Franc CFA : un ministre togolais sur la sellette
L’affaire fait grand bruit dans les sphères économiques de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) : un ministre togolais est en pleine tourmente pour avoir mis en cause la conduite de la politique monétaire dans la zone CFA.
Le ministre togolais chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques conservera-t-il son poste dans le nouveau gouvernement que doit former Komi Sélom Klassou, après la polémique suscitée par sa critique de la politique monétaire de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ?
Agrégé en économie formé à l’université Lyon-II, Kako Nubukpo a été macroéconomiste et chef de service au siège de la BCEAO à Dakar (Sénégal) entre 2000 et 2003, il a été nommé en octobre 2013 au sein du gouvernement togolais pour suivre et évaluer l’ensemble des politiques publiques du pays. Au cours de conférences publiques sur l’économie tenues à Lomé (Togo) en février et mars 2015, le ministre a suggéré que de nouvelles mesures soient prises pour favoriser la croissance dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Dans son viseur : les réserves de change que déposent les deux banques centrales BCEAO et BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) auprès du Trésor public français pour assurer la parité du franc CFA avec l’euro.
La règle voudrait que ces réserves de change puissent couvrir au moins 20 % de l’émission monétaire effectuée par les deux banques centrales. Mais, souligne le ministre, « dans les faits, le taux de couverture avoisine 100 % depuis des années ». D’où la nécessité, selon lui, de puiser dans cette marge de 80 % pour accorder des crédits aux petites et moyennes entreprises. Si une telle solution était adoptée, estime Kako Nubukpo, les pays de la région pourraient connaître une croissance économique annuelle supérieure à 10 %.
Réactions
Des documents internes à la BCEAO, qui ont fuité dans les médias, révèlent les remous suscités au sein de l’institution par les sorties du ministre togolais. Une note rédigée par Kossi Tenou, directeur national pour le Togo de la BCEAO a ainsi porté à la connaissance du gouverneur de cette institution, l’Ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, « les critiques formulées par Kako Nubukpo à l’encontre de la BCEAO ».
Des observations inscrites en annexes par des chefs de services indiquent qu’il « s’agit d’un acharnement sur la politique monétaire plutôt que de contributions pour l’amélioration des politiques publiques de l’État ». L’un d’eux a souhaité que le ministre soit rappelé « à l’ordre pour éviter à l’avenir qu’il continue de formuler des critiques qui n’ont aucun lien avec les objectifs poursuivis lors des colloques au cours desquels il intervient ».
Positions
Les propositions du ministre togolais rejoignent pourtant des positions adoptées par plusieurs acteurs de la finance africaine, à l’instar de Jean-Louis Ekra, président de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), qui a émis le souhait qu’une partie des réserves des banques centrales africaines soit mobilisée pour accompagner les économies du continent.
L’économiste bissau-guinéen Paulo Gomes a lui aussi plaidé en faveur d’un changement de politique monétaire au sein de la zone Uemoa. Le « Fonds Afrique 50 » de la Banque africaine de développement (BAD), qui a démarré en 2014, recommande également la mobilisation d’une partie des réserves de change des banques centrales pour financer les infrastructures sur le continent.
Le président Faure Gnassingbé cèdera-t-il aux pressions en limogeant son ministre de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques ? Réponse dans quelques jours avec la publication de la nouvelle équipe gouvernementale au Togo.
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