Infographies : comment Facebook est devenu hégémonique au Maghreb

Plus de quatre ans après les débuts du Printemps arabe, qui a largement contribué à asseoir Facebook au Maghreb, le réseau social y est plus que jamais incontournable.

Dans un café de Tunis, en 2010. © Ons Abid pour J.A

Dans un café de Tunis, en 2010. © Ons Abid pour J.A

Publié le 4 juin 2015 Lecture : 4 minutes.

"En Tunisie, Internet se résume à Facebook". La phrase, prononcée par le journaliste tunisien Malek Khadhraoui, résume bien l’hégémonie de Facebook dans le pays qui a lancé le Printemps arabe en 2011.

Plus largement au Maghreb, aucun concurrent ne semble faire de l’ombre au réseau social de Marc Zuckerberg. De fait, le nombre d’utilisateurs de Facebook ne cesse d’augmenter, comme le montrent les données recensées depuis 2011 par l’Arab social media report :

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La Tunisie en pointe

Si l’Égypte compte le plus grand nombre d’utilisateurs Facebook, la Tunisie est en réalité le pays où le réseau social est le plus implanté. Le taux de pénétration du réseau y a toujours été le plus important du Maghreb :

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>> Lire aussi : Facebook : l’exception tunisienne

L’hégémonie de Facebook en Tunisie trouve ses racines dans la révolution de 2010-2011, renommée par certains "révolution Facebook". À l’époque, la montée en puissance du réseau s’explique par la faible couverture médiatique du soulèvement populaire en cours. Passés sous silence par les médias traditionnels, ils avaient en revanche été abondamment relayés par le réseau social.

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"Ce rôle joué par Facebook a scellé le lien déjà fort entre les Tunisiens et Facebook", explique le rapport "Panorama des médias" de Laurent Giacobino, publié le 19 mai par CFI, l’agence de coopération média du ministère français des Affaires étrangères. "Facebook "représentait en effet l’une des rares fenêtres de liberté d’expression  (…) pendant les dernières années de la présidence de Ben Ali", poursuit le rapport.

>> Lire l’interview de Laurent Giacobino : "Les médias en ligne au Maghreb sont très récents, mais en plein boom"

"Facebook a quasiment privatisé Internet"

Depuis, le réseau est incoutournable dans le pays. "Facebook a quasiment privatisé Internet en Tunisie", assure le journaliste Malek Khadhraoui. "Lorsqu’une chaîne de télévision diffuse ses vidéos sur Facebook, ses audiences sont beaucoup plus importantes que sur le seul canal télévisé", ajoute le directeur du site tunisien Inkyfada. La classe politique ne s’y est d’ailleurs pas trompée : "les communiqués du gouvernement et des ministères sont d’abord publiés sur Facebook et ensuite sur leurs sites respectifs", poursuit-il.

Si la Tunisie reste le pays le plus accro au réseau, Facebook n’en est pas moins indétronnable dans le reste du Maghreb. En Algérie, où le taux de pénétration d’Internet est parmi le plus faible du monde arabe, le réseau social est, comme en Tunisie, le site le plus consulté du pays… avant même le moteur de recherche Google.

Signe de la vigueur du réseau social, certains médias ont préféré s’y développer, quitte à négliger de développer leur propre site, à l’image des Envoyés spéciaux algériens (ESA), média citoyen. "ESA et quelques autres jouent aujourd’hui un rôle important dans la société algérienne : beaucoup de scoops sont publiés sur ces plateformes, leur influence politique fait qu’on les désigne sous le terme – un peu méprisant – de ‘parti de Facebook’", décrypte, dans le rapport de CFI, Abderrahmane Semma, rédacteur en chef du pure player Algérie-focus.

>> Lire aussi : Technologies : quand WhatsApp bouscule les codes de la communication politique en Afrique

Twitter encore peu adopté

Au Maroc, l’hégémonie de Facebook est un peu plus nuancée. S’il pointe au rang de deuxième site le plus consulté, il devance largement ses principaux concurrents. Twitter, Linkedin ou encore Instagramm ne pointent respectivement qu’en 21e, 40e et 53e position des sites les plus consultés, selon l’indicateur Alexa.

S’il est imparfait, ce baromètre illustre toutefois le peu d’emprise des autres réseaux sociaux dans ces trois pays. "Au Maghreb, Twitter ne marche pas tellement", explique Malek Khadhraoui. "Mais certaines organisations ont compris qu’il fallait passer par ce canal pour capter une médiatisation internationale, car il est plus facile d’accès pour les journalistes étrangers", ajoute-t-il.

Conséquence, Twitter gagne peu à peu en influence. En Égypte, le nombre d’utilisateurs actifs a presque été multiplié par quatre entre 2011 et mars 2013, selon les derniers chiffres disponibles de l’Arab social media report.

Une publication peut toujours mener à la case prison

Reste que l’explosion des réseaux sociaux ne s’est pas vraiment accompagnée d’une augmentation de la liberté d’expression. Ce que démontre l’Institut égyptien spécialisé dans les médias et le monde arabe, l’ANHRI, baromètre a l’appui. L’organisme a récemment crée et publié un indicateur mesurant la liberté sur Internet. Allant de 1 à 100 (la meilleure note), l’indice prend en compte plusieurs critères tels que le blocage des sites, l’infrastructure du réseau, le prix du service ou encore la protection de la vie privée.

La Tunisie obtient la meilleure note des 19 pays du monde arabe étudiés par l’ANHRI, mais certaines publications peuvent encore mener leurs auteurs à la case prison. Le blogueur tunisien Yassine Ayari l’a récemment appris à ses dépends : en novembre 2014, il avait été condamné à trois ans de prison – peine finalement réduite à six mois ferme – pour avoir vilipendé le ministère de la Défense sur Facebook.

Un réseau social de plus en plus utilisé, donc, mais toujours très contrôlé par des autorités qui gardent un oeil méfiant sur ces espaces de liberté suffisamment puissants pour faire vaciller les régimes les plus autoritaires.

>> Lire aussi : Quand Facebook se battait contre les hackers de Ben Ali

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