Comment réveiller la BRVM ?

Réduire les coûts d’accès à la cote et y attirer plus de banques : deux des pistes avancées par le nouveau directeur général de la Place d’Abidjan pour tourner la page des années d’atonie.

Après le détournement de plus de 1,5 million d’euros, le contrôle et l’audit interne ont été renforcés. © Issouf Sanogo/AFP

Après le détournement de plus de 1,5 million d’euros, le contrôle et l’audit interne ont été renforcés. © Issouf Sanogo/AFP

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 27 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Un vent de renouveau soufflerait-il sur la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan ? La Place connaît un semblant de frémissement depuis l’arrivée, le 1er octobre, de son nouveau directeur général, le Togolais Edoh Kossi Amenounve (qui remplace le Français Jean-Paul Gillet). Les volumes et les indices sont en hausse. De 3 439 milliards de F CFA (5,2 milliards d’euros) fin septembre, la capitalisation boursière du marché des actions a grimpé à 3 870 milliards de F CFA au 29 novembre (+ 12,5 %). Le fractionnement de l’action Sonatel, valeur phare de la Place, le 23 novembre (lire p. 77), agite également le marché.

La crise qui a secoué la Bourse en milieu d’année, avec la révélation du détournement d’environ 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) par certains des anciens cadres de la Place, a perturbé les instances dirigeantes mais n’a pas eu d’impact négatif sur les activités. La nouvelle direction confirme que le fonctionnement même du marché n’a pas été atteint et assure qu’une organisation « remettant le contrôle interne et l’audit au coeur du dispositif » a été mise en place, « pour prévenir ce type de dysfonctionnement et pour que les risques soient circonscrits et mieux gérés ». Mais plus qu’une réorganisation de l’équipe dirigeante, le défi qui attend le nouveau patron de la BRVM est immense : opérationnelle depuis près de quinze ans, la Place commune aux huit États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) peine à réellement décoller.

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BRVM infoTransparence

« Trente-sept entreprises cotées pour une union de huit pays, soit à peine cinq par pays, c’est un peu faible », concède Edoh Kossi Amenounve. D’autant que la majeure partie de ces entreprises (31 sur 37) provient d’un seul pays, la Côte d’Ivoire. De fait, faire venir sur la Place de nouveaux acteurs compte parmi les priorités du nouveau directeur général. Ses premières cibles : « Les banques et les compagnies d’assurances, qui ont déjà l’habitude des règles de transparence, de diffusion d’informations vis-à-vis de la Banque centrale et de la Cima [Conférence interafricaine des marchés d’assurances, NDLR]. » Sur la centaine d’établissements bancaires de la sous-région, seuls huit sont cotés, et sur une soixantaine de compagnies d’assurances opérant dans la zone, aucune n’est présente à la BRVM.

De grandes entreprises nationales ou régionales des secteurs pétrolier, agroalimentaire et des télécoms pourraient également être des candidates naturelles à la cote. « Si les banques de la zone sont des filiales des groupes internationaux qui n’ont pas vraiment besoin de recourir au marché, l’arrivée d’assureurs régionaux comme NSIA, de pétroliers comme Petroci, ou encore de Côte d’Ivoire Télécom peut réellement donner un nouvel élan à cette Place », soutient Hermann Boua, le responsable de la recherche chez le courtier Hudson & Cie.

Les entreprises ne se bousculent guère aux portes de la Bourse d’Abidjan. Depuis Bank of Africa Burkina Faso fin 2010, elle n’a accueilli aucune nouvelle valeur. L’arrivée annoncée de Sotelma, la filiale malienne de Maroc Télécom, a finalement été hypothéquée par la crise sociopolitique que traverse ce pays. Aucune introduction n’est attendue dans les mois à venir.

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La direction envisage une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant trois à cinq ans.

Contraintes

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Pour y remédier, Edoh Kossi Amenounve assure vouloir réduire le coût d’accès à la cote et proposer des tarifs forfaitaires ; actuellement, pour entrer à la BRVM, une société doit payer un certain pourcentage de sa capitalisation – autrement dit plus elle est grosse, plus l’opération lui revient cher. « Nous allons par ailleurs lever assez rapidement de nombreuses contraintes, notamment en revoyant à la baisse le capital minimum, qui est de 500 millions de F CFA pour le marché primaire et de 200 millions pour le marché secondaire », ajoute Edoh Kossi Amenounve. L’ancien secrétaire général du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF, l’organe régulateur) étudie également « la possibilité d’accorder aux nouvelles entreprises cotées une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant trois à cinq ans ». Mais la mesure resterait dépendante de la bonne volonté des différents États de la zone.

S’introduire sur la Place est une chose, l’utiliser pour récolter des capitaux en est une autre. « À la BRVM, les entreprises cotées ne lèvent presque jamais de capitaux sur le marché. Or le dynamisme de celui-ci en dépend », constate le courtier de Hudson & Cie. D’après lui, « ces sociétés, pour la plupart ivoiriennes, sont venues à la cote par la volonté de l’État et non par besoin de financement ». Là aussi, Edoh Kossi Amenounve assure avoir « déjà commencé auprès des plus importantes une campagne leur expliquant la nécessité de prévoir, dans le cadre de leurs programmes d’investissements annuels, le recours au marché qui permet d’avoir accès à des ressources à des coûts moindres ».

Reste enfin l’ouverture du marché aux plus petites entreprises. La création d’un compartiment destiné aux PME, initiée par la précédente direction, devrait aboutir au second semestre 2013. L’objectif ? Compter rapidement sur ce compartiment au moins deux entreprises par pays, soit entre 16 et 20 pour toute la sous-région. De quoi augmenter de moitié le nombre de sociétés cotées…

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