Burundi : report sine die des élections, le médiateur de l’ONU rejeté par l’opposition

Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a signé jeudi un décret officialisant le report sine die des élections législatives et communales. Les 17 partis et organisations de l’opposition ont quant à eux récusé la médiation de Saïd Djinnit, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs

Pierre Nkurunziza, le président burundais. © AFP

Pierre Nkurunziza, le président burundais. © AFP

Publié le 5 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

On ne sait toujours pas quand auront lieu les élections législatives et communales au Burundi, initialement prévues vendredi 5 juin. Leur report avait été annoncé mercredi par la présidence burundaise qui avait alors précisé que la Commission électorale nationale indépendante "[annoncerait] officiellement le nouveau calendrier électoral qui tiendra compte de la recommandation des chefs d’État de l’EAC (Afrique de l’Est) et des délais prévus par la Constitution". Ce que Prosper Ntahorwamiye, le porte-parole de la Ceni, avait démenti à Jeune Afrique, expliquant que c’était à Pierre Nkurunziza de prendre les décrets portant report des élections et convocation du corps électoral à un certaine date. "À ce jour, nous avons déjà envoyé deux propositions du calendrier électoral à la présidence. Nous attendons son retour. Le reste, c’est du verbiage, du mensonge ! Car aussi longtemps que la présidence n’aura pas publié le décret, il n’y aura pas de calendrier électoral", a-t-il indiqué.

"Le président Pierre Nkurunziza a signé cet après-midi un décret, a finalement indiqué jeudi 4 juin Willy Nyamitwe, le conseiller à la présidence en charge de la communication. "Dans ce décret, il est stipulé que les élections des conseillers communaux et des députés qui étaient prévues le 5 juin sont reportées à une date à préciser", a-t-il expliqué, ajoutant que "le même report s’applique à la période de la campagne électorale".

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"Le président n’a pas donné la date parce que la Ceni (commission électorale nationale indépendante) a proposé plusieurs possibilités", a cette fois affirmé Willy Nyamitwe. "On doit d’abord réconcilier les recommandations du sommet de Dar es-Salaam (Tanzanie) et les limites constitutionnelles". Dimanche, au cours d’un sommet dans la capitale économique de la Tanzanie, les chefs d’État de la région avaient demandé un report de ces élections d’au moins un mois et demi, c’est-à-dire jusqu’à au moins la mi-juillet.

Ce report sine die vise à laisser à la Ceni "le temps d’organiser des consultations pour que ce soit des dates consensuelles", a précisé un haut cadre burundais.

Saïd Djinnit récusé ?

Depuis le sommet de Dar es-Salaam, le camp présidentiel et l’opposition ont exprimé leur volonté de reprendre le "dialogue politique", initié courant mai sous l’égide de l’ONU. Ce dialogue butte en particulier sur la fin des manifestations et le troisième mandat du président Nkurunziza, noeud de la crise. Les deux camps ont estimé que cette question du troisième mandat n’était "pas tabou" et qu’elle pouvait donc être désormais évoquée, laissant entrevoir une possible avancée du dialogue.

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Problème, les 17 partis et organisations de l’opposition ont récusé jeudi la médiation de Saïd Djinnit, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, l’accusant de partialité. Il lui est reproché d’avoir montré un penchant pour le gouvernement lors du dialogue qu’il a mené jusque-là.

L’opposition assure avoir déposé jeudi en milieu d’après-midi au siège de la médiation une lettre adressée à Ban Ki-moon demandant à l’ONU de désigner un autre "médiateur".  La médiation assurait en début de soirée qu’elle n’avait pas encore vu ce courrier.

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Pressions sur les médias

Dans le même temps, un journaliste français, Thaïs Brouck, de la chaîne de télévision France 24, s’est vu retirer son accréditation de travail au Burundi délivrée par le Conseil national de la communication (CNC). Selon Thaïs Brouck, un responsable du CNC a justifié cette décision en affirmant avoir reçu des rapports de sécurité accusant le journaliste d’encourager par sa présence les manifestations. Dans une lettre officielle à l’intéressé, le CNC a estimé que M. Brouck n’a pas suivi ce qui était inscrit sur son accréditation, à savoir la couverture des élections.

Accompagné de deux membres de son équipe, le journaliste a quitté Bujumbura jeudi pour Kigali, au Rwanda. "Nous regrettons le retrait de l’accréditation, mais nous sommes en discussion avec les autorités burundaises pour en obtenir une nouvelle", a déclaré à l’AFP Marc Saikali, directeur de France 24, contestant tout parti pris dans le traitement par la chaîne des évènements au Burundi.

Il y a une dizaine de jours, une journaliste de la BBC, pourtant titulaire d’un visa, avait été refoulée à son arrivée à l’aéroport de Bujumbura. Au Burundi, la plupart des radios indépendantes du Burundi sont fermées depuis le coup d’État manqué du 13 mai dernier.

(Avec AFP)

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