Exclusif – Présidence de la BAD : qui a voté pour qui ?

Lâchage du candidat tunisien par Alger et Tripoli ou du Tchadien par Paris, soutien majoritaire des internationaux à la Cap-Verdienne Cristina Duarte et des Africains au Zimbabwéen Thomas Sakala. « Jeune Afrique » décrypte les résultats de l’élection du nouveau président de la Banque africaine de développement.

Les huit candidats à la présidence de la Banque africaine de développement, ici 24 heures avant le vote. © AFDB_Group/Twitter

Les huit candidats à la présidence de la Banque africaine de développement, ici 24 heures avant le vote. © AFDB_Group/Twitter

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Publié le 5 juin 2015 Lecture : 4 minutes.

Le 28 mai dernier, après six tours, les gouverneurs de la Banque africaine de développement (représentant 54 pays africains et 26 pays internationaux, tous actionnaires) ont élu à la tête de l’institution panafricaine le Nigérian Akinwumi Adesina. Les résultats des votes tour après tour ne sont pas publics mais Jeune Afrique est parvenu à les obtenir. De quoi décrypter les choix et préférences qui ont débouché sur l’élection du successeur de Donald Kaberuka.

>>>> Pour en savoir plus sur les règles régissant l’élection du président de la BAD.

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Akinwumi Adesina

Au premier tour, Akinwumi Adesina n’a été ni le candidat préféré des Africains (ce fut Thomas Sakala, lire ci-dessous) ni celui des actionnaires internationaux (Cristina Duarte). Mais le ministre nigérian de l’Agriculture sortant a bénéficié dès le départ d’un soutien important de la part des deux catégories d’actionnaires de la BAD, récoltant 21,2 % des voix africaines (principalement grâce aux votes du Nigeria, de l’Ouganda et du Ghana) et 33 % des votes des internationaux.

Résultat : il a mené la course de bout en bout. Rapidement, les actionnaires internationaux ont marqué leur préférence pour lui : au troisième tour, Akinwumi Adesina bénéficiait de 46 % des votes internationaux et de 32 % des voix africaines. L’élimination au cinquième tour du candidat zimbabwéen fera définitivement basculer l’élection : l’intégralité des pays de la SADC (communauté de développement d’Afrique australe), soutiens de Thomas Sakala, ont en effet voté pour Adesina au dernier tour, lui permettant d’atteindre les 60 % des voix africaines.

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Bedoumra Kordjé

Quatrième au premier tour, le candidat Bedoumra Kordjé a fini deuxième au sixième et dernier tour, derrière le vainqueur nigérian. Au premier tour, le ministre des Finances du Tchad a comme prévu bénéficié du soutien des pays de la Cemac (Gabon, Cameroun, Congo, Guinée équatoriale, Tchad et Centrafrique), représentant environ 3 % du total des voix et 5 % des votes africains. Mais c’est à deux poids-lourds de la BAD, l’Algérie et la Libye, que Bedoumra Kordjé doit le fait d’être parvenu à obtenir dès le premier tour 11,06 % (et environ 18,5 % des voix) des votes. Alger est en effet le quatrième actionnaire africain et Tripoli le sixième.

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C’est à l’Algérie et la Libye, que Bedoumra Kordjé doit le fait d’être parvenu à obtenir dès le premier tour 11,06 % des votes

En revanche, le candidat tchadien n’a bénéficié d’aucun suffrage d’un actionnaire international avant le quatrième tour. Persuadé du soutien de Paris, c’est peu de dire que le ministre a déchanté.

Cristina Duarte

L’analyse des votes tour par tour montre avec certitude que de bout en bout Cristina Duarte aura suscité la défiance des actionnaires continentaux. Au premier tour, la candidate cap-verdienne n’a obtenu qu’un peu plus de 3 % des voix africaines. Son score a certes doublé au tour suivant mais n’a fait ensuite que reculer pour finir à 2,87 %.

De bout en bout Cristina Duarte aura suscité la défiance des actionnaires continentaux.

À l’inverse, la ministre a été très massivement soutenue par les actionnaires internationaux, obtenant au premier tour 55,9 % des voix émanant des 24 actionnaires non-africains de la BAD. D’après nos calculs, tous les grands pays (Japon, Canada, France, etc.) auraient voté pour Cristina Duarte. Seuls les États-Unis, qui semblaient pourtant à l’origine soutenir la candidate cap-verdienne, semblent avoir préféré le Nigeria dès le départ.

Le soutien international dont a bénéficié Cristina Duarte s’est toutefois étiolé au fil des tours, passant à 45 % puis chutant lourdement à 21 % au dernier tour. Un niveau qui reste toutefois encore surprenant, la candidate cap-verdienne n’ayant aucune chance d’être élue en raison de la faiblesse de son soutien africain (il faut au moins 50 % des voix continentales pour être élu).

Thomas Sakala

Le candidat zimbabwéen est celui qui a bénéficié au premier tour du plus important contingent de voix africaines : 12 pays ont voté pour lui, représentant 22,8 % des votes africains. Davantage que les 21,2 % récoltés par Akinwumi Adesina et les 18,5 % de Bedoumra Kordjé. Comme prévu, Thomas Sakala a bénéficié des votes des pays de la SADC (communauté de développement d’Afrique australe), dont fait partie l’Afrique du Sud (cinquième actionnaire de la banque).

Le candidat zimbabwéen n’a récolté absolument aucun soutien international

C’est grâce à ce soutien constant que l’ex vice-président de la BAD a pu se maintenir jusqu’au cinquième tour. Alors qu’il n’a récolté absolument aucun soutien international.

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Jaloul Ayed

Jaloul Ayed a été « lâché » par l’Algérie et la Libye, qui ont préféré au seul candidat issu d’Afrique du Nord le Tchadien Bedoumra Kordjé. Mais grâce au soutien constant de deux actionnaires importants de la BAD (le Maroc et l’Égypte) et de son pays, la Tunisie, l’ex ministre des Finances et ancien dirigeant du groupe BMCE Bank a pu se classer au cinquième rang au premier tour, avec près de 11 % des voix. Jaloul Ayed a été éliminé à l’issue du quatrième tour.

Ato Sufian Ahmed et Samura Kamara

Les candidats éthiopien et sierra-leonais n’auront pas su rassembler. Samura Kamara n’a bénéficié du soutien que de son pays et d’un autre pays (sans doute le Liberia), n’atteignant même pas le score de 0,5 % au premier tour . L’Éthiopien a fait un peu mieux (3,9 %) des votes mais c’est surtout grâce au soutien de son pays. Il a logiquement disparu de l’élection à la fin du deuxième tour.

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