Maroc : sex and cinema

Le Maroc bout et fulmine. Il estime sa réputation salie et son honneur atteint.

Une scène du film « Much loved » du réalisateur marocain Nabil Ayouch. © DR

Une scène du film « Much loved » du réalisateur marocain Nabil Ayouch. © DR

Fawzia Zouria

Publié le 6 juin 2015 Lecture : 2 minutes.

Why ? À cause de Much Loved. Le film de Nabil Ayouch, présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Le long-métrage raconte le Marrakech des bas-fonds, ses nuits glauques, la prostitution… Les femmes y vendent leur corps, au milieu des volutes de cigares et des cliquetis de verres de whisky qui s’entrechoquent. Ô scandale ! Ô terreur ! Vous avez vu ça ! C’est un film de science-fiction : « Je ne me reconnais pas du tout dans cette vulgarité et ces insultes ! » s’insurgent nombre de Marocains, qui réagissent sans avoir encore vu le film. « Ce cinéaste ose avilir Marrakech, la capitale des Almoravides et des Almohades, qui ont régné pendant des siècles sur le Maghreb et sur l’Andalousie ! » « Ayouch fait croire que notre pays, c’est la Thaïlande ! » « Un traître et un vendu à l’Occident ! » « Il promeut le tourisme sexuel, un point c’est tout. »

À entendre ces réactions, le Maroc, pays aseptisé, ignore tout du vice et n’a jamais aperçu l’ombre d’une péripatéticienne. La réalité est tout autre, même si elle fait mal. Le royaume chérifien, comme la plupart des pays arabes – et du monde -, accueille des prostituées et des proxénètes. Sauf qu’il ne faut pas le dire. Ni le montrer. Encore moins chercher à y remédier. La morale locale interdit de lever le voile sur ce qui dérange, et l’islam sert de cache-sexe, alors que, il y a quelques siècles, les théologiens enseignaient la sexualité dans les mosquées. La loi incite à consommer l’interdit dans le secret sans le claironner sur la place publique. Et chez certains, la foi musulmane ne sert qu’à entretenir une vertu de façade.

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J’en ai vu, moi, de ces filles qui se voilent et se font passer pour des saintes, alors qu’elles ignorent le sens du mot « islam ». J’ai vu ces niqabées qui vendent de l’alcool dans les arrière-cours de leur maison, qui volent dans les centres commerciaux ou se prostituent au fond des impasses ; ces jeunes demoiselles qui couchent avec le premier venu en le suppliant de tout dénuder de leur corps, sauf les cheveux ; ces hommes qui trépignent en attendant la fin du prêche pour aller se saouler ; ces responsables qui jurent sur le Coran et qui mentent comme des arracheurs de dents…

Alors, je vous dis, Nabil Ayouch n’a rien fait de mal. Ni à son pays ni aux Arabes. Au contraire, il les édifie sur une vérité, une seule : le jour où les arabo-musulmans assumeront ce qui se passe dans leur intimité et s’appliqueront à reconnaître qu’ils sont de simples humains, ils auront fait un grand pas sur le chemin du progrès et de la modernité. Un chemin qui, comme tout le monde le sait, est fait en grande partie de transparence et de vérité.

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