L’armateur CMA CGM met le cap sur l’hinterland
Le troisième armateur mondial se renforce sur le continent. Il souhaite être présent d’un bout à l’autre de la chaîne logistique pour desservir les pays qui n’ont pas d’accès à la mer.
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C’est à un véritable changement de paradigme que se livre le troisième groupe mondial de transport maritime dans son développement opérationnel sur le continent. Alors que le transport conteneurisé est en pleine expansion (il représente plus de 90 % des volumes au niveau mondial), le nouvel objectif de CMA CGM est de devenir dans les cinq prochaines années un opérateur intégré sur toute la chaîne du transport maritime et de la logistique portuaire et terrestre.
« Il y a une volonté très marquée de Rodolphe Saadé [directeur général délégué de CMA CGM, NDLR] de se renforcer en Afrique », souligne Lars Kastrup, directeur général de CMA CGM Agencies Worldwide, le réseau des agences de l’armateur. Le continent « continue sa croissance malgré la grave crise financière internationale qui essouffle l’Asie, l’Amérique et l’Europe. L’activité y progresse de 10 %. Nous y intensifierons nos opérations », estime Kastrup.
Le groupe compte également les diversifier : « Dans certains pays, nous ne nous contenterons plus de rester dans les ports où nous avons connu un développement important. Nous allons nous implanter à l’intérieur des terres, dans certains pays de l’hinterland, pour répondre à la demande de nos clients. »
À cette fin, le groupe a ouvert en juillet dernier en Côte d’Ivoire une filiale dénommée CMA CGM Transit Transport. Objectif : organiser le transport des marchandises jusqu’au client final dans les pays dépourvus de façade maritime. Plusieurs bureaux et agences ont ouvert en Afrique de l’Ouest (au Burkina Faso et au Mali). Ce réseau dans l’hinterland devrait s’étoffer au cours des prochains mois, avec en point de mire le Malawi et la Zambie notamment. La diversification passe pour l’instant surtout par la route. CMA Rail, filiale ferroviaire du groupe, n’opère en effet pas en Afrique subsaharienne. Des réflexions sont en cours sur une éventuelle implantation ; en attendant, l’armateur se contente de louer des wagons à d’autres compagnies.
Un redressement encourageant
Au troisième trimestre 2012, le groupe familial a enregistré un chiffre d’affaires de 4,2 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros), en hausse de 9 % par rapport à la même période en 2011. Avec un résultat net de 371 millions de dollars sur ce trimestre, CMA CGM affiche la meilleure performance de l’industrie maritime, devançant le danois Maersk et l’italo-suisse MSC. Pour poursuivre son développement sur le continent, qui est devenu l’une de ses priorités, l’armateur doit se recapitaliser et redresser ses finances. Sa dette n’est pas réglée malgré l’apport de 150 millions de dollars du Fonds stratégique d’investissement français en échange de 6 % du capital. Reste qu’un premier pas a été franchi au cours des neuf premiers mois de 2012, durant lesquels 550 millions de dollars ont été économisés. Le groupe turc Yildirim, déjà actionnaire, a de son côté apporté 100 millions de dollars complémentaires. B.M.
Gestion portuaire
CMA CGM n’envisage pas d’acquérir une nouvelle marque ou un réseau déjà existant ; il se contentera de renforcer sa marque Delmas. Son plan de développement ne semble pas mettre en péril son alliance avec Bolloré Africa Logistics dans les activités de manutention et de transport terrestre sur le continent, qui court jusqu’en 2016.
Il ne détourne en tout cas pas l’armateur français de ses ambitions en matière de gestion portuaire. En Côte d’Ivoire, celui-ci suit de près l’appel d’offres pour la concession du second terminal à conteneurs du Port autonome d’Abidjan. Présélectionné avec trois autres consortiums, CMA CGM – adossé à son compatriote Necotrans, à l’ivoirien Movis (groupe Geodis) et au philippin ICTSI – a déposé son offre commerciale définitive le 19 novembre et soumettra son offre financière début janvier. En cas de succès le 30 janvier, date de la publication des résultats, le consortium prévoit d’investir entre 200 et 250 millions d’euros sur la plateforme abidjanaise, où les cargaisons de CMA CGM représentent déjà 80 % de l’activité de transbordement et 50 % des opérations sur le terminal à conteneurs.
Économies
Quelques ombres planent toutefois sur ces ambitions africaines. La saturation des installations portuaires, notamment. « Dans plusieurs ports du continent, le délai d’attente des navires pour accoster est trop important : cela a une incidence sur les coûts logistiques et les délais d’acheminement. C’est une bonne chose que les pays africains aient compris la nécessité de développer davantage les infrastructures portuaires », estime Lars Kastrup, citant les exemples de Douala (Cameroun), Pointe-Noire (Congo), Libreville (Gabon), Tin Can (Nigeria) ou Conakry (Guinée).
La situation financière du groupe, surtout (lire encadré) CMA CGM doit se développer à moindre coût tant que sa dette, estimée à 5 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros), ne sera pas soldée. Un plan lancé par Rodolphe Saadé a déjà permis de réaliser des économies encourageantes. Des progrès qui doivent être confirmés pour que le géant des mers puisse espérer atteindre sa vitesse de croisière en Afrique.
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