Gabon – Jean Eyeghe Ndong : « L’UN ne peut aller aux élections dans les conditions actuelles »

L’élection présidentielle 2016 est déjà dans toutes les têtes au Gabon. Du côté de l’opposition, l’Union nationale tente de se mettre en ordre de bataille, sans relâcher la pression sur le pouvoir. Interview de son vice-président, Jean Eyeghe Ndong.

Jean Eyeghe Ndong, ancien Premier ministre, en 2009. © Manu Fernandez/AP/SIPA

Jean Eyeghe Ndong, ancien Premier ministre, en 2009. © Manu Fernandez/AP/SIPA

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Publié le 10 juin 2015 Lecture : 4 minutes.

Le scrutin présidentiel n’est prévu que mi-2016 au Gabon. Mais le bras-de-fer entre le pouvoir et l’opposition est d’ores et déjà bien entamé. À l’occasion d’un forum citoyen organisé les 6 et 7 juin, Zacharie Myboto, le président de l’Union nationale, a haussé le ton.

Plaidant pour la modification du dispositif législatif et constitutionnel, il a laissé planer le doute sur un possible boycott en cas de refus de dialogue de la part du pouvoir en place. Les chantiers sont pourtant encore nombreux, en particulier après la mort d’André Mba Obame, au sein de l’opposition, qui peine encore à se mettre en ordre de marche.

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Interview avec l’ancien Premier ministre et actuel vice-président de l’Union nationale,  Jean Eyeghe Ndong.

Jeune Afrique : L’Union nationale s’est réunie ce week-end en forum. Quels sont les principaux chantiers du moment, deux mois après la mort d’André Mba Obame ?

Jean Eyeghe Ndong : Le premier, c’est avant tout l’organisation du prochain Congrès. Pour le moment, le bureau national est encore provisoire donc il faut préparer son renouvellement. Mais le forum avait également pour objectif principal de remobiliser les militants après la mort du président André Mba Obame. Bien sûr, il y a eu également beaucoup de débats sur les élections de 2016 et sur le choix du candidat pour la présidentielle.

La situation administrative du chef de l’État pose évidemment problème.

Le président de l’UN, Zacharie Myboto, a d’ores et déjà émis un doute sur la participation de l’opposition au scrutin de 2016. Pourquoi ?

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Il est évident que l’UN ne peut pas accepter d’aller aux élections naïvement dans les conditions actuelles. D’une part, nous devons réformer les institutions et les administrations relatives à leur organisation. D’autre part, la situation administrative du chef de l’État pose évidemment problème. Ces deux aspects subordonnent notre participation à l’élection présidentielle.

Quelles sont les points précis que vous souhaitez modifier dans le système électoral actuel ?

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Il faut revoir certaines dispositions constitutionnelles, notamment le mode de scrutin, qui est actuellement à un tour, et le nombre illimité de mandats. La commission électorale doit également être réformée, en particulier le mode de désignation de son président et de son vice-président. Enfin, le système de biométrie doit être complété et viabilisé.

Vous demandez donc l’instauration d’un scrutin présidentiel à deux tours ?

Bien sûr. C’est ce qui accordera la légitimité à la personne déclarée élue.

Un scrutin à deux tours accordera la légitimité à la personne déclarée élue.

Pourquoi insister sur le statut administratif du chef de l’État, Ali Bongo Ondimba ?

C’est un problème important pour le pays. S’il voulait se représenter à la présidence, je ne vois pas comment nous pourrions l’accepter sans qu’il y ait d’acte de naissance conforme versé à son dossier. Depuis des mois, nous lui demandons de présenter ce document. Il ne le fait pas. Nous assistons à des marches de soutien à Ali Bongo Ondimba, mais cela ne résout pas le problème.

 Le dialogue national éventuel et le scrutin de 2016 doivent-ils être supervisés par la communauté internationale ?

Oui, elle doit jouer un rôle prépondérant pour obtenir du pouvoir en place l’organisation d’un dialogue national et inclusif avec l’opposition et la société civile. Il faut que le pouvoir consente à s’asseoir à la table et à remettre à plat toutes les institutions, afin de les réformer. Nous sollicitons pour cela l’intervention de l’ONU, de l’Union africaine et même de l’Union européenne.

Si le pouvoir refusait d’entamer ce dialogue, pensez-vous déjà à un boycott du scrutin ?

Je ne me prononcerai pas pour le moment. Nous pensons que les Gabonais au pouvoir auront l’intelligence et le patriotisme d’accepter la proposition que nous faisons.

Parfois, les débats sont un peu rudes mais nous allons réussir.

Où en sont les discussions concernant le candidat unique de l’opposition ?

Le candidat n’est pas encore désigné. C’est le consensus qui doit prévaloir. Les discussions se passent bien, dans une bonne ambiance. Parfois, les débats sont un peu rudes mais nous allons réussir.

Plusieurs noms sont cités : ceux de Jean Ping, de Mike Jocktane, de Paul Marie Gondjout, le gendre du président de l’Union nationale. Qui tient la corde ?

Personne. Nous sommes tous des candidats à la candidature potentielle. Chaque membre du front peut être candidat.

Quand le nom de l’heureux élu doit-il être annoncé ?

Nous pouvons le faire dans les tous prochains jours. Mais nous pouvons également attendre la fin des discussions avec le pouvoir. Si elles ont lieu…

Nous sommes tous des candidats à la candidature potentielle.

Ne craignez-vous pas de revivre le scénario de 2009, lorsque l’opposition n’avait pas réussi à se rassembler ?

Ce qui s’est passé en 2009, c’est que nous n’étions pas préparés. Nous avons été surpris par la mort d’Omar Bongo. Cela ne peut pas se reproduire. Cette fois-ci, ce sera différent.

Il y a eu plusieurs convocations judiciaires de membres de l’Union nationale depuis la mort d’André Mba Obame, notamment celle de Paulette Missambo, porte-parole, très récemment. Comment réagissez-vous à ces événements ?

Nous regrettons ces convocations non justifiées. Le cas de Paulette Missambo est édifiant. S’il s’agit de convoquer tous les gestionnaires administratifs des « fêtes tournantes » [dans la gestion desquelles elle serait accusée de détournement, (NDLR)], il faut commencer par ceux qui ont manipulé les fonds, ce qui n’est pas son cas à ma connaissance. Je crois surtout que le pouvoir essaie de nous mettre des bâtons dans les roues.

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