CPI : qui quitte ? Qui ne quitte pas ?
Robert Mugabe, qui a toujours été hostile à la justice internationale, entendait profiter de son statut de président de l’Union Africaine pour « retirer l’Afrique de la CPI ». Avec l’actuel sommet de l’Union africaine en Afrique du Sud, l’heure de vérité est arrivée…
« Tu n’as pas dit que tu peux ? Il faut “peut”, on va voir », dit une populaire rengaine burkinabè adressée aux politiciens à la promesse facile. Ce qu’on va voir au prochain sommet de l’Union africaine, c’est si Robert Mugabe “peut” rester fidèle à l’un de ses serments du 21 février dernier. Lorsqu’il prenait les rênes de la présidence de l’UA, le chef de l’État zimbabwéen fanfaronnait que le continent africain se retirerait de la « très raciste » Cour pénale internationale (CPI) dès le prochain sommet, privilégiant l’instauration d’une Cour africaine de justice prévue par le Protocole dit “de Malabo”. La date du sommet en question, celui qui se tient en Afrique du Sud jusqu’au 15 juin, est arrivée. Tu n’as pas dit que tu peux, Robert ?
Il n’est pas sûr que Robert Mugabe “puisse pouvoir”. La ratification du Statut de Rome, qui vaut appartenance à la CPI, est d’ordre national, pas continental. Bien sûr, l’article 127 stipule que « tout État partie peut, par voie de notification écrite adressée au secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, se retirer du présent Statut », le retrait ne prenant effet qu’un an après la date à laquelle la notification a été reçue -à moins que celle-ci ne prévoie une date postérieure- et la décision ne pouvant être rétroactive. Claquer la porte ne signifie donc pas l’arrêt des affaires en cours. À moins de se retirer également de l’ONU, l’État boudeur a même l’obligation de continuer à coopérer avec les juges pour toutes les procédures qui ont été commencées. Pour affirmer qu’il a obtenu le retrait de l’Afrique de la Cour pénale internationale, Robert Mugabe devra donc convaincre les chefs d’États des 34 pays africains actuellement membres…
Bien sûr, le bravache nonagénaire zimbabwéen pourrait prêcher quelques convaincus. En 2012, Jean Ping, alors président de l’Union africaine avait critiqué l’action du procureur de la CPI Luis Moreno Ocampo. Mais l’eau a coulé sous les ponts : le présumé « colonialiste » Ocampo a laissé sa place à une Africaine et Ping n’est pas encore en situation de rêver sérieusement de la présidence gabonaise. Et d’ailleurs, il y a aussi loin de la coupe aux lèvres qu’il y a loin de la menace au retrait. En 2013, les députés du Kenya d’Uhuru Kenyatta votaient pour l’abandon du Statut de Rome. Pourtant concerné par des poursuites, le pays n’a toujours pas quitté la CPI.
Si Mugabe n’a pas de nouveaux arguments à mettre dans la balance de ses homologues, la CPI aura beau jeu de rappeler que les Etats sont libres de ratifier ou non le Statut de Rome. Les pays africains n’y seraient pas davantage forcés que les Etats-Unis, la Chine ou la Russie. Et la CPI n’empêcherait aucune Cour africaine d’exister, les “services” internationaux venant en complémentarité des autres systèmes judiciaires.
Les vitupérations du président actuel de l’Union africaine ne serait-elles qu’un effet d’annonce ? Une promesse à laquelle il n’aurait lui-même pas cru et qui aurait chu, comme lui, dans les escaliers du podium de l’UA ? Le vieux briscard est familier du fait populiste. Chaque fête de l’indépendance offre son lot d’engagements dont peu de Zimbabwéens ont l’impudence de souligner, quelques mois plus tard, la vacuité. Dans l’intervalle, le « père de la nation » aura goulûment traité de menteur les dirigeants occidentaux…
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