Archéologie : découverte au Kenya du plus vieil outil du monde

C’est un petit caillou qui change tout. Taillé il y a plus de 3,3 millions d’années, il constitue la plus grande découverte archéologique depuis celle de la célèbre Lucy, en 1974.

Publié le 5 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

« Je m’excuse par avance auprès de tous ceux qui travaillent à l’élaboration des manuels scolaires, mais j’ai bien peur qu’il faille revoir les débuts de notre préhistoire », s’amuse timidement Sonia Harmand, chargée de recherche au CNRS, tenant au creux de sa main une partie de ce qui constitue la plus grande découverte archéologique depuis la célèbre Lucy, fossile d’australopithèque mis au jour en 1974 par Yves Coppens.

Ce petit « caillou » taillé, précieusement conservé au laboratoire d’archéologie du Musée national de Nairobi, est une révolution. Trouvé avec une centaine d’autres outils préhistoriques dans la région du lac Turkana, dans le nord du Kenya, il bouleverse tout ce que l’on savait jusqu’à présent de la vie des premiers hommes. Et cela tient à son âge : 3,3 millions d’années.

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Néophytes. Concrètement, ce que disent ces pierres taillées, c’est que des hominidés de l’époque fabriquaient déjà des outils en percutant des morceaux de roches entre eux afin d’en détacher des éclats tranchants. Cela n’a sans doute l’air de rien pour les néophytes, mais pour le petit monde de l’archéologie c’est toute l’histoire de l’humanité qui doit être revue.

« Jusqu’à présent, les plus anciennes pierres taillées découvertes en Éthiopie dataient de 2,6 millions d’années. Les nouveaux outils que nous avons sont plus vieux de 700 000 ans, résume Sonia Harmand. Ils sont également fondamentalement différents que tout ce que l’on connaissait jusqu’ici et apportent la première preuve archéologique de l’existence de capacités cognitives et motrices nécessaires à la fabrication d’outils chez des hominidés il y a déjà plus de trois millions d’années. » En clair : on ne pensait pas les australopithèques capables de fabriquer des outils et l’on se trompait.

Cette découverte, Sonia Harmand l’a faite « un peu par hasard ». « Ce jour-là, le 9 juillet 2011, nous nous sommes perdus en nous rendant sur un lieu de fouille. Nous avons donc décidé d’aller sur une colline en hauteur pour retrouver notre chemin… Une colline fantastique, avec une vue sur un paysage magnifique, une sorte de grand cirque avec des falaises très hautes… Je ne sais pas pourquoi, cet endroit m’a parlé, et j’ai décidé de prospecter aux alentours. » Dans le secteur, une petite ravine d’érosion lui a tout de suite semblé idéale, puisque c’est ce phénomène naturel qui permet aux chercheurs de découvrir d’éventuels objets préhistoriques, lentement rejetés par la terre : « C’est là que nous avons trouvé en surface de gros cailloux, sur lesquels j’ai tout de suite relevé des traces d’enlèvement : ils avaient été taillés ! » En surface, il est impossible de dater une roche, qui peut avoir été taillée aussi bien la veille que plusieurs millions d’années auparavant. C’est donc dans le sol, dans les sédiments, qu’il faut aller chercher d’autres fragments qu’il sera aisément possible de contextualiser grâce aux différentes méthodes de datation, s’appuyant notamment sur les niveaux de cendres volcaniques, corrélés avec le niveau archéologique.

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Exceptionnel. Faute de moyens, mais certaine d’avoir mis le doigt sur quelque chose d’exceptionnel, l’équipe a décidé de fermer le site et de revenir un an plus tard avec plus de moyens offerts par le ministère français des Affaires étrangères et la National Geographic Society. « En 2012, nous avons sorti beaucoup de matériel : une cinquantaine de pièces provenant du sédiment, et environ 80 provenant de la surface », explique la chercheuse, qui réalise alors qu’elle a découvert, un an plus tôt, le plus ancien site archéologique du monde, de 700 000 ans plus vieux que celui d’Olduvai, en Tanzanie, qui était jusqu’à présent considéré comme le berceau de l’humanité.

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