Sénégal – Affaire Thione Seck : faux billets, vraies questions
Selon les avocats du musicien sénégalais Thione Seck, impliqué dans une affaire de faux billets présentée comme spectaculaire, les éléments figurant au dossier apparaissent très différents des sommes initialement annoncées.
Mis à jour le 5 juin à 18h02.
Au lendemain de l‘inculpation du musicien Thione Seck pour association de malfaiteurs et détention de signes monétaires falsifiés, l’affaire de fausse monnaie dans laquelle serait impliquée la star du mbalakh se révèle plus complexe que le scénario initialement relaté sur la base de fuites parfois contradictoires. Depuis plus d’une semaine, les détails de cette affaire spectaculaire qui vaut au fondateur du Raam Daan de dormir à la prison de Rebeuss depuis le 2 juin, s’étalent en effet dans les médias sénégalais sans qu’il soit possible de faire la part des choses entre informations fiables et extrapolations hasardeuses. Après une filature de plusieurs semaines portant sur un réseau de faux monnayeurs, les gendarmes sénégalais auraient ainsi effectué le 27 mai une perquisition au domicile du chanteur, dans le quartier dakarois de Ouest-Foire, où l’un des suspects lui a rendu visite. Là, ils auraient trouvé, selon les sources, l’équivalent de 40 à 49 millions d’euros en faux euros et faux dollars. Une somme à couper le souffle.
Au domicile du présumé complice malien de Thione Seck, les enquêteurs auraient complété leur moisson en dénichant une vingtaine de millions d’euros en faux billets, ainsi que du matériel destiné à réaliser de la fausse monnaie. Un butin accablant, accréditant l’implication de l’éternel rival de Youssou Ndour dans un réseau de faux monnayeurs de dimension industrielle.
Avant même l’inculpation de Thione Seck et de son complice malien Alaye Djiteye, le 2 juin, le scénario semblait donc écrit et l’affaire entendue. Seul hic : au vu du procès-verbal de perquisition dressé par la section de recherche de la gendarmerie le 27 mai, que Jeune Afrique a pu consulter, les découvertes effectuées aux domiciles de Thione Seck et du Malien Alaye Djiteye – soit un total de 15 scellés – apparaissent très différentes du scandale dépeint jusque-là. Au domicile de Djiteye, qui a reconnu s’adonner de manière régulière à la contrefaçon de dollars et d’euros, les enquêteurs ont déniché du matériel destiné à contrefaire les billets (encre, papier, imprimantes…) ainsi que 70 fausses coupures en euros et en dollars. Mais leur montant cumulé n’excède pas 10 000 euros.
"Quand on n’a rien manger, on réfléchit."
Chez Thione Seck en revanche, l’inventaire des pièces à conviction évoque seulement une somme de 33 millions de francs CFA (en vrai billets), un (vrai) billet de 50 euros, un chéquier Ecobank et un mystérieux "paquet de papier vert estimé à 1 million d’euros selon la déclaration du mis en cause". Derrière cette désignation imprécise, il semble que la découverte effectuée par les gendarmes consiste en une quarantaine de ballots contenant de fausses liasses de billets conditionnées sous film. Sur le haut de la liasse, une fausse coupure en euros. En dessous, du simple papier de couleur verte.
"Quand on n’a rien manger, on réfléchit. Et j’ai choisi le moyen de duper les gens, a déclaré Djiteye aux enquêteurs. Ainsi, je leur faisais croire que c’était de vrais billets de banque." Autrement dit, il n’est pas exclu que Djiteye et ses complices aient eu comme véritable objectif d’arnaquer le chanteur. "Selon moi, ils lui ont fait miroiter qu’ils étaient capables de fabriquer des milliards en lui demandant d’investir une somme importante en vrais francs CFA, analyse un proche du chanteur. Thione leur a donné du vrai argent et s’est retrouvé avec de la fausse monnaie et du simple papier."
Contradictions
La version peu crédible jusque-là livrée par Thione Seck laisse à penser que le chanteur n’a pas tout révélé sur les tenants et aboutissants de cette affaire au carrefour du faux monnayage et des arnaques "à l’africaine". Selon lui, des Gambiens lui auraient en effet promis une somme de 100 millions d’euros pour une tournée internationale d’une centaine de dates, ce qui représenterait un cachet surréaliste pour le chanteur de mbalakh. Le sac noir retrouvé chez lui (contenant les fausses liasses en papier vert) aurait contenu, selon Thione Seck, un acompte de 50% sur cette somme. Il l’aurait négligemment laissé dans un coin de son salon en attendant de signer un contrat formel avec ses interlocuteurs. Et lorsque l’un des complices de Djiteye serait revenu, quelques jours plus tard, lui demander de lui prêter séance tenante une somme de 120 millions de FCFA pour effectuer des dépenses urgentes, Thione Seck se serait exécuté, tel un robot, invoquant la thèse d’un maraboutage.
Dans l’immédiat, il est bien difficile d’expliquer les contradictions entre les confidences convergentes faites à des journalistes sénégalais par des sources proches de l’enquête, faisant état d’un véritable pactole en faux billets, et l’inventaire des pièces à conviction dressé par les gendarmes, où les sommes en jeu apparaissent infiniment plus modestes. Les avocats de Thione Seck attendent de pouvoir consulter les scellés pour se forger une opinion sur la nature des éléments censés incriminer leur client.
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