Flé Doumbia : « C’est le commerce qui assurera le développement économique de l’Afrique »

L’économiste et mathématicien ivoirien Flé Doumbia est l’auteur de « L’Union européenne et l’Afrique (le G80) – La photographie du commerce, exportateurs & importateurs, les locomotives ». Il a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Flé Doumbia. DR

Flé Doumbia. DR

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Publié le 5 juin 2015 Lecture : 4 minutes.

La deuxième édition de l’étude* sur les échanges commerciaux réalisés entre les pays membres de l’Union européenne et l’Afrique vient d’être publiée. Sur près de 300 pages, ce document très fouillé, disponible en français et en anglais, compile les statistiques 2013 du commerce extérieur des principaux pays des deux continents, ainsi que des six grands ensembles économiques sous-régionaux (UMA, CEDEAO, COMESA, SADC, CEMAC, UEMOA).

Pour réaliser son étude, l’économiste et mathématicien ivoirien Flé Doumbia, s’est en effet concentré sur les « locomotives du commerce afro-européen », selon la formule utilisée par l’auteur. C’est-à-dire les 31 pays – vingt pour l’Afrique et onze pour l’UE – dont les échanges ont représenté plus d’un milliard de dollars sur l’année, soit 92 % en valeur des exportations africaines et 96 % des exportations européennes, selon ses estimations.

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Véritable somme, cette nouvelle édition s’est intéressée à 120 familles ou groupes de produits, contre à peine une trentaine dans le document précédent publié en 2012, « afin de coller au plus près de la réalité », assure Flé Doumbia, lors de sa visite dans les locaux de Jeune Afrique début juin. Soutenu à bout de bras par Michel Rocard et préfacé par Joe Costello, ancien ministre irlandais du Commerce et du Développement, l’ouvrage se veut donc être une photographie la plus précise possible des échanges réalisés entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. « Un outil au service des investisseurs qui souhaitent s’implanter sur le marché africain », précise l’auteur, qui ambitionne de proposer à partir de l’an prochain un suivi annuel des échanges UE-Afrique.

Excédent

Le document est beaucoup trop dense pour pouvoir être résumé en quelques lignes, mais il souligne la grande tendance constatée ces dernières années : dans la foulée de la croissance économique de l’Afrique, les échanges du continent avec son principal partenaire commercial ne cessent d’augmenter. En 2013, le volume d’échanges parmi les pays étudiés s’est élevé à 359 milliards de dollars, constitué pour 58 % d’exportations africaines vers l’UE. Bonne nouvelle pour le continent, il se solde par un excédent substantiel de près de 58 milliards de dollars en sa faveur. En termes de zones géographiques, l’Afrique du Nord reste le premier partenaire continental de l’UE, avec une part de marché de 48 %, devant la SADC (deuxième client de l’UE) et la CEDEAO (deuxième fournisseur de l’UE), avec 22 % chacun.

Les principaux fournisseurs africains restent les producteurs d’hydrocarbures, Algérie et Nigeria en tête pendant que la France reste le premier partenaire, devant l’Allemagne. Cette cartographie promet d’être bouleversée à mesure que les Accords de partenariats économiques (APE) vont entrer en vigueur. Une évolution que ne manquera pas de constater Flé Doumbia dans la prochaine édition de son étude, attendue pour 2016.

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Jeune Afrique : Pourquoi s’intéresser en particulier aux échanges commerciaux entre les deux continents ?

Flé Doumbia : Parce que c’est par le commerce que l’Afrique assurera son développement, l’aide publique au développement (APD) ayant depuis longtemps montré ses limites. La Chine s’est développée ainsi, en vendant ce qu’elle produisait. Et c’est là que se trouve la deuxième source de développement du continent : dans la transformation locale. L’Afrique peut là encore s’appuyer sur l’Europe, sous forme d’un partenariat industriel. Les pays africains pourraient par exemple jouer sur leur coût du travail pour attirer les investissements industriels européens. Tout le monde sera gagnant, à commencer par les membres de l’UE qui pourront écouler leurs produits auprès de la classe moyenne africaine.

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Dans ce contexte, estimez-vous que les APE signés en 2014 sont une opportunité à saisir pour l’Afrique ?

Tout à fait. Le processus est engagé et le continent doit essayer d’en tirer le meilleur pour annuler le déséquilibre existant entre une Afrique qui exporte ses matières premières et une Europe qui lui fournit une grande partie de ses produits manufacturés. Les APE peuvent notamment permettre à l’Afrique de diversifier ses clients au sein de l’UE, car le continent n’a toujours pas tiré profit de l’élargissement européen. 95 % des exportations sont toujours destinées à l’Europe des 15. Les potentialités sont donc énormes.

Tout comme dans le commerce intra-africain dont vous rappeler la faiblesse des flux ?

Les pays africains fournissent l’Europe, ils devraient donc pouvoir le faire pour l’Afrique également. Le Maroc est un très bon exemple. La crise européenne a provoqué une relocalisation des investissements privés marocains vers l’Afrique subsaharienne, pour le plus grand bénéfice des sociétés du royaume. Mais l’UE reste le premier partenaire économique de l’Afrique et elle devrait profiter de ses excédents commerciaux avec les « locomotives » européennes pour financer son développement. La partie sera gagnée lorsque nous aurons 54 locomotives d’un côté et 28 de l’autre.

* »L’Union européenne et l’Afrique (le G80) – La photographie du commerce, exportateurs & importateurs, les locomotives » de Flé Doumbia – Edition de décembre 2014- Editions Sides (www.editionsides.fr)- 297 pages, 120 EUR TTC. En vente en librairie

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