamais fait".

Au niveau national, la socialisation de l’économie entraine progressivement des difficultés d’approvisionnement et une inflation des prix. La grogne sociale monte. Modibo Keïta, réputé comme un homme à poigne, aux penchants parfois autoritaristes, n’hésite pas à faire emprisonner ses opposants et à mettre en place un Comité national de défense de la révolution (CNDR), chargé de faire régner l’ordre et de lutter contre les "ennemis" du régime. Le 19 novembre 1968, profitant du mécontentement populaire, le lieutenant Moussa Traoré renverse Modibo Keïta et prend le pouvoir. Modibo Keïta est arrêté et envoyé en prison à Kidal. Le 16 mai 1977, alors âgé de 61 ans, il meurt en détention à Bamako dans des circonstances non-élucidées. Le "père" de l’indépendance malienne est finalement réhabilité en 1992, après la chute de Moussa Traoré, par le président Alpha Oumar Konaré. 

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